Arret Nº 6B_1153/2016 Tribunal fédéral, 23-01-2018

Judgement Number6B_1153/2016
Date23 janvier 2018
Subject MatterProcédure pénale* Ordonnance de reprise de procédure (abus de confiance, escroquerie)
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_1153/2016
Arrêt du 23 janvier 2018
Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari, Oberholzer, Rüedi et Jametti.
Greffier : M. Dyens.
Participants à la procédure
A.________, représentée par
Me François Canonica, avocat,
recourante,
contre
1. Ministère public de la République et canton de Genève,
2. X.________, représenté par
Me Corinne Corminboeuf Harari, avocate,
intimés.
Objet
Ordonnance de reprise de procédure (abus de confiance, escroquerie),
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 6 septembre 2016 (P/14632/2015 ACPR/561/2016).
Faits :
A.
En date du 2 juillet 2015, A.________ a déposé plainte pénale auprès du Ministère public de la République et canton de Genève à l'encontre de X.________ pour abus de confiance, escroquerie et faux renseignements sur des entreprises commerciales.
A l'appui de sa plainte, elle a exposé qu'elle avait été approchée par B.________, dirigeant de la société C.________ SA, connaissance de longue date, qui lui avait fait état de la création d'une société active dans le domaine minier, D.________ Corp, à Panama. Il en était l'associé à parts égales avec X.________ et la société cherchait des investisseurs. B.________ a présenté le prénommé à A.________, qui s'est laissée convaincre d'investir un montant de 1'000'000 USD dans la société. Elle a mandaté à cet effet C.________ SA, représentée par B.________, afin qu'elle agisse pour son compte, à titre fiduciaire, et acquière de la société D.________ SA, également à Panama, des actions au porteur de D.________ Corp. Il était question d'un investissement prévu pour une durée de trois ans, à l'échéance de laquelle D.________ SA s'engageait à le remplacer par celui d'un groupe minier. Un dividende annuel de 40 % était prévu. A.________ alléguait toutefois n'avoir jamais perçu de dividende, les fonds investis n'ayant jamais été ni remplacés ni restitués.
B.
Par ordonnance du 10 août 2015, le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur les faits dénoncés, considérant que ces derniers n'étaient constitutifs ni d'abus de confiance, ni d'escroquerie, ni de faux renseignements sur des entreprises commerciales.
C.
Par courrier du 14 avril 2016, A.________ a sollicité du Ministère public qu'il rouvre la procédure, en produisant un bordereau de pièces destiné à étayer sa plainte.
Le 18 avril 2016, le Ministère public a considéré que les nombreuses pièces produites, dont un procès-verbal d'audience devant cette même autorité du 20 janvier 2016 portant sur des faits connexes, constituaient des moyens de preuves nouveaux justifiant la " reprise de la procédure préliminaire ". X.________ a recouru devant la Chambre pénale de recours de la Cour de Justice contre dite ordonnance. Par arrêt du 6 septembre 2016, cette autorité a admis le recours et annulé l'ordonnance du 18 avril 2016.
D.
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt précité. Elle conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à l'annulation de l'arrêt de la Chambre pénale de recours du 6 septembre 2016, à ce qu'il soit ordonné au Ministère public de la République et canton de Genève la réouverture de la procédure et à ce qu'il lui soit ordonné de procéder, notamment, à différentes auditions. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt querellé et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
E.
Invités à se déterminer, la cour cantonale s'est référée aux considérants de son arrêt en précisant ne pas avoir d'observations à formuler, tandis que le ministère public a conclu au rejet du recours. Dans sa réponse, X.________ a conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet du recours. A.________ a répliqué et persisté dans ses conclusions. Sa réplique a été communiquée à X.________, pour information.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 142 IV 196 consid. 1 p. 197).
1.1. Dirigé contre un arrêt qui annule une " ordonnance de reprise de la procédure préliminaire (art. 323 CPP) " rendue après une ordonnance de non entrée en matière (art. 310 CPP), le présent recours en matière pénale (art. 78 LTF) est dirigé contre un arrêt assimilable à une décision finale émanant d'une autorité cantonale de dernière instance (art. 80 et 90 LTF; arrêt 6B_398/2014 du 30 avril 2015 consid. 1 non publié aux ATF 141 IV 194). Il est donc en principe recevable quant à son objet.
1.2. Aux termes de l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil, telles les prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO. En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, il incombe à la partie recourante d'alléguer les faits qu'elle considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir, notamment son préjudice et la réparation à laquelle elle prétend. Comme il n'appartient pas à la partie plaignante de se substituer au Ministère public ou d'assouvir une soif de vengeance, la jurisprudence entend se montrer restrictive et stricte, de sorte que le Tribunal fédéral n'entre en matière que s'il ressort de façon suffisamment précise de la motivation du recours que les conditions précitées sont réalisées, à moins que l'on puisse le déduire directement et sans ambiguïté compte tenu notamment de la nature de l'infraction alléguée (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 4 s.).
En l'espèce, la recourante se dit victime d'infractions contre le patrimoine (abus de confiance ou escroquerie) et allègue un dommage qu'elle chiffre à 3'830'800 USD en capital, subsidiairement à 1'000'000 USD plus intérêts, dont elle entend obtenir réparation. Ces éléments permettent de lui reconnaître, au stade de l'examen de la recevabilité du recours en matière pénale, la qualité de lésé (art. 115 CPP), respectivement de partie plaignante (art. 118 CPP), et d'admettre qu'elle a suffisamment motivé ses prétentions civiles. Elle a donc qualité pour recourir.
2.
2.1. La présente cause soulève la question de la recevabilité d'un recours (art. 393 ss CPP) déposé à l'encontre d'une " ordonnance de reprise de la procédure préliminaire (art. 323 CPP) ", consécutive à une ordonnance de non-entrée en matière (art. 310 CPP) qui avait été motivée par la non-réalisation manifeste des éléments constitutifs des infractions dénoncées (art. 310 al. 1 let. a 1ère alternative CPP). Cette question de recevabilité n'a pas été abordée dans l'arrêt publié aux ATF 141 IV 194, qui traite uniquement des conditions d'application de l'art. 323 CPP. Il y a lieu de l'examiner ici, en rapport avec le motif de non-entrée en matière d'abord retenu par le ministère public.
2.2. La cour cantonale a jugé recevable le recours déposé auprès d'elle par l'intimé, considérant que l'ordonnance querellée était une ordonnance sujette à recours (art. 393 al. 1 let. a CPP) et qu'il disposait d'un intérêt juridiquement protégé (art. 382 CPP) à la contester. Elle s'est fondée sur l'opinion de SCHMID, pour qui, à l'instar de la doctrine majoritaire, le prévenu a qualité pour recourir contre la reprise de la procédure préliminaire ordonnée en vertu de l'art. 323 CPP (NIKLAUS SCHMID, Schweizerische Strafprozessordnung, Praxiskommentar, 2e éd. 2013, n° 13 ad art. 323 CPP; cf. SCHMID/JOSITSCH, Schweizerische Strafprozessordnung, Praxiskommentar, 3e éd. 2018, n° 13 ad art. 323 CPP; cf. aussi: GRÄDEL/ HEINIGER, in Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung/ Jugendstrafprozessordnung, 2e éd. 2014, n° 22 ad art. 323 CPP; LANDSHUT/BOSSHARD, in Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung [StPO], 2e éd. 2014, n° 30 ad art. 323 CPP; ROBERT ROTH, in Commentaire romand, Code de procédure pénale, 2011, n° 11 ad art. 323 CPP; MOREILLON/PAREIN-REYMOND, Petit commentaire, Code de procédure pénale, 2e éd. 2016, n° 15 ad art. 323 CPP; NIKLAUS OBERHOLZER, Grundzüge des Strafprozessrechts, 3e éd. 2012, p. 495, n° 1410).
2.3.
2.3.1. A teneur de l'art. 393 al. 1 let. a CPP, le recours est ouvert contre les décisions et les actes de procédure de la police, du ministère public et des autorités pénales compétentes en matière de contraventions. Cependant, les décisions qualifiées de définitives ou de non sujettes à recours par le CPP ne peuvent pas être attaquées par le biais d'un recours (art. 380 en lien avec les art. 379 et 393 CPP). Il découle ainsi de la systématique légale que, sauf exceptions prévues expressément par la loi, toutes les décisions de procédure, qu'elles émanent du ministère public, de la police ou des autorités compétentes en matière de contraventions, sont susceptibles de recours. Le législateur a eu en vue de soumettre de manière générale à recours " tout acte de procédure (...), y compris toute abstention ou toute omission " (Message du Conseil fédéral du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2005 1057 [cité: Message CPP], ch. 2.9.2, p. 1296). En...

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