Arret Nº 4A_522/2018 Tribunal fédéral, 18-07-2019
Judgement Number | 4A_522/2018 |
Date | 18 juillet 2019 |
Subject Matter | Droit des contrats droit des héritiers aux renseignements contra la banque du défunt, délimitation en matière internationale entre le droit de nature contractuelle et le droit de nature successorale; |
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_522/2018
Arrêt du 18 juillet 2019
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes les Juges fédérales
Kiss, Présidente, Hohl et May Canellas.
Greffière : Mme Schmidt.
Participants à la procédure
1. A.________,
2. B.________,
3. C.________,
4. D.________,
tous les quatre représentés par Me Jean-Charles Lopez,
recourants,
contre
Z.________ SA,
représentée par Me Daniel Tunik,
intimée.
Objet
droit des héritiers aux renseignements contre la banque du défunt; délimitation en matière internationale entre le droit de nature contractuelle et le droit de nature successorale,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile, du 25 juillet 2018 (C/21851/2016, ACJC/1031/2018).
Faits :
A.
A.a. Le 26 septembre 2005, feue U.________ (ci-après: la cliente ou la défunte) avait conclu avec la banque Z.________ SA, à Genève (ci-après: la banque), un contrat de gestion de fortune. Elle était titulaire et ayant droit économique du compte numérique xxx n°... ouvert dans les livres de la banque (ci-après: le compte X).
De son vivant, après avoir effectué quelques retraits en liquide sur son compte X, la cliente a, le 30 octobre 2009, donné l'ordre écrit à la banque de transférer la totalité de ses avoirs vers le compte IBAN CH... (ci-après: le compte IBAN Y) ouvert dans les livres de la banque, puis de clôturer son compte X. A cette date, ses avoirs s'élevaient à 503'244 euros. L'ordre était signé par elle, ainsi que par sa fille F.________, laquelle était au bénéfice d'une procuration générale sur le compte depuis le 19 septembre 2007. Ses avoirs ont été effectivement transférés entre le 11 et le 12 novembre 2009.
La cliente est décédée le 11 janvier 2011 à Madrid. Elle laisse pour héritiers deux fils (D.________et E.________), une fille (F.________) et trois petits-enfants (A.________, B.________ et C.________) d'un fils prédécédé. Sa succession qui s'élevait à 13'740'281,70 euros a été répartie entre ses héritiers par acte notarié du 23 janvier 2012.
A.b. En 2012, son fils D.________ a requis de la banque des renseignements sur la relation bancaire de feue sa mère. La banque lui a fourni les relevés du compte pour toute la durée de la relation bancaire et les états du portefeuille au 31 décembre de chaque année. Sur demande d'informations complémentaires de 2013, la banque a confirmé que, depuis 2003, la cliente n'avait pas ouvert d'autre relation bancaire que le compte X et a transmis les avis de débit et de transfert des actifs liés aux instructions de clôture données par la cliente. Puis, sur nouvelle demande, elle lui a transmis une copie de l'instruction de transfert et de clôture signée le 30 octobre 2009.
En 2016, le fils précité et les trois petits-enfants ont requis de la banque, en particulier, la copie de tous les avis de débit en relation avec ledit transfert et la communication de l'identité du titulaire du compte IBAN Y. Ils ignorent l'identité du titulaire et de l'ayant droit économique de ce compte, sur lequel les avoirs de la défunte ont été transférés en 2009.
Le titulaire de ce compte IBAN Y s'est opposé à la levée du secret bancaire à son égard. La banque a indiqué ne pas pouvoir révéler son identité en raison de ses obligations de confidentialité.
B.
Par requête de citation en conciliation du 22 décembre 2016, le fils de la défunte, D.________, et les trois petits-enfants de celle-ci, A.________, B.________ et C.________ (ci-après: les héritiers ou les demandeurs), tous héritiers réservataires, ont ouvert action en reddition de compte contre la banque, concluant notamment à ce qu'il soit ordonné à celle-ci de leur remettre la copie de l'intégralité des instructions données par la défunte en relation avec la gestion de ses avoirs sous la relation du compte X en ses livres et de leur communiquer l'identité du titulaire du compte IBAN Y sur lequel ont été versés les avoirs du compte X de la défunte en novembre 2009. Bien que l'arrêt ne précise pas le fondement de la demande, il résulte de sa motivation que les héritiers réservataires demandeurs ont invoqué que le droit suisse est applicable à la relation contractuelle entre le défunt et la banque (i.e les règles du mandat des art. 394 ss CO) et qu'en vertu de l'art. 400 al. 1 CO, ils ont le même droit contractuel que la défunte d'être pleinement renseignés sur les mouvements sur les comptes de celle-ci durant les dix dernières années, le secret bancaire ne pouvant leur être opposé.
Par jugement du 16 août 2017, le Tribunal de première instance a ordonné à la banque de remettre aux demandeurs la copie de l'intégralité des instructions données par la défunte en lien avec la gestion de ses avoirs sous la relation visée, mais a rejeté la demande de communication de l'identité du titulaire du compte IBAN Y. A l'appui de ce rejet, il a considéré que si les héritiers avaient un droit de nature contractuelle aux renseignements, découlant des droits contractuels du défunt, la banque devait protéger le secret bancaire dû à ses autres clients, en particulier les bénéficiaires de transferts, internes à la banque, d'avoirs dont la défunte était titulaire.
Statuant le 25 juillet 2018, la Chambre civile de la Cour de justice de Genève a partiellement admis l'appel des demandeurs et, réformant le jugement attaqué, a condamné la banque à remettre aux clients, en plus de ce qu'elle leur avait déjà transmis, la copie de la retranscription des instructions et des ordres éventuellement donnés par la défunte téléphoniquement ou oralement lors de ses visites à la banque. Confirmant le jugement pour le surplus, elle a refusé la demande de communication de l'identité du titulaire du compte IBAN Y.
Examinant tout d'abord le droit contractuel aux renseignements, elle a considéré que, en se fondant sur la relation contractuelle que le défunt entretenait avec la banque, les héritiers réservataires avaient le droit d'être renseignés sur les transactions effectuées par la défunte (copie de l'intégralité des instructions données par la défunte en relation avec la gestion de ses avoirs). En revanche, ceux-ci ne disposaient pas du droit de contraindre la banque à leur dévoiler l'identité du titulaire du compte IBAN Y parce que ce tiers bénéficie du secret bancaire, que la défunte elle-même ne pouvait obtenir des informations concernant ce compte, quand bien même elle connaissait vraisemblablement l'identité de son titulaire, de sorte que le secret bancaire qui était opposable à la défunte l'était également à ses héritiers. Elle a examiné ensuite le droit successoral aux renseignements: elle a considéré que les héritiers auraient dû établir, ou tout au moins rendre hautement vraisemblable, la lésion de leur réserve, ce qu'ils n'ont pas fait puisqu'ils n'ont même pas allégué que leur réserve légale aurait été lésée par la libéralité que la défunte aurait faite au titulaire du compte IBAN Y.
C.
Contre cet arrêt, les héritiers demandeurs ont interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral le 19 septembre 2018. En substance, ils concluent, sur le fond, à ce que l'arrêt soit réformé en ce sens que la banque soit condamnée à leur communiquer dans les dix jours l'identité du titulaire du compte IBAN Y, sous peine d'une amende d'ordre de 1'000 fr. par jour de retard dans l'exécution. Subsidiairement, ils concluent à l'annulation de l'arrêt en tant qu'il les déboute de leur conclusion tendant à la communication de l'identité du titulaire compte IBAN Y et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Ils précisent que la seule question litigieuse est celle de savoir si la banque doit leur communiquer l'identité du titulaire de ce compte IBAN Y sur lequel ont été versés les avoirs de la défunte et dont celle-ci avait nécessairement connaissance.
La banque intimée conclut au rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt attaqué. La cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt. Les parties ont encore déposé chacune des observations.
Considérant en droit :
1.
Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision finale (art. 90 LTF), prise sur appel par le tribunal supérieur du canton de Genève (art. 75 LTF), dans une affaire civile (art. 72 al. 1 LTF), dont la valeur litigieuse est supérieure à 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est recevable.
2.
Sous réserve de la violation des droits constitutionnels (art. 106 al. 2 LTF), le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF) à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal (ou, cas échéant, à l'état de fait qu'il aura rectifié conformément aux art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF). Cela ne signifie pas que le Tribunal fédéral examine, comme le ferait un juge de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser. Compte tenu de l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, il ne traite que les questions qui sont soulevées devant lui par les parties, à moins que la violation du droit ne soit manifeste (ATF 140 III 115 consid. 2 p. 116; arrêts 4A_508/2016 du 16 juin 2017 consid. 2.2, non publié in ATF 143 III 348; 4A_357/2015 du 4 décembre 2015 consid. 1.4; 4A_285/2015 du 22 septembre 2015 consid. 1.3; 4A_653/2014 du 11 août 2015 consid. 1.4 non publié in ATF 141 III 407; 4A_399/2008 du 12 novembre 2011 consid. 2.1 non publié in ATF 135 III 112).
Toutefois, même lorsqu'une question est discutée par les parties, le Tribunal fédéral n'est pas lié par l'argumentation juridique développée par celles-ci ou par l'autorité précédente; il peut admettre le recours, comme il peut le rejeter en procédant à une substitution de motifs (ATF 140 III 86 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.4; 134 III 102 consid. 1.1 p. 104; 133 III 545 consid. 2.2).
3.
Il...
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