Sentence arbitrale1 concernant les importations en Suisse des produits des zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex (1962-03-23)

Coming into Force23 mars 1962
ÉtatCurrent version

du 1er décembre 1933

I

Saisie d'un différend, surgi entre la France et la Suisse au sujet des zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex, aux termes d'un compromis d'arbitrage intervenu entre ces deux Puissances, la Cour Permanente de Justice Internationale a rendu son arrêt en date du 7 juin 19322. Par cet arrêt, la Cour décide, entre autres, que le Gouvernement français doit reculer sa ligne de douane conformément aux stipulations du Protocole des Conférences de Paris du 3 novembre 1815, du Traité de Paris du 20 novembre 1815, du Traité de Turin du 16 mars 1816 et du Manifeste de la Cour des Comptes de Sardaigne du 9 septembre 1829, ce régime devant rester en vigueur tant qu'il n'aura pas été modifié par l'accord des Parties. D'autre part, l'arrêt dispose «qu'il y a lieu de prévoir, les zones franches étant maintenues, en faveur des produits des zones, une importation de marchandises en franchise ou à droits réduits à travers la ligne des douanes fédérales». En outre, dans son exposé des motifs, la Cour exprime l'avis que, si la Suisse, grâce au maintien en vigueur des traités cités plus haut, obtient les avantages économiques résultant des zones franches, elle doit, en retour, accorder, à titre de compensation, des avantages économiques aux habitants des zones.

Au cours des exposés oraux faits devant la Cour, l'agent du Gouvernement suisse a, au nom de son Gouvernement, déclaré ce qui suit:

«1.Par la note du 5 mai 1919 (annexe I à l'art. 435 du Traité de Versailles3), la Suisse s'est engagée, les zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex étant maintenues, à 'régler d'une façon mieux appropriée aux conditions économiques actuelles les modalités des échanges entre les régions intéressées'.2.Si l'arrêt de la Cour, conformément aux principes posés par l'ordonnance du 6 décembre 1930, oblige la France à installer son cordon douanier sur la ligne tracée par les stipulations des traités de 1815 et des autres actes complémentaires relatifs aux zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex, la Suisse, sans réserve de ratification ultérieure, accepte ce qui suit: a.La négociation franco-suisse ayant pour objet d'assurer l'exécution de l'engagement énoncé au ch. 1 ci-dessus, aura lieu, si la France en fait la demande dans le délai de douze mois à partir de la date de l'arrêt de la Cour, avec le concours et sous la médiation de trois experts.b.A défaut d'accord entre les Parties et à la requête de la Partie la plus diligente, lesdits experts seront désignés parmi les ressortissants de pays autres que la Suisse et la France, par le juge exerçant actuellement les fonctions de Président de la Cour permanente de Justice Internationale en ce qui a trait à l'affaire des zones franches ou, en cas d'empêchement, par le Président de la Cour permanente de Justice Internationale, si ceux-ci veulent bien y consentir.c.Il appartiendra aux experts d'arrêter, avec effet obligatoire pour les Parties, dans la mesure où cela serait nécessaire faute d'accord entre celles-ci, le règlement à établir en vertu de l'engagement pris par la Suisse (ch. 1 ci-dessus). Les principes de droit posés par l'arrêt de la Cour lieront les experts pour autant que les Parties ne les autoriseraient pas, d'un commun accord, à y déroger.»

La Cour Permanente de Justice Internationale ayant, dans son arrêt du 7 juin 19324, donné acte au Gouvernement suisse de cette déclaration, le Gouvernement fédéral l'a signalée à l'attention du Gouvernement français en lui demandant s'il entendait se rallier à la procédure ainsi proposée à la Cour par le Gouvernement fédéral. En réponse, l'Ambassade de France à Berne a informé le Gouvernement fédéral, par une note du 27 mai 1933, que le Gouvernement français acceptait la procédure dont il s'agit.

Par la suite, les Gouvernements français et suisse se sont mis d'accord pour demander aux soussignés d'assumer la mission d'expert, telle qu'elle est définie par la déclaration précitée. Les négociations franco-suisses, ayant pour objet d'assurer J'exécution de l'engagement énoncé au par. 1 de cette déclaration, se sont ouvertes à Montreux-Territet le 9 octobre 1933. Elles se sont poursuivies du 9 au 12 octobre et du 6 au 25 novembre 1933, avec le concours et la médiation de trois experts. Les délégations française et suisse ont été présidées respectivement par M. Coulondre, Ministre plénipotentiaire, Directeur-adjoint des Affaires politiques et commerciales au Ministère des Affaires étrangères de France, et M. Comte, Inspecteur général des Douanes fédérales suisses.

II

Il n'a pas été possible d'arriver, au cours de ces négociations, à un accord des Parties sur l'ensemble des questions envisagées, à savoir les facilités que la Suisse doit offrir aux produits des zones franches à la suite du recul du cordon douanier français. Les experts-arbitres ont été ainsi amenés à constater, au cours de la séance du 25 novembre 1933, que leurs efforts, tendant à concilier les vues des deux Parties, avaient échoué, et qu'il leur appartenait donc désormais d'arrêter, avec effet obligatoire pour celles-ci, le règlement à établir en fonction de l'engagement assumé par la Suisse de «régler d'une façon mieux appropriée aux conditions économiques actuelles les modalités des échanges entre les régions intéressées».

Il convient cependant de constater que, sur trois points incidents, des échanges de vues ont eu lieu et que l'accord s'est réalisé entre la France et la Suisse, en marge de la négociation officielle devant les experts-arbitres. Dans son arrêt du 7 juin 19325 la Cour avait déclaré que «le recul de la ligne des douanes ne préjuge pas du droit, pour le gouvernement français, de percevoir, à la frontière politique, des droits fiscaux n'ayant pas le caractère de droits de douane». La délégation française a fait connaître, dès le début des négociations, que son Gouvernement entendait maintenir le cordon fiscal sur la frontière politique, et que la question des taxes fiscales devait rester en dehors de la négociation. En ce qui concerne les modalités de la surveillance de la circulation des personnes et des marchandises à travers le cordon fiscal, des pourparlers se sont toutefois engagés entre les délégations, à la suite desquels le chef de la délégation française a fait, dans la séance du 9 novembre 1933, la déclaration suivante:

«Pour l'aménagement et le fonctionnement du cordon fiscal, les autorités françaises compétentes entendent s'inspirer des principes posés par la Convention internationale pour la simplification des formalités douanières conclue à Genève le 3 novembre 19236.Elles se proposent en particulier, dans toute la mesure du possible et conformément aux pratiques actuelles,a.de disposer et d'habiliter les postes fiscaux français substitués aux anciens bureaux de douane, de telle sorte qu'ils correspondent aux bureaux de douane suisses et que leurs heures d'ouverture concordent;b.de pratiquer les visites fiscales de façon que la circulation et le trafic ne soient point entravés; notamment au point où un tramway ou toute autre voiture publique franchit la frontière, la visite du fisc français se fera, chaque fois que les circonstances le permettront, à l'intérieur des voitures, sans obliger les voyageurs à en descendre, sauf perception de droits ou présomption de fraude.De même, conformément aux pratiques actuelles, les touristes et promeneurs franchissant la frontière politique entre la Suisse et les zones franches seront dispensés de toute taxe pour leurs provisions de route, les objets d'équipement et accessoires de sport en cours d'usage qui leur sont personnels et qu'ils transportent avec eux pour leurs excursions, en particulier les piolets, cordes, jumelles, appareils photographiques, skis, luges, patins, appareils thermos, bouilloire, matériel de campement, de cuisine de campagne et de repas en plein air, etc., en tant que lesdits touristes et promeneurs ne destinent pas ces objets au commerce.D'ailleurs, d'une manière générale, il n'est pas dans l'intention des autorités compétentes de modifier les facilités locales actuellement accordées.La délégation française croit savoir que les mêmes pratiques administratives sont actuellement suivies par l'Administration suisse; elle serait heureuse de recevoir l'assurance que ces pratiques seront maintenues.»

Prenant acte de cette déclaration, le chef de la délégation suisse a, à son tour, déclaré, dans la même séance, ce qui suit:

«La délégation suisse remercie la délégation française de la déclaration qu'elle a bien voulu faire au nom du Gouvernement français au sujet du fonctionnement des postes fiscaux français à la frontière politique entre la Suisse et les zones franches de 1815-1816.Elle prend acte de cette déclaration.La délégation suisse s'empresse de déclarer à son tour que le Conseil fédéral entend également ne rien changer aux pratiques libérales et aux facilités en usage dans le fonctionnement de sa douane à la frontière politique de la Suisse et des zones franches de 1815-1816.En conséquence et comme l'a fait le Gouvernement français, le Conseil fédéral s'engage à appliquer, pour le franchissement de sa ligne douanière, les mêmes principes et les mêmes modalités que les principes et les modalités énoncés dans la déclaration de la délégation française pour le franchissement de la ligne fiscale française.»

Un autre point, sur lequel un accord est intervenu entre les Parties en marge de la négociation devant les experts-arbitres, a trait à l'emplacement du cordon douanier français à partir du 1er janvier 1934 (c'est-à-dire à la délimitation intérieure des zones franches). Tout en faisant valoir que cette question restait en dehors de la négociation, la délégation française a fait connaître aux experts-arbitres et à la délégation suisse le tracé du cordon douanier envisagé par le Gouvernement français. Des conversations officieuses se sont engagées entre les délégations, à la suite desquelles l'accord des deux Gouvernements sur la délimitation des zones a été...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT