Arret Nº 4A_64/2018 Tribunal fédéral, 17-12-2018

Judgement Number4A_64/2018
Date17 décembre 2018
Subject MatterDroit des contrats licenciements pour justes motifs; grève; conditions
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_64/2018
Arrêt du 17 décembre 2018
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes les Juges fédérales
Kiss, Présidente, Hohl et May Canellas.
Greffier : M. Piaget.
Participants à la procédure
1. A.________,
2. B.________,
3. C.________,
4. D.________,
5. E.________,
6. F.________,
7. G.________,
8. H.________,
9. I.________,
10. J.________,
11. K.________,
12. L.________,
13. M.________,
14. N.________,
15. O.________,
16. P.________,
17. Q.________,
18. R.________,
19. S.________,
20. T.________,
tous représentés par Me Christian Dandrès,
recourants,
contre
Fondation X.________,
représentée par Me François Bohnet et Me Guillaume Jéquier,
intimée.
Objet
Licenciements pour justes motifs, grève, conditions,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, Cour d'appel civile, du 12 décembre 2017 (CACIV.2017.53/ctr).
Faits :
A.
A.a. Après avoir tenu, le 23 avril 2012, une séance d'information intitulée " Paysage hospitalier cantonal / Options et place de X.________ ", la direction de X.________ a dénoncé, le 28 juin 2012, avec effet au 31 décembre 2012, la convention collective de travail Santé 21 (CCT Santé 21) à laquelle elle était soumise, au double motif que le passage de quatre à deux des " membres de la partie employeur " (consécutif à des restructurations) avait créé un déséquilibre, d'une part, et que l'Etat avait décidé de ne pas reconnaître la Fondation de X.________ comme étant d'utilité publique, d'autre part.
Le 19 juillet 2012, 129 salariés de l'Hôpital se sont réunis en assemblée générale. Ils ont adopté une " résolution " exprimant leur crainte d'une péjoration des conditions de travail et de l'externalisation de certains services, alors que l'Hôpital était en train de négocier son rattachement au groupe de cliniques privées Y.________. Ils ont également pris la décision de mandater les syndicats Z1.________ et Z2.________ - parties à la CCT Santé 21 - pour mener des négociations, précisant que si celles-ci et tous les moyens usuels de dialogue social devaient échouer, le personnel recourrait alors " aux moyens de lutte prévus par la Constitution fédérale ".
Le 20 juillet 2012, les syndicats Z1.________ et Z2.________ ont formellement demandé à l'Hôpital l'ouverture de négociations tendant au maintien de la CCT pour tout le personnel.
Le 29 août 2012, une réunion a eu lieu entre les syndicats et la direction de l'Hôpital.
Le 14 septembre 2012, l'Hôpital a demandé à l'office cantonal de conciliation de convoquer d'urgence les parties pour une audience de conciliation, au motif que le personnel avait indiqué par voie de presse qu'il entendait faire grève le 18 septembre 2012. Malgré l'envoi d'un courrier de l'office de conciliation aux deux syndicats, la journée de débrayage a eu lieu à cette date, durant une demi-journée.
Le 6 novembre 2012, la direction de l'Hôpital a notamment informé son personnel que la CCT resterait en vigueur jusqu'au 31 décembre 2012 et que la paix du travail devait être respectée. Elle a averti les collaborateurs qui participeraient à un mouvement de grève pendant leurs heures de travail qu'ils se rendraient coupables d'un abandon de poste.
A.b. Des séances d'information se sont ensuite déroulées au sujet de la reprise des activités opérationnelles de l'Hôpital par Y.________, cette dernière subordonnant l'entrée de l'Hôpital dans son groupe au soutien du personnel.
Un vote a été organisé en novembre 2012 et, sur les 335 collaborateurs de l'Hôpital, 280 y ont participé, 202 se sont prononcés en faveur de la reprise de l'Hôpital par Y.________, 63 contre et 15 se sont abstenus.
Les négociations qui étaient alors menées avec le Conseil d'Etat ont échoué, de même que celles qui étaient supervisées par l'office de conciliation.
La grève a démarré le 26 novembre 2012.
Par lettre circulaire du 17 décembre 2012, l'Hôpital a annoncé à l'ensemble de ses collaborateurs que l'accord de reprise d'activité de X.________ par le réseau de cliniques Y.________ avait été signé, suite au vote de novembre 2012 par lequel 85% du personnel s'était exprimé à bulletin secret et 76% des votants avaient soutenu le projet, que les conditions de la CCT seraient encore appliquées jusqu'au 31 décembre 2013, que des nouvelles conditions de travail s'appliqueront dès 2014 et que Y.________ s'était engagé à compenser au 1er janvier 2014, pour chaque employé de l'Hôpital, l'éventuelle perte liée aux indemnités ou aux allocations par une augmentation de salaire correspondante, protégeant ainsi les employés contre toute perte pécuniaire liée au changement des conditions de travail.
Fin décembre 2012, le Conseil d'Etat a annoncé, d'une part, qu'il maintiendrait l'Hôpital sur la liste hospitalière du canton jusqu'en 2016, une dérogation étant prévue en ce qui concerne l'application de la CCT pour les années 2014 à 2016 et, d'autre part, qu'il avait négocié des conditions de travail favorables aux employés avec le nouvel employeur Y.________.
Le 3 janvier 2013, le syndicat Z1.________ a informé la direction de l'Hôpital que la " majorité du personnel " demandait le maintien à long terme de la CCT Santé 21, la conservation de tous les postes de travail et l'absence d'externalisation de services tels que nettoyage, lingerie ou hôtellerie. Il précisait que les grévistes, qui avaient commencé la grève le 26 novembre 2012, étaient prêts à reprendre leurs postes si toutes ces demandes étaient satisfaites.
A.c. Le 23 janvier 2013, le Conseil d'Etat a écrit aux syndicats que Y.________ garantissait effectivement l'emploi à tout le personnel de l'Hôpital, qu'en cas d'externalisation d'un service, Y.________ veillera à ce que tous les employés concernés soient repris par le nouvel employeur, que Y.________ renonçait à toute sanction vis-à-vis des grévistes et que les conditions de la CCT seraient respectées jusqu'au 31 décembre 2013, qu'au-delà de cette date Y.________ s'était " formellement engagé à une adaptation à la hausse des salaires du personnel en place, dès 2014, de manière à compenser l'augmentation du temps de travail annoncée, la baisse de certaines indemnités (week-end, jours fériés, piquet), la diminution des périodes considérées comme travail de nuit et la perte progressive des allocations complémentaires pour enfants ", que, sur la base de ces engagements, le gouvernement avait confirmé à Y.________ que X.________ serait maintenu sur la liste hospitalière du canton de Neuchâtel jusqu'au 31 décembre 2016. Le Conseil d'Etat invitait dès lors les grévistes à profiter de cet engagement et à reprendre le travail et il encourageait vivement les partenaires sociaux à se mettre autour de la table courant 2013. Le même jour, le Conseil d'Etat a communiqué publiquement ces informations.
Le 23 janvier toujours, la direction de l'Hôpital a informé ses employés qu'elle était d'accord de tirer un trait sur le passé et de maintenir à leur poste les employés qui participaient à la grève, pour autant que ceux-ci reprennent le travail d'ici au 31 janvier 2013, ce pour apaiser le climat social. Le même jour, elle a adressé un courrier de mise en demeure formelle aux 26 employés encore en grève, en indiquant que celle-ci était disproportionnée, qu'elle allait à l'encontre de la volonté de la grande majorité du personnel de l'Hôpital et que sa durée excédait largement ce qui était admissible. Chaque gréviste était invité à communiquer, d'ici au 28 janvier 2013 à 12 heures s'il entendait ou non reprendre le travail et la direction a ajouté qu'elle envisageait, à défaut de reprise du travail, de procéder à la résiliation avec effet immédiat du contrat de travail. Des entretiens individuels seraient organisés fin janvier 2013 pour entendre les intéressés avant de prendre les décisions de licenciement.
Par courrier du 28 janvier 2013, 25 employés ont répondu par l'intermédiaire d'un même avocat que leurs revendications concernaient le maintien de la CCT, l'absence d'externalisation des services et l'absence de licenciements. Ils ont ajouté que les conditions de travail de Y.________ étaient très largement inférieures à celles prévues dans le contrat collectif, que la proportionnalité de la grève n'était pas une condition prévue à l'art. 28 Cst. et que les menaces de licenciement étaient inadmissibles et pourraient s'apparenter à une tentative de contrainte.
Le 30 janvier 2013, Z1.________ et 25 employés de l'Hôpital ont demandé au Tribunal civil du Littoral et du Val-de-Travers de faire interdiction à l'Hôpital de licencier les employés en question, à titre superprovisionnel et provisionnel. Le même jour, le juge civil a déclaré irrecevable la demande en tant qu'elle émanait du syndicat et l'a rejetée en tant qu'elle était formée par les employés, au motif que le maintien des rapports de travail contre l'éventuelle volonté de l'employeur n'était consacré par aucune norme de droit matériel.
Le 31 janvier 2013, l'Hôpital, assisté de son avocat, a entendu les employés, accompagnés par leur avocat. Deux d'entre eux ont manifesté leur volonté de réintégrer leur place de travail dès le 1er février 2013. L'Hôpital leur a confirmé qu'il n'entendait pas les licencier suite à la grève, mais faciliter leur retour grâce à la présence d'un médiateur.
A.d. Par courriers recommandés du 4 février 2013, l'Hôpital a licencié avec effet immédiat chacun des 22 employés ayant finalement refusé de reprendre le travail.
Entre les 5 et 11 février 2013, des négociations ont encore été tentées entre le Conseil d'Etat (à l'initiative de celui-ci), l'Hôpital et Z1.________, afin de mettre sur pied une nouvelle CCT (différente de la CCT Santé 21) qui serait acceptable aussi bien pour les employés que pour les employeurs. Le gouvernement cantonal proposait préalablement la suspension immédiate de la grève et des...

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