Arret Nº 6B 430/2020 Tribunal fédéral, 06-08-2020

Date06 août 2020
Judgement Number6B 430/2020
Subject MatterInfractions Usure; incitation à l'entrée, à la sortie ou au séjour illégaux; arbitraire
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_430/2020
Arrêt du 26 août 2020
Cour de droit pénal
Composition
Mmes les Juges fédérales
Jacquemoud-Rossari, Juge présidant,
van de Graaf et Koch.
Greffier : M. Tinguely.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Thomas Barth, avocat,
recourante,
contre
1. Ministère public de la République et canton de Genève,
2. B.________,
représentée par Me Clara Schneuwly, avocate,
intimés.
Objet
Usure; incitation à l'entrée, à la sortie ou au séjour illégaux; arbitraire,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 4 février 2020 (AARP/69/2020 (P/8333/2015)).
Faits :
A.
Par jugement du 12 avril 2018, le Tribunal correctionnel de la République et canton de Genève a condamné A.________ pour usure (art. 157 ch. 1 CP) et incitation à l'entrée, à la sortie ou au séjour illégaux (art. 116 al. 1 let. a LEI) à une peine privative de liberté de 18 mois, avec sursis pendant 4 ans. Outre les frais de procédure mis à sa charge, A.________ a été condamnée à payer à B.________ des montants de 2000 fr., intérêts en sus, à titre de réparation du tort moral (art. 49 CO) ainsi que de 27'458 fr. 30 à titre d'indemnité pour ses dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 CPP).
B.
Par arrêt du 4 février 2020, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a rejeté l'appel de A.________ contre le jugement du 12 avril 2018 et a partiellement admis les appels joints du Ministère public et de B.________ contre ce même jugement. Celui-ci a été réformé en ce sens que A.________ était condamnée, en sus de la peine de privation de liberté sus-évoquée, à une peine pécuniaire ferme de 60 jours-amende, à 30 fr. l'unité, et que les montants dus par A.________ à B.________ à titre de réparation du tort moral et d'indemnité au sens de l'art. 433 al. 1 CPP étaient fixés à 3000 fr. et 23'535 fr. 70 respectivement.
En substance, la cour cantonale a retenu les faits suivants.
Entre le 29 décembre 2009 et le 23 avril 2015, à C.________, A.________, ressortissante sénégalaise née en 1976, a exploité la force de travail de sa cousine et compatriote B.________, née en 1990, en la contraignant à s'occuper de deux de ses trois enfants mineurs ainsi que de son ménage, pour une durée hebdomadaire moyenne de 71 heures, sept jours sur sept, sans vacances. Durant ces années, B.________, nourrie et logée par A.________, a peu à peu été placée dans une situation d'isolement, démunie de ses papiers d'identité et sans ressources financières, recevant 50 à 100 fr. par mois d'argent de poche.
Pendant la même période, A.________ a en outre facilité le séjour en Suisse de B.________, en tentant notamment d'arranger un mariage entre cette dernière et le dénommé D.________.
C.
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 4 février 2020. Elle conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à son acquittement et à l'allocation par l'État de Genève d'une somme de 10'000 fr. en sa faveur à titre de réparation du tort moral. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour qu'elle statue au sens des considérants à venir. Elle sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire.
Considérant en droit :
1.
La recourante invoque une violation du principe ne bis in idem. Elle se prévaut dans ce contexte d'avoir déjà fait l'objet d'une procédure administrative menée par l'Office cantonal de l'inspection et des relations de travail (OCIRT) en raison de la sous-enchère salariale qui aurait été pratiquée au détriment de l'intimée.
1.1. Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat. Ce principe, exprimé par l'adage ne bis in idem, est garanti par l'art. 4 al. 1 du Protocole n° 7 à la CEDH ainsi que par l'art. 14 par. 7 du Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques. La règle découle en outre implicitement de la Constitution fédérale. Elle figure également à l'art. 11 al. 1 CPP (ATF 144 IV 136 consid. 10.1 p. 155). Aux termes de cette disposition, aucune personne condamnée ou acquittée en Suisse par un jugement entré en force ne peut être poursuivie une nouvelle fois pour la même infraction.
L'existence d'une même infraction (" idem ") constitue la condition de base du principe ne bis in idem. Le point de savoir si les infractions en question sont les mêmes au sens de l'art. 4 al. 1 du Protocole n° 7 à la CEDH dépend d'une analyse axée sur les faits plutôt que par exemple d'un examen formel consistant à comparer les " éléments essentiels " des infractions. L'interdiction vise l'inculpation ou le jugement pour une seconde " infraction " pour autant que celle-ci a pour origine des faits identiques ou des faits qui sont en substance les mêmes (arrêt de la CourEDH Zolotouhkine contre Russie du 10 février 2009, § 82; ATF 144 IV 136 consid. 10.5 p. 157; également arrêt 6B_133/2018 du 27 juillet 2018 et la jurisprudence citée).
Ce n'est qu'en présence d'une même infraction qu'il convient de se demander s'il y a eu répétition des poursuites (volet " bis " du principe). Sous cet angle, la jurisprudence de la CourEDH admet néanmoins que s'il existe un lien matériel et temporel suffisamment étroit entre les procédures concernées visant la même constellation de faits, de sorte qu'elles peuvent être considérées comme deux aspects d'un système unique, il n'y a pas de dualité de la procédure contraire au principe ne bis in idem (cf. arrêt 6B_133/2018 précité consid. 2.1 et la jurisprudence de la CourEDH citée; également ATF 144 IV 136 consid. 10.5 p. 157 s.).
1.2. Il ressort de l'arrêt entrepris que, par décision du 10 mars 2016, l'OCIRT avait infligé à la recourante une sanction administrative prévue par l'art. 9 al. 2 de la loi fédérale sur les travailleurs détachés (LDét; RS 823.20), ordonnant le paiement à l'intéressée d'un montant de 5000 francs. On comprend qu'il lui était alors reproché de ne pas avoir respecté les salaires minimaux obligatoires prévus par le Contrat-type de travail de l'économie domestique (CTT-EDom; RS/GE J 1 50.03). Cette décision avait par la suite été annulée par arrêt du 15 mai 2018 de la Chambre administrative de la Cour de justice, au motif que la prescription de la poursuite administrative était atteinte (cf. arrêt attaqué, ad " En fait ", consid. h.a. p. 8).
Cela étant, il apparaît que l'OCIRT, autorité cantonale chargée du contrôle des conditions fixées par la législation sur les travailleurs détachés (cf. art. 7 al. 1 let. d LDét; art. 35 al. 1 de la loi genevoise sur l'inspection et les relations du travail [LIRT; RS/GE J 1 05]), notamment en matière de salaires minimaux dans l'économie domestique (cf. art. 24 al. 2 CTT-EDom), ne disposait en l'espèce que d'une compétence limitée ratione materiae aux sanctions administratives (cf. art. 9 LDét) susceptibles d'être infligées à la recourante en qualité d'employeur. Cette autorité n'était en revanche nullement compétente pour poursuivre la recourante du chef d'incitation à l'entrée, à la sortie ou au séjour illégaux (art. 116 al. 1 let. a LEI) et d'usure (art. 157 CP), cette dernière infraction réprimant en l'occurrence spécifiquement l'exploitation des états de faiblesse et de dépendance de l'intimée en vue de la contraindre à lui fournir des avantages en disproportion avec les prestations consenties.
Ainsi, même si les faits déterminants se recoupent partiellement, en particulier...

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