Arret Nº 4A_386/2015 Tribunal fédéral, 07-09-2016

Judgement Number4A_386/2015
Date07 septembre 2016
Subject MatterJuridiction arbitrale* arbitrage international; révision
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
4A_386/2015
Arrêt du 7 septembre 2016
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et M. les Juges Kiss, présidente,
Klett, Kolly, Hohl et Niquille.
Greffier: M. Carruzzo.
Participants à la procédure
X.________ S.p.A., représentée par
Me Julien Perrin, avocat,
requérante,
contre
Y.________ B.V., représentée par Mes Michael Kramer et Matthias Wiget, avocats,
intimée.
Objet
arbitrage international; révision,
demande de révision de la sentence finale rendue le 23 avril 2015 par l'arbitre unique statuant sous l'égide de la Chambre de Commerce Internationale.
Faits:
A.
Vers le milieu des années 2000, la société de droit italien X.________ S.p.A. (ci-après: X.________ ou la requérante) et la société de droit néerlandais Y.________ B.V. (ci-après: Y.________ ou l'intimée), une filiale du Groupe Y.________, multinationale allemande, se sont liées par contrat pour soumissionner, puis réaliser, les travaux de construction et d'installation d'un ascenseur à bateaux dans le port de Livourne, en Italie.
Lors du test final effectué le 20 décembre 2007, des câbles de l'ascenseur se sont rompus, entraînant la chute de la plateforme. Un différend en est résulté entre la société italienne et la société néerlandaise quant aux conséquences financières de cet accident dont elles se rejetaient mutuellement la responsabilité.
B.
En décembre 2011, Y.________, se fondant sur la clause arbitrale insérée dans le susdit contrat, a déposé une requête d'arbitrage, dirigée contre X.________, auprès du Secrétariat de la Cour d'arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale (CCI) aux fins d'obtenir des dommages-intérêts.
La défenderesse a conclu au rejet intégral de la demande.
Le 26 avril 2012, la Cour d'arbitrage de la CCI, sur proposition du Comité National Suisse, a désigné..., avocat à Zurich, comme arbitre unique (ci-après: l'arbitre).
Après avoir instruit la cause, l'arbitre a rendu sa sentence finale le 23 avril 2015. Ecartant toute responsabilité de la société néerlandaise demanderesse envers la société italienne défenderesse relativement à l'accident du 20 décembre 2007, il a ordonné à celle-ci de payer à celle-là la somme de 2'272'500 euros, intérêts en sus.
C.
Le 4 août 2015, X.________ a formé une demande de révision dans laquelle elle invite le Tribunal fédéral à annuler la sentence précitée, à prononcer la récusation de l'arbitre et à renvoyer la cause à un nouveau tribunal arbitral à constituer conformément à la convention d'arbitrage et au Règlement d'arbitrage de la CCI, voire à transmettre le dossier à la Cour d'arbitrage de cette institution, une fois la sentence annulée, afin qu'elle prenne ces deux mesures. Au soutien de cette demande, la requérante allègue que l'arbitre..., avocat au sein de "l'étude A.________" - i.e. la société anonyme A.________-CH, à Zurich, issue de la fusion, en 2014, de deux cabinets d'avocats, l'un zurichois, l'autre genevois -, a signé, le 18 avril 2012, la déclaration d'indépendance usuelle. Elle ajoute n'avoir eu aucune raison, à l'époque et au cours de la procédure arbitrale, de douter de l'impartialité ou de l'indépendance de l'arbitre. Cependant, poursuit-elle, le 8 juillet 2015, l'un des trois conseils qui l'avaient assistée durant la procédure arbitrale a découvert un communiqué de presse, datant du 5 décembre 2014, par lequel le cabinet juridique et fiscal allemand A.________-A portait à la connaissance du public, sous le titre " Z.________ advised on e-mobility by A.________ ", qu'il avait conseillé la société de droit allemand Z.________ GmbH (ci-après: Z.________), à Berlin, autre société du Groupe Y.________, dans la mise en oeuvre d'un projet relatif à une application pour téléphones portables destinée aux conducteurs de voitures électriques. Selon la requérante, ce lien entre l'étude A.________ et une société appartenant au même groupe que celle qui avait déposé la requête d'arbitrage eût constitué un motif de récusation, respectivement de recours contre la sentence, si elle en avait appris l'existence pendente lite ou, du moins, avant l'expiration du délai de recours. Aussi justifie-t-il, à ses yeux, la mise en oeuvre d'une procédure de révision.
Dans sa réponse du 14 octobre 2015, Y.________ conclut à l'irrecevabilité de la demande de révision ou, sinon, à son rejet dans la mesure de sa recevabilité. En substance, l'intimée conteste que la circonstance alléguée à l'appui de cette demande ait été invoquée en temps utile et nie, au surplus, qu'elle ait pu rendre irrégulière la désignation de l'arbitre. Le prétendu manque d'impartialité ou d'indépendance d'un arbitre ne saurait, quoi qu'il en soit, constituer un motif de révision d'une sentence arbitrale, à l'en croire, mais uniquement un motif de recours au sens de l'art. 190 al. 2 let. a LDIP.
L'arbitre conclut, lui aussi, à l'irrecevabilité, voire au rejet, de la demande de révision dans sa réponse du 23 octobre 2015. A son avis, en plus d'avoir été déposée tardivement, ladite demande ne saurait prospérer. A.________, en effet, ne serait pas un cabinet d'avocats intégré, dont les membres partageraient les honoraires, mais un simple réseau de cabinets indépendants les uns des autres. Dès lors, la circonstance invoquée par la requérante, dont il assure avoir complètement ignoré l'existence, n'eût pas été propre, selon lui, à fonder une requête de récusation et n'est donc pas de nature à justifier l'admission de la demande de révision.
Le 16 novembre 2015, la requérante a déposé une réplique dans laquelle elle a confirmé les conclusions de sa demande de révision.
En date du 3 décembre 2015, l'intimée et l'arbitre ont produit chacun une duplique dans laquelle ils ont repris leurs conclusions initiales.
Considérant en droit:
1.
D'après l'art. 54 al. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) entrée en vigueur le 1er janvier 2007, le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Lorsque cette décision a été rendue dans une autre langue (ici l'anglais), le Tribunal fédéral utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant le Tribunal arbitral, celles-ci se sont servies de l'anglais, tandis que, dans les mémoires qu'elles ont adressés au Tribunal fédéral, elles ont employé, qui le français (la requérante), qui l'allemand (l'intimée), respectant ainsi l'art. 42 al. 1 LTF en liaison avec l'art. 70 al. 1 Cst. Conformément à sa pratique, le Tribunal fédéral rendra, par conséquent, son arrêt en français.
2.
2.1. Toute loi de procédure prévoit un moment à partir duquel les décisions de justice sont définitives, qu'elles émanent de tribunaux étatiques ou de tribunaux privés. Effectivement, il arrive toujours un moment où la vérité matérielle, si tant est qu'elle puisse être établie, doit s'effacer devant la vérité judiciaire, quelque imparfaite qu'elle soit, sous peine de mettre en péril la sécurité du droit. Il est cependant des situations extrêmes où le sentiment de la justice et de l'équité requiert impérativement qu'une décision en force ne puisse pas prévaloir, parce qu'elle est fondée sur des prémisses viciées. C'est précisément le rôle de la révision que de permettre d'y remédier (ATF 127 III 496 consid. 3b/bb p. 501; voir aussi, parmi d'autres: RIGOZZI/SCHÖLL, Die Revision von Schiedssprüchen nach dem 12. Kapitel des IPRG, 2002, p. 4 s.; WALTHER J. HABSCHEID, Rechtsstaatliche Aspekte des internationalen Schiedsverfahrens mit Rechtsmittelverzicht nach dem IPR-Gesetz, 1988, p. 16).
La loi sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP; RS 291) ne contient aucune disposition relative à la révision des sentences arbitrales au sens des art. 176 ss LDIP. Le Tribunal fédéral, se fondant sur des principes analogues à ceux qui ont été rappelés ci-dessus, a comblé cette lacune par voie jurisprudentielle (ATF 118 II 199 consid. 2). Les motifs de révision de ces sentences étaient ceux que prévoyait l'art. 137 de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (OJ), abrogée par l'art. 131 al. 1 LTF. Ils sont désormais visés par l'art. 123 LTF. Le Tribunal fédéral est l'autorité judiciaire compétente pour connaître de la demande de révision de toute sentence arbitrale internationale, qu'elle soit finale, partielle ou préjudicielle. S'il admet une demande de révision, il ne se prononce pas lui-même sur le fond mais renvoie la cause au tribunal arbitral qui a statué ou à un nouveau tribunal arbitral à constituer (ATF 134 III 286 consid. 2 et les références).
2.2. La demande de révision soumise à l'examen de la Cour de céans ne s'inscrit pas tout à fait dans ce cadre-là. Son auteur, en effet, allègue la découverte d'une circonstance de nature, selon lui, à mettre sérieusement en doute l'indépendance de l'arbitre qui a rendu la sentence formant l'objet de cette demande. Aussi s'estime-t-il en droit d'invoquer, relativement à ladite circonstance, et le motif de révision spécifique prévu par la loi (art. 121 let. a LTF; anc. art. 136 let. a OJ) et celui, plus général, découlant de l'art. 123 al. 2 let. a LTF (anc. art. 137 let. b OJ). De ce fait, la recevabilité de la demande de révision, contestée par l'intimée, est sujette à caution. Certes, ce n'est pas le respect du délai dans lequel une telle demande doit être déposée qui est ici en cause, puisque la requérante a agi à la fois dans les 30 jours suivant la découverte, le 8 juillet 2015, du motif de récusation (art. 124 al. 1 let. a LTF) et dans les 90 jours suivant la découverte, à la même date, du motif de révision au sens de l'art. 123 al. 2 let. a LTF (art. 124 al. 1 let. d LTF), compte tenu en outre de la suspension de ces délais pendant les féries d'été (art....

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