Arret Nº 4A_594/2017 Tribunal fédéral, 13-11-2018

Judgement Number4A_594/2017
Date13 novembre 2018
Subject MatterDroit des contrats mandat; responsabilité pour les auxiliaires; degré de la preuve
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_594/2017
Arrêt du 13 novembre 2018
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes les Juges fédérales
Kiss, Présidente, Klett et May Canellas.
Greffière : Mme Godat Zimmermann.
Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me Gilles Monnier,
recourant,
contre
Z.________,
représenté par Me Laurent Fischer,
intimé.
Objet
mandat; responsabilité pour les auxiliaires; degré de la preuve,
recours contre l'arrêt rendu le 6 octobre 2017 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (PT09.015421-170975, 453).
Faits :
A.
A.a. X.________ a acheté un archet de violon «Maire» pour 35'000 fr., selon facture du 17 septembre 2000. A deux reprises, il a fait changer la poussette de l'archet dans l'atelier de Z.________, luthier-archetier à.... La seconde fois, en date du 19 mai 2006, il a montré l'archet à A.________, employé en qualité de luthier dans l'atelier, en lui expliquant qu'il manquait "d'attaque" au niveau du talon. Le luthier a alors pris l'archet en mains et constaté qu'il manquait de cambrure. X.________ allègue que A.________ lui a proposé de la modifier et qu'il a accepté sans savoir de quelle manière l'artisan allait procéder. Pour sa part, A.________ a déclaré que le violoniste lui avait demandé de cambrer l'archet à vingt centimètres de la garniture et qu'il avait constaté qu'à cet endroit précis, la courbure de l'archet s'interrompait quelque peu; il a également déclaré avoir accepté de redonner un peu de cambrure à l'archet, tout en précisant que son propriétaire ne lui avait pas expliqué celle qu'il désirait, ceci faisant partie de ses compétences de luthier.
A l'écart du client, mais en présence de Z.________, A.________ a chauffé l'archet sur une lampe à alcool, puis l'a pressé en le maintenant sur le bord arrondi de l'établi afin d'en modifier la cambrure. La baguette s'est alors brisée.
X.________ en a été informé et, sur ces entrefaites, a quitté l'atelier sans récupérer son archet. Quelques heures plus tard, Z.________ et A.________ lui ont téléphoné tour à tour, pour lui expliquer que l'archet avait déjà été cassé puis recollé avant qu'il ne leur soit confié, ce que le violoniste a contesté.
Par courrier du 21 juin 2006, X.________ a informé Z.________ qu'il entendait être indemnisé pour le dommage relatif à son archet.
A.b. Le 18 décembre 2006, Z.________ a déposé une requête d'expertise hors procès. Par ordonnance du 16 février 2007, le Juge de paix du district de Lausanne a désigné l'Institut de Police scientifique en qualité d'expert et l'a chargé de répondre à une série de questions, dont celle de savoir si l'archet en cause avait déjà fait l'objet d'une fracture ou cassure avant mai 2006 à l'endroit - ou vers l'endroit - où il était présentement cassé. L'institut en question a décliné la mission. Sur proposition du Juge de paix, les parties ont indiqué qu'elles ne s'opposaient pas à ce que l'expertise soit confiée à B.________, luthier à.... Cela étant, cette personne - ni aucune autre - n'a été désignée à ce titre dans le cadre de la procédure hors procès.
B.
Par acte du 24 avril 2009, X.________ a ouvert action en paiement contre Z.________ devant le Tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne; il concluait à ce que le défendeur soit reconnu son débiteur de la somme de 60'000 fr., montant qu'il a par la suite réduit à 40'000 fr., plus intérêts.
Les parties ont convenu que l'instruction préliminaire serait suspendue afin de permettre la mise en oeuvre d'une expertise scientifique destinée à déterminer si l'archet litigieux avait été recollé avant qu'il ne se casse le 19 mai 2006 et, le cas échéant, à quelle époque approximativement cette réparation antérieure avait été effectuée, en datant autant que faire se pouvait l'opération de collage ainsi que la colle.
Les professeurs C.________, du Laboratoire de polymères de l'EPFL, et D.________, de l'Ecole des Sciences criminelles, ont décliné cette mission. L'expertise a finalement été réalisée par E.________, de l'Institut suisse pour l'étude de l'art SIK ISEA à Zurich, laquelle a déterminé que l'endroit avait été collé avant qu'il ne se brise à nouveau, sans pouvoir dater l'opération de collage.
Interpellé par le tribunal, le Dr F.________, du Laboratory of Ion Beam Physics de l'ETHZ, a indiqué qu'il était possible de dater la production de la colle, mais pas son utilisation.
X.________ a demandé qu'une expertise soit confiée à G.________, du Laboratoire de Technologie des Poudres de l'EPFL, aux fins de comparer la colle apposée sur l'archet avec celle utilisée par Z.________. Ce dernier a pour sa part estimé qu'une telle expertise serait vaine, les luthiers et archetiers du monde entier utilisant la même sorte de colle. L'expertise en question a été réalisée et a conclu que les échantillons de colle prélevés dans la zone de fracture de l'archet correspondaient à une colle d'origine végétale ou animale. Le spectre infra-rouge d'un échantillon de colle de Z.________ a été comparé à celui prélevé sur l'archet, avec pour résultat qu'ils présentaient de grandes similitudes. Des échantillons de colle provenant de deux autres luthiers ont également été comparés avec un résultat identique. L'expert prénommé a exposé enfin qu'il n'était pas possible de dater la réparation de l'archet, même approximativement, faute d'être en présence d'une colle synthétique.
A l'audience d'instruction du 24 novembre 2014, les parties se sont mises d'accord pour nommer H.________, luthier et archetier à..., en qualité d'expert chargé de procéder à l'examen de l'archet. Le prénommé a toutefois refusé la mission, estimant ne pas être en mesure de la mener à chef. Par la suite, quatre autres personnes ont également refusé ce mandat.
Le 12 juillet 2016, X.________ a proposé une personne au Luxembourg et le lendemain, Z.________ a avancé le nom d'une personne à Bâle, à la désignation de laquelle X.________ s'est toutefois opposé.
Par courrier du 9 août 2016, le Président du tribunal a informé les parties que, vu ces échecs répétés, il renonçait à la mesure d'instruction et jugerait la cause en l'état. La requête incidente du 29 septembre 2016 de X.________ tendant à la nomination en qualité d'expert de la personne déjà proposée au Luxembourg a été rejetée le 27 octobre 2016.
Par jugement du 5 décembre 2016, le Tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne a rejeté les conclusions prises par le demandeur et ordonné la restitution à celui-ci de l'archet de violon conservé par l'huissier du tribunal. Les premiers juges ont considéré en substance que A.________, en tant qu'auxiliaire, avait appliqué dans l'accomplissement de son travail la diligence à laquelle le défendeur était lui-même tenu. Malgré toute la diligence requise, le dommage se serait tout de même produit, dès lors que l'archet présentait une cassure antérieure qui avait été recollée et ne pouvait que céder sous la chaleur d'une lampe à alcool, couplée à une forte pression exercée à l'endroit même de la cassure. Partant, le défendeur n'était pas responsable du fait que l'archet se soit cassé une seconde fois.
Par arrêt du 6 octobre 2017, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté l'appel de X.________. Ses considérants seront discutés dans la suite du présent arrêt.
C.
X.________ interjette un recours en matière civile. Il y reprend ses conclusions en paiement ainsi qu'en restitution de l'archet en mains de l'huissier du tribunal dès jugement définitif et exécutoire.
Z.________ propose le rejet du recours.
La cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt.
Considérant en droit :
1.
L'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière civile (art. 72 LTF) par le tribunal supérieur désigné comme autorité cantonale de dernière instance, lequel a statué sur recours (art. 75 LTF). La cause atteint la valeur litigieuse minimale de 30'000 fr. ouvrant le recours en matière civile (art. 74 al. 1 let. b LTF). Le recours est exercé par le demandeur qui a succombé dans ses conclusions et qui a donc qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF); il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Le recours est en principe recevable, sous réserve de l'examen des griefs particuliers.
2.
2.1. Le recours en matière civile peut être exercé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1 p. 247; 136 II 304 consid. 2.4 p. 313). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le recours, ni par la motivation retenue par l'autorité précédente (ATF 137 II 313 consid. 1.4; 135 III 397 consid. 1.4 p. 400). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes. Il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 141 III 86 consid. 2; 140 III 115 consid. 2; 137 III 580 consid. 1.3). Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, il n'examine la violation d'un droit constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 139 I 22 consid. 2.2; 137 III 580 consid. 1.3; 135 III 397 consid. 1.4 in fine).
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une...

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