Arret Nº 6B 865/2018 Tribunal fédéral, 14-11-2019

Judgement Number6B 865/2018
Date14 novembre 2019
Subject MatterInfractions Procès équitable, autorité de chose jugée, motivation insuffisante de la décision attaquée, droit d'être entendu, refus d'auditionner des témoins, refus d'ordonner des expertises judiciaires, présomption d'innocence, maxime d'accusation, assassinat, arb...
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_865/2018
Arrêt du 14 novembre 2019
Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari, Oberholzer, Rüedi et Jametti.
Greffier : M. Vallat.
Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Florian Baier, avocat, et Me Giorgio Campá, avocat,
recourant,
contre
1. Ministère public de la République et canton de Genève,
2. B.________,
représentée par Me Alexandra Lopez, avocate,
intimés.
Objet
Procès équitable, autorité de chose jugée, motivation insuffisante de la décision attaquée, droit d'être entendu, refus d'auditionner des témoins, refus d'ordonner des expertises judiciaires, présomption d'innocence, maxime d'accusation, assassinat, arbitraire, fixation de la peine, indemnisation du prévenu acquitté,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 27 avril 2018 (AARP/206/2018 [P/69/2008]).
Faits :
A.
A.________, double national guatémaltèque et suisse né en 1970, est marié et père de trois enfants. Il a effectué sa scolarité obligatoire et suivi des études universitaires en sciences politiques, sanctionnées en 1995 par l'obtention de son diplôme, au Guatémala. Il a commencé à travailler dès l'âge de 17 ans, d'abord à la mairie de C.________, puis au Ministère D.________. Il a ensuite occupé un poste au sein du Bureau E.________ et exercé le mandat de Conseiller municipal en charge de la sécurité de la Ville de C.________ de 2000 à 2004. Au cours de cette dernière année, alors qu'il avait été réélu conseiller municipal, il a accepté la charge de directeur général de la Police F.________ à la demande de G.________ (v. infra consid. B.a). Il avait alors 34 ans. Ce poste était le niveau hiérarchique le plus élevé de la F.________. Il l'a occupé du 22 juillet 2004 au 26 mars 2007. Selon ses explications, il avait fait de la lutte contre la corruption au sein de la police une priorité et avait notamment licencié 1200 agents.
A.a. Par acte d'accusation du 10 janvier 2014, il lui a été reproché, en substance, d'avoir participé, le 25 septembre 2006, en qualité de coauteur à l'exécution de six détenus et comme auteur direct du septième dans le cadre de la reprise de contrôle (opération H.________) de l'établissement pénitentiaire I.________ (ch. I.1). On lui imputait également d'être impliqué comme coauteur dans l'exécution extrajudiciaire (opération J.________) de 3 prisonniers parmi 19 évadés du centre pénitentiaire K.________ aux lieux dits L.________ et M.________ (ch. II.2 et III.3). On renvoie, pour le surplus, en ce qui concerne le contenu de l'acte d'accusation à l'arrêt 6B_947/2015 du 29 juin 2017 consid. A.
A.b. Par jugement du 6 juin 2014, le Tribunal criminel du canton de Genève a acquitté A.________ des chefs d'accusation d'assassinat visés sous ch. II.2 et III.3 de l'acte d'accusation et l'a reconnu coupable de ces mêmes infractions dans le cadre de l'opération H.________. A.________ a été condamné à la privation de liberté à vie ainsi qu'à payer à la partie plaignante B.________, mère du détenu N.________ décédé lors de l'opération H.________, la somme de 30'000 fr. plus intérêts, à titre d'indemnisation de son tort moral.
A.c. Par arrêt du 12 juillet 2015, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté l'appel de A.________, admis celui du ministère public et, statuant à nouveau, a condamné A.________ pour assassinat à raison des faits visés sous ch. II.2 et III.3 de l'acte d'accusation, le jugement de première instance étant confirmé pour le surplus.
A.d. Saisi par A.________ d'un recours en matière pénale, le Tribunal fédéral l'a partiellement admis (arrêt 6B_947/2015 du 29 juin 2017). Il a annulé l'arrêt cantonal, renvoyé la cause à la juridiction d'appel afin qu'elle rende une nouvelle décision et rejeté le recours pour le surplus, dans la mesure où il était recevable.
En bref, dans la mesure où il a admis le recours, le Tribunal fédéral a considéré que la procédure cantonale n'avait pas offert au recourant des garanties suffisantes, en relation avec l'audition de plusieurs témoins auxquels il n'avait pu être confronté s'agissant d'établir son rôle le 25 septembre 2006. Les développements de la cour cantonale relatifs à l'appréciation de certaines preuves étaient insuffisamment motivés (implication de son bras droit O.________ comme indice de sa participation à une organisation criminelle). Ces développements étaient arbitraires et, en tous les cas, affectés d'un grave défaut de motivation s'agissant d'autres faits retenus à charge (implication du recourant dans la mise à l'écart puis l'exécution de N.________). La décision cantonale violait également le droit d'être entendu du recourant en ce qui concernait le refus d'entendre deux témoins (P.________ et Q.________). Le principe de l'accusation avait été méconnu s'agissant d'actes de torture tenus pour commis par le recourant dans le complexe de faits J.________. L'appréciation des preuves opérée par la cour cantonale apparaissait de toute manière incomplète sur ce point. La motivation de la décision querellée ne permettait pas non plus de comprendre précisément en quoi la rencontre du recourant et d'autres personnes dans une station-service pouvait constituer un indice important de son implication dans une organisation criminelle dédiée à la purification sociale. Cette motivation était de même insuffisante s'agissant de démontrer que l'implication de O.________ constituait un indice de la culpabilité du recourant. Les développements de la cour cantonale relatifs à l'implication du recourant dans une organisation criminelle ne répondaient pas aux exigences déduites de l'art. 6 par. 3 let. d CEDH, en tant que la cour cantonale s'était notamment fondée sur les explications d'enquêteurs de la Commission internationale contre l'impunité au Guatémala (CICIG). De même, son implication déduite de sa présence près de la maison de R.________ (alors qu'on y aurait entendu des coups de feu) puis de sa présence au moment de l'exécution de R.________ procédait-t-elle d'une appréciation arbitraire des preuves. La cour cantonale avait insuffisamment instruit la cause s'agissant des explications du témoin S.________ sur l'existence d'appels téléphoniques dans le cadre du volet L.________ de l'opération J.________ ainsi qu'en ce qui concernait celles du témoin T.________ sur d'éventuelles communications téléphoniques dans le volet M.________. Enfin, le Tribunal fédéral a attiré l'attention de la cour cantonale sur les exigences relatives à la présomption d'innocence de tiers à la procédure, O.________ en particulier.
B.
Par arrêt du 27 avril 2018, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a reconnu A.________ coupable de complicité d'assassinats pour les chefs d'accusation visés sous point I.1 de l'acte d'accusation, acquitté A.________ des chefs d'accusation II.2 et III.3 et a condamné l'intéressé à 15 ans de privation de liberté sous déduction de 1852 jours de détention subie avant jugement et de 71 jours imputés au titre des mesures de substitution subies au jour du prononcé. A.________ a été condamné à payer la somme de 30'000 fr. plus intérêts à B.________ en [réparation du] tort moral. Cet arrêt statue, par ailleurs, sur les frais et l'indemnité du conseil d'office de A.________. Il repose sur l'état de fait pertinent suivant, sous réserve des points de fait qui seront encore discutés dans la perspective des griefs soulevés.
B.a. Durant son mandat à la tête de la F.________, le supérieur direct de A.________ était le ministre de l'intérieur G.________. A.________ avait notamment pour subordonnés O.________, U.________ ainsi que les frères V.________ et W.________. O.________, gynécologue, était son ami d'enfance et il l'avait lui-même nommé sous-directeur de la F.________, d'abord à la tête de la Division X.________, dès le 1er août 2005 mais avec effet rétroactif, puis à celle de la Division Y.________, dès le 13 janvier 2006 jusqu'au 16 mars 2007. Le deuxième était un agent de longue date de la F.________ et, en dernier lieu, chef de la Y.________. les frères V.________ et W.________ étaient conseillers en sécurité. G.________ avait, quant à lui, notamment sous ses ordres Z.________, conseiller en sécurité dans le domaine de la lutte contre les enlèvements et le crime organisé, employé au sein du Ministère de l'intérieur. Le directeur général du système pénitentiaire de l'époque était AA.________ depuis le 7 novembre 2005. BB.________, chef assesseur en matière de sécurité au sein du système pénitentiaire du 1er mai 2006 au 15 novembre 2007, dépendait notamment de lui.
B.b. La I.________ est un établissement carcéral sis dans la commune de CC.________, à une trentaine de kilomètres de C.________. A l'époque des faits, la prison comptait 1800 détenus et les autorités en avaient depuis longtemps perdu le contrôle, à l'instar d'autres établissements de détention. Celle-là était de fait dirigée par un Comité d'ordre et de discipline (COD), présidé par DD.________ et composé de détenus influents qui s'adonnaient depuis l'établissement lui-même à des activités criminelles relevant notamment du trafic de stupéfiants, d'extorsions et d'enlèvements.
On se réfère, quant à la topographie des lieux, à la vue aérienne reproduite en page 10 de l'arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève, du 27 avril 2018 ainsi qu'au document correspondant de taille originale figurant au dossier.
B.c. Sous l'égide de la Direction générale du Système pénitentiaire, un plan intitulé " Plan des opérations H.________ 2006 " a été établi, en vue de la reprise du contrôle de l'établissement.
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