Arret Nº 4A_318/2018 Tribunal fédéral, 04-03-2019

Date04 mars 2019
Judgement Number4A_318/2018
Subject MatterJuridiction arbitrale arbitrage international en matière de sport
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_318/2018
Arrêt du 4 mars 2019
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes les Juges fédérales
Kiss, présidente, Klett, Hohl, Niquille et May Canellas.
Greffier: M. O. Carruzzo.
Participants à la procédure
José Paolo Guerrero Gonzales, représenté par Mes Alexandre Zen-Ruffinen et Laurent Crevoisier, ainsi que par Me Juan de Dios Crespo Perez,
recourant,
contre
1. Fédération Internationale de Football Association (FIFA), représentée par Mes Antonio Rigozzi et Mario Gallavotti,
2. Agence Mondiale Antidopage (AMA), représentée par Mes Ross Wenzel, Nicolas Zbinden et Anton Sotir,
intimées.
Objet
arbitrage international en matière de sport,
recours en matière civile contre la sentence rendue le 30 juillet 2018 par le Tribunal Arbitral du Sport (CAS 2018/A/5546 et CAS 2018/A/5571).
Faits :
A.
A.a. José Paolo Guerrero Gonzales est un joueur de football professionnel péruvien (ci-après: le footballeur ou le recourant), né le 1er janvier 1984.
La Fédération Internationale de Football Association (ci-après: la FIFA ou l'intimée n° 1), association de droit suisse ayant son siège à Zurich, est l'instance dirigeante du football au niveau mondial.
L'Agence Mondiale Antidopage (ci-après: l'AMA ou l'intimée n° 2) est une fondation de droit suisse; son siège est à Lausanne. Elle a notamment pour but de promouvoir, au niveau international, la lutte contre le dopage dans le sport. Le Code Mondial Antidopage (ci-après: CMA) est la principale arme dont elle dispose pour combattre ce fléau. Afin de mettre en oeuvre le CMA, la FIFA a édicté un règlement antidopage (ci-après: le Règlement). Référence sera faite, ci-dessous, à la version 2015 de ce règlement.
A.b. Le 5 octobre 2017, l'équipe nationale péruvienne de football a affronté l'Argentine, à Buenos Aires, lors d'un match disputé dans le cadre du tour préliminaire de la Coupe du Monde de la FIFA 2018. A l'issue de la rencontre, le footballeur a subi un contrôle antidopage révélant la présence dans son organisme de benzoylecgonine, métabolite de la cocaïne, qui figure dans la liste des substances interdites par l'AMA (Liste des interdictions; version 2017), sous la rubrique des stimulants non spécifiés, prohibés durant les compétitions. L'examen du second échantillon a confirmé ce résultat.
Le 3 novembre 2017, la FIFA a informé le joueur de l'ouverture d'une enquête disciplinaire en raison d'une violation présumée des règles antidopage et l'a suspendu à titre provisoire.
A.c. Par décision du 7 décembre 2017, la Commission de discipline de la FIFA (ci-après: la Commission de discipline) a suspendu le joueur, reconnu coupable d'une violation de l'art. 6 du Règlement, pour une durée d'une année, dont à déduire la période de suspension provisoire déjà subie depuis le 3 novembre 2017.
Le 20 décembre 2017, la Commission de recours de la FIFA, admettant partiellement l'appel interjeté par le footballeur, a réduit la période de suspension à six mois, sous déduction de la période de suspension provisoire déjà écoulée.
B.
En date des 29 janvier et 19 février, le footballeur et l'AMA ont interjeté appel contre cette décision.
Avec l'accord des parties, le TAS a ordonné la jonction des deux procédures le 6 mars 2018.
Au terme de sa réponse, la FIFA a conclu au rejet des deux appels.
Une audience s'est tenue au siège du TAS, à Lausanne, le 3 mai 2018.
Par sentence motivée du 30 juillet 2018, dont le dispositif avait été notifié aux parties le 14 mai 2018, la Formation, rejetant l'appel du footballeur et admettant partiellement celui de l'AMA, a fixé la durée de la suspension à quatorze mois à partir de la notification de la sentence, dont à déduire la période de suspension provisoire déjà subie.
Le TAS a adressé la sentence motivée aux parties par courrier électronique du 30 juillet 2018, puis leur a notifié la version originale signée de la sentence en date du 17 septembre 2018.
Les motifs sur lesquels repose la décision prise par le TAS peuvent être résumés comme il suit.
B.a. La Formation expose qu'elle appliquera le Règlement, lequel reflète le CMA, dans sa teneur de 2015, ainsi que le droit suisse à titre subsidiaire (sentence, n. 60).
Procédant à l'examen des mérites des arguments antagonistes qui lui ont été soumis, le TAS commence par relever qu'une violation des règles antidopage impliquant une substance non spécifiée peut entraîner une suspension maximale de quatre ans, à moins que le joueur ne puisse établir que l'infraction n'était pas intentionnelle (art. 19.1 let. a du Règlement). Selon l'art. 19.3 in fine du Règlement, la violation des règles antidopage découlant d'un résultat d'analyse anormal pour une substance non spécifiée qui n'est interdite qu'en compétition (comme la cocaïne) ne sera pas considérée comme « intentionnelle » si le joueur peut démontrer que la substance a été utilisée hors compétition dans un contexte sans rapport avec la performance sportive. Le TAS souligne qu'il n'est pas contesté que l'ingestion par le joueur de la substance interdite est intervenue hors compétition et dans un contexte dépourvu de lien avec la performance sportive (sentence, n. 62). Dans ces conditions, la durée de la suspension ne peut excéder deux ans (art. 19.2 du Règlement).
B.b. La Formation précise ensuite que le joueur doit établir la manière dont la substance interdite a pénétré dans son organisme pour pouvoir bénéficier d'une exemption de suspension pour cause d'absence de faute ou de négligence (art. 21 du Règlement) ou d'une réduction de la durée de la suspension pour cause d'absence de faute ou de négligence significative (art. 22 du Règlement).
Le TAS expose différents cas de figure dans lesquels le joueur a pu ingérer la substance interdite (sentence, n. 67). Il évoque l'usage de cocaïne ( i), la consommation d'un thé de coca (infusion de feuilles de coca) en date du 3 octobre 2017 dans la salle à manger privatisée de U.________ à Lima, dans lequel séjournait l'équipe nationale de football péruvienne ( ii, " T1 "), l'absorption d'un autre thé le même jour dans la salle aménagée pour les visiteurs de l'équipe péruvienne dans le même hôtel ( iii, " T2 ") et l'ingestion d'un thé à Buenos Aires durant la matinée du 5 octobre 2017 ( iv, " T3 "). Il écarte en revanche les autres possibilités théoriques, mentionnées dans le rapport du Professeur A.________, produit par le joueur (sentence, n. 67).
La Formation rejette l'hypothèse T1 car le thé à l'anis bu par le joueur lui a été servi, sous la supervision du nutritionniste de l'équipe péruvienne, dans une zone où de stricts protocoles avaient été mis en place pour garantir la qualité de la nourriture et des boissons. Le TAS exclut également l'hypothèse T3 car le thé noir consommé par le joueur, le jour du match à Buenos Aires, a été préparé par le même nutritionniste; de plus, la quantité de benzoylecgonine, révélée lors du contrôle antidopage, était trop faible pour être compatible avec une ingestion de la substance aussi récente (sentence, n. 69).
Après avoir relayé l'avis des experts, entendus dans le cadre de la procédure, selon lesquels la concentration de la substance retrouvée dans l'échantillon pouvait s'expliquer soit par l'usage de drogue dans les quatre à sept jours précédant le contrôle antidopage, soit par l'ingestion d'un thé de coca dans les deux jours avant le test, la Formation écarte la première hypothèse. En résumé, elle estime qu'il serait imprudent pour un footballeur de consommer, peu de temps avant une rencontre importante, une drogue aisément détectable qui n'améliore pas les performances sportives sur le terrain de jeu mais pourrait bien avoir l'effet inverse. En outre, le TAS juge improbable que le joueur, qui non seulement ne présente aucun antécédent en termes de dopage au cours de sa longue carrière mais est aussi un ambassadeur de la lutte contre ce fléau dans le monde du sport, ait pris le risque de compromettre sa réputation (sentence, n. 70).
La Formation considère que le joueur a établi, à un degré de probabilité qui n'est pas inférieur à 51% (" to a standard of not less than 51% or, to use the vernacular, a standard just over the line ", sentence, n. 68), avoir ingéré la substance interdite, en buvant un thé de coca dans la salle aménagée pour les visiteurs de l'équipe de football péruvienne (hypothèse T2). Pour aboutir à cette conclusion, le TAS relève notamment que le thé de coca fait partie de la culture péruvienne - comme l'a souligné le Professeur B.________ au cours de la procédure - et qu'au moment des faits l'hôtel dans lequel résidait l'équipe nationale péruvienne offrait ce type de boissons à ses clients. De surcroît, le joueur a commandé ce thé dans un lieu où il n'existait aucun protocole particulier concernant la nourriture et les boissons servis aux joueurs, à l'inverse de ce qui prévalait dans la salle à manger de la formation péruvienne.
B.c. Sous le titre " Fault " (sentence, n. 71-83), la Formation examine si le footballeur peut bénéficier d'une exemption de suspension pour cause d'absence de faute ou de négligence, ou d'une réduction de la période de suspension en raison de l'absence de faute ou de négligence significative de sa part. A cet égard, le TAS, se référant aux définitions du Règlement concernant la faute et l'absence de faute ou de négligence (définitions n. 19 et 42), retient que le joueur a commis une faute. Celui-ci pensait à tort que les protocoles mis en place pour garantir la sécurité des aliments et des boissons dans la salle à manger des joueurs existaient également dans le lieu ouvert aux visiteurs des membres de l'équipe nationale péruvienne. Sur la base de cette croyance erronée, le joueur a cru que les thés qu'il a bus dans ces deux endroits distincts étaient identiques. Sans remettre globalement en cause les explications...

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