Arret Nº 6B_1111/2016 Tribunal fédéral, 09-05-2018

Date09 mai 2018
Judgement Number6B_1111/2016
Subject MatterInfractions Frais de la procédure, indemnité au titre des dépens
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_1111/2016, 6B_1179/2016
Arrêt du 9 mai 2018
Cour de droit pénal
Composition
M. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Jametti.
Greffier : M. Vallat.
Participants à la procédure
6B_1111/2016
Ministère public de la République et canton de Genève,
recourant,
contre
1. X.________,
représenté par Me Romain Jordan, avocat,
2. Y.________,
représenté par Me Yaël Hayat, avocate,
intimés,
et
6B_1179/2016
X.________,
représenté par Me Romain Jordan, avocat,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève,
intimé.
Objet
6B_1111/2016
Infraction à l'art. 19 al. 1 LStup,
6B_1179/2016
Frais de la procédure, indemnité au titre des dépens,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 24 août 2016 (P/15819/2013 AARP/347/2016).
Faits :
A.
Par deux ordonnances pénales du 18 mai 2015, valant acte d'accusation, il a été reproché à X.________ de s'être procuré, à Genève, le 21 septembre 2013 vers 00h15 à la rue A.________, deux boulettes de cocaïne, d'un gramme chacune, auprès de B.________ contre paiement de 200 fr., l'argent lui ayant été préalablement remis à cette fin par Y.________. Il était imputé à ce dernier d'avoir, dans les mêmes circonstances, acquis par le truchement de X.________, deux boulettes d'un gramme chacune pour la somme de 200 francs.
Par jugement du 3 décembre 2015, le Tribunal de police du canton de Genève a reconnu les deux prévenus coupables d'infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants. Y.________ a été condamné à 45 jours-amende à 230 fr. l'unité, avec sursis pendant 3 ans ainsi qu'à 2070 fr. d'amende (peine de substitution de 9 jours de privation de liberté). X.________ a été condamné à 30 jours-amende à 140 fr. l'un, sous déduction d'un jour de détention avant jugement, avec sursis pendant 3 ans, ainsi qu'à 840 fr. d'amende (peine privative de liberté de substitution de 6 jours). Les frais ont été mis à charge des intéressés par moitiés.
B.
Saisie d'appels par Y.________ et X.________, par arrêt du 24 août 2016, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a acquitté les deux prévenus et mis à charge de ceux-ci, par moitiés, les frais de la procédure de première instance. La cour cantonale a également débouté Y.________ et X.________ de leurs conclusions en indemnisation pour la première instance mais leur a accordé, respectivement, 4792 fr. 50 et 8914 fr. 50 à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de leurs droits de procédure en appel. La moitié des frais d'appel a été mise à la charge d'Y.________ et un quart à la charge de X.________, le solde demeurant à la charge de l'Etat.
En bref, cet arrêt retient que les faits reprochés aux intéressés sont établis, de même que leur intention d'acquérir les stupéfiants. Toutefois, Y.________ voulait démontrer que tout citoyen pouvait facilement obtenir de la cocaïne dans les rues de Genève. X.________ avait agi dans l'unique but de réaliser un film de propagande, sans avoir l'intention de consommer ni de donner à consommer la drogue acquise. Il n'avait pas trop réfléchi à ce que l'acte d'achat représentait, sans doute sous l'emprise de l'admiration qu'il portait au leader du Mouvement C.________. Le comportement subséquent des intéressés, consistant à joindre les forces de l'ordre et à leur remettre la cocaïne, démontrait qu'ils n'avaient nulle intention de la consommer, de la vendre, voire de la remettre à autrui ou de l'abandonner dans la rue. La remise aux autorités avait pour but de la faire détruire tout en dénonçant le comportement du dealer dont ils avaient permis l'identification. Si le but principal de leur action était de dénoncer une situation jugée politiquement insatisfaisante, leur but secondaire était de " neutraliser pour l'exemple " un trafiquant ainsi que la drogue que celui-ci comptait écouler. Dans leur esprit, les intéressés avaient donc, certes naïvement et avec pour résultat un succès tout relatif, voulu agir contre le fléau du trafic de stupéfiants.
C.
Par actes des 29 septembre et 7 octobre 2016, le Ministère public genevois et X.________ forment chacun un recours en matière pénale contre la décision sur appel. Le premier conclut principalement à sa réforme en ce sens qu'Y.________ et X.________ soient condamnés, pour infraction à l'art. 19 al. 1 LStup, aux mêmes peines que celles prononcées en première instance. A titre subsidiaire, il demande que la décision querellée soit annulée et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision. X.________ conclut à la réforme de la décision entreprise en ce sens que les frais de justice le concernant soient laissés à la charge de l'Etat et que l'indemnité pour l'exercice raisonnable de ses droits de procédure soit portée à 16'152 fr. 50.
Invités à formuler des observations sur le recours 6B_1179/2016, la cour cantonale y a renoncé, cependant que le Ministère public genevois a conclu, par acte du 16 avril 2018, au rejet du recours. X.________, à qui ces observations ont été communiquées, a indiqué persister dans ses conclusions en renonçant toutefois à son grief relatif à l'application de l'art. 4 let. h du règlement genevois fixant le tarif des frais en matière pénale.
Considérant en droit :
1.
Le recours du Ministère public genevois porte exclusivement sur la question du risque admissible appréhendé comme un fait justificatif, cependant que X.________ se fonde, notamment, sur cette notion pour contester la mise à sa charge d'une partie des frais de la procédure. Il s'ensuit que les deux recours, qui se rapportent à une même affaire et trouvent leur origine dans un même état de fait posent des questions juridiques, partiellement tout au moins, connexes. Il se justifie de les joindre et de statuer par un seul et même arrêt (art. 71 LTF et 24 PCF).
2.
Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel devant laquelle les faits établis en dernière instance cantonale peuvent être librement rediscutés. Il est lié par les constatations de faits de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF), soit, pour l'essentiel, de manière arbitraire (art. 9 Cst.; voir sur cette notion: ATF 141 IV 369 consid. 6.3 p. 375; 141 I 49 consid. 3.4 p. 53; 140 III 264 consid. 2.3 p. 266). Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur de tels moyens, fondés sur la violation de droits fondamentaux, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 142 III 364 consid. 2.4 p. 368). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 142 III 364 consid. 2.4 p. 368; 141 IV 249 consid.1.3.1 p. 253).
3.
Le Ministère public ne développe expressément aucun grief relatif aux faits. Il déclare au contraire - non sans contradiction (v. infra consid. 3.3.3 et 3.3.4) - se référer intégralement à ceux retenus par la décision querellée. Il est, en tout cas, constant que les intéressés ont acquis, puis détenu deux boulettes d'un gramme de cocaïne et qu'ils ont voulu acquérir et détenir ces stupéfiants, sans intention de les consommer ou remettre à des tiers. Le Ministère public reproche, en revanche, à la cour cantonale d'avoir acquitté les intimés au motif qu'ils n'avaient pas excédé le risque admissible.
3.1. Aux ATF 117 IV 58 consid. 2b p. 61 s., le Tribunal fédéral a jugé, en se référant à la théorie dite du " risque admissible " qu'exposer les biens juridiques de tiers à des risques déterminés est en soi permis dans le domaine des infractions par négligence et qu'il ne doit pas en aller différemment de celui qui agit intentionnellement. Pour que l'auteur d'un délit de mise en danger abstraite soit punissable, il faut donc qu'il ait franchi les limites d'un risque acceptable. Le devoir de diligence n'est pas réduit pour autant. Ce n'est pas le fait qu'une erreur humaine est toujours possible que l'on entend ici privilégier. Ce dont on veut tenir compte c'est du fait que l'acceptation d'un certain risque est inhérente à toute entreprise. Plus celle-ci est utile et plus difficile est la mise en oeuvre des moyens permettant de parer à tout danger entrant dans les prévisions de la norme, moins le risque assumé apparaîtra répréhensible. Cela...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT