Arret Nº 5C 2/2017 Tribunal fédéral, 11-03-2019

Judgement Number5C 2/2017
Date11 mars 2019
Subject MatterDroit de la famille Loi neuchâteloise du 27 juin 2017 portant modification de la loi
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
5C_2/2017
Arrêt du 11 mars 2019
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président,
Marazzi, von Werdt, Schöbi et Bovey.
Greffière : Mme Jordan.
Participants à la procédure
1. Ordre des Avocats Neuchâtelois,
2. Jeune Barreau Neuchâtelois,
3. A.________,
tous les trois représentés par Me B.________, avocat,
4. B.________,
recourants,
contre
Conseil d'Etat de la République et canton de Neuchâtel, Le Château, rue de la Collégiale 12, 2000 Neuchâtel,
Grand Conseil de la République et canton de Neuchâtel, Le Château, rue de la collégiale 12, 2001 Neuchâtel 1.
Objet
Loi neuchâteloise du 27 juin 2017 portant modification de la loi concernant les autorités de protection de l'adulte et de l'enfant; contrôle abstrait de normes,
recours contre les art. 31a à 31d (nouveaux) de la loi du 27 juin 2017 portant modification de la loi concernant les autorités de protection de l'adulte et de l'enfant.
Faits :
A.
Le 27 juin 2017, le Grand Conseil de la République et Canton de Neuchâtel a adopté la loi portant modification de la loi concernant les autorités de protection de l'adulte et de l'enfant du 6 novembre 2012 (LAPEA; RSN 213.32).
Cet acte législatif, publié dans la Feuille officielle neuchâteloise (ci-après : FO) n º 27 du 7 juillet 2017 et promulgué par arrêté du Conseil d'Etat du 11 août 2017 paru dans la FO n º 33 du 18 août suivant, est entré en vigueur le 1 er janvier 2018.
Il introduit notamment dans la LAPEA une section 2 nouvelle comprenant les art. 31 à 31e portant sur la rémunération des curateurs et tuteurs. Ces dispositions prévoient en substance que cette rémunération est fixée par l'autorité de protection annuellement ou biennalement (art. 31 nouveau) selon des fourchettes d'honoraires en fonction des tâches assumées (art. 31a al. 1 nouveau) et peut être augmentée, sur demande expresse et motivée du curateur ou du tuteur, de 30% au maximum lorsqu'elle apparaît comme inéquitable au vu de l'importance exceptionnelle des tâches assumées, notamment à l'ouverture du mandat (art. 31b nouveau). Par ailleurs, lorsqu'une mesure doit être confiée à un avocat en raison de ses compétences professionnelles particulières, elle est arrêtée conformément au tarif de l'assistance judiciaire (art. 31c al. 1 nouveau) et, dans le cas d'autres professionnels, tels qu'un notaire ou un gérant d'immeubles, selon le tarif horaire le plus bas retenu par l'association professionnelle concernée ou par les usages de la branche (art. 31c al. 2 nouveau). L'art. 31c al. 3 dispose toutefois que, si la situation financière de la personne concernée le permet, le curateur ou le tuteur ès qualités sera rémunéré selon le tarif usuel de sa branche. L'art. 31d prévoit enfin le droit à une indemnité couvrant les frais de transport, calculée conformément au tarif applicable aux titulaires de la fonction publique (al. 1) ainsi que le remboursement des autres frais indispensables à l'exécution du mandat à concurrence de leur montant effectif, sur présentation de pièces justificatives (al. 2).
B.
Par écriture du 15 septembre 2017, postée le même jour, l'Ordre des Avocats Neuchâtelois, le Jeune Barreau Neuchâtelois ainsi que les avocats A.________ et B.________ exercent un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral tendant à l'annulation des art. 31a à 31d (nouveaux) de la loi du 27 juin 2017.
Les recourants invoquent une violation de la liberté économique, des principes de la primauté du droit fédéral et de l'égalité dans la loi ainsi que de l'interdiction du travail obligatoire garanti par l'art. 4 CEDH.
Le Grand Conseil de la République et Canton de Neuchâtel propose le rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. Le Conseil d'Etat ne s'est pas déterminé. Les recourants ont répliqué.
C.
Par ordonnance du 19 octobre 2017, le Président de la II e Cour de droit civil a refusé d'accorder l'effet suspensif au recours.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 143 III 140 consid. 1; 142 II 363 consid. 1 et la jurisprudence citée).
1.1. Le recours en matière de droit public est ouvert contre les actes normatifs cantonaux (art. 82 let. b LTF). La loi attaquée constitue un acte normatif cantonal et ne peut faire l'objet d'aucun recours dans le canton de Neuchâtel. Elle est par conséquent directement attaquable par un recours en matière de droit public (art. 82 let. b et 87 al. 1 LTF), lequel a par ailleurs été formé en temps utile (art. 101 LTF; ATF 138 I 444 consid. 1.5.1 et les références).
1.2.
1.2.1. Lorsque le recours est dirigé contre un acte normatif cantonal, la qualité pour recourir appartient à toute personne dont les intérêts sont effectivement touchés par l'acte attaqué ou pourront l'être un jour; une simple atteinte virtuelle suffit, à condition toutefois qu'il existe un minimum de vraisemblance que le recourant puisse un jour se voir appliquer les dispositions contestées (ATF 138 I 435 consid. 1.6; 136 I 17 consid. 2.1). Quant à l'intérêt digne de protection, il n'est pas nécessaire qu'il soit de nature juridique, un intérêt de fait étant suffisant (ATF 141 I 78 consid. 3.1; 137 I 77 consid. 1.4).
Selon la jurisprudence, une association jouissant de la personnalité juridique est autorisée à former un recours en matière de droit public en son nom propre lorsqu'elle est touchée dans ses intérêts dignes de protection. De même, sans être elle-même touchée par la décision entreprise, une association peut être admise à agir par la voie du recours en matière de droit public (nommé alors recours corporatif) pour autant qu'elle ait pour but statutaire la défense des intérêts dignes de protection de ses membres, que ces intérêts soient communs à la majorité ou au moins à un grand nombre d'entre eux et, enfin, que chacun de ceux-là ait qualité pour s'en prévaloir à titre individuel. En revanche, elle ne peut prendre fait et cause pour l'un de ses membres ou pour une minorité d'entre eux (ATF 142 II 80 consid. 1.4.2; 137 II 40 consid. 2.6.4; arrêt 1C_170/2015 du 18 août 2015 consid. 3.1).
1.2.2. En l'occurrence, on peut se demander si les conditions relatives au recours corporatif sont réalisées pour l'Ordre des Avocats Neuchâtelois et le Jeune Barreau Neuchâtelois et, plus particulièrement, s'il est établi que la majorité ou un grand nombre des membres de ces associations sont virtuellement touchés par l'acte attaqué. La question peut toutefois rester indécise, la qualité pour recourir devant être reconnue aux avocats A.________ et B.________, qui recourent à titre personnel et ont démontré assumer des mandats de curatelle de représentation (art. 394 al. 1 CC) et de gestion (art. 395 al. 1 CC).
2.
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral contrôle librement le respect du droit fédéral, qui comprend les droits de nature constitutionnelle (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF), sous réserve des exigences de motivation figurant à l'art. 106 al. 2 LTF. Aux termes de cet alinéa, il n'examine la violation de droits fondamentaux ainsi que celle de dispositions de droit cantonal que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant. En ces matières, l'acte de recours doit, sous peine d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits ou principes constitutionnels violés et préciser en quoi consiste la violation (ATF 139 I 229 consid. 2.2; 135 II 243 consid. 2; cf. pour le grief d'arbitraire: ATF 137 I 1 consid. 2.4; arrêt 2C_727/2011 du 19 avril 2012 consid. 2.2 non publié aux ATF 138 II 191).
2.2. Lorsqu'il doit se prononcer dans le cadre d'un contrôle abstrait de normes, ce qui est le cas en l'espèce, le Tribunal fédéral s'impose une certaine retenue eu égard notamment aux principes découlant du fédéralisme et de la proportionnalité; il n'annule les dispositions cantonales attaquées que si elles ne se prêtent à aucune interprétation conforme au droit constitutionnel ou si, en raison des circonstances, leur teneur fait craindre avec une certaine vraisemblance qu'elles soient interprétées de façon contraire à la Constitution et au droit fédéral. Pour en juger, il faut notamment tenir compte de la portée de l'atteinte aux droits en cause, de la possibilité d'obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante, des circonstances dans lesquelles ladite norme sera appliquée et de la vraisemblance d'une application conforme aux droits fondamentaux (ATF 140 I 2 consid. 4; 137 I 31 consid. 2; arrêt 2C_219/2012 du 22 octobre 2012 consid. 2.2 non publié aux ATF 138 I 410). Les explications de l'autorité cantonale sur la manière dont elle applique ou envisage d'appliquer la disposition mise en cause doivent également être prises en considération. Si une réglementation de portée générale apparaît comme défendable au regard du droit supérieur dans des situations normales, telles que le législateur pouvait les prévoir, l'éventualité que, dans certains cas, elle puisse se révéler inconstitutionnelle ne saurait en principe justifier une intervention du juge au stade du contrôle abstrait (ATF 140 I 2 consid. 4; 134 I 293 consid. 2; 130 I 82 consid. 2.1).
2.3. De jurisprudence constante, la loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec...

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