Arret Nº 4A_313/2018 Tribunal fédéral, 17-12-2018

Date17 décembre 2018
Judgement Number4A_313/2018
Subject MatterDroit des contrats mandat
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_313/2018
Arrêt du 17 décembre 2018
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Kiss, présidente, Hohl et Abrecht, juge suppléant.
Greffière: Mme Monti.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Karin Grobet Thorens,
demandeur et recourant,
contre
Z.________,
représentée par Me Alexandre Zen-Ruffinen et Me Baptiste Hurni,
défenderesse et intimée.
Objet
mandat,
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 10 avril 2018 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève
(C/14423/2013; ACJC/441/2018).
Faits :
A.
A.a. Dans le cadre de la succession de son père mort en Italie, Z.________ a signé en 2004 des accords dont elle a estimé ensuite qu'ils la lésaient. Elle a versé 25 millions d'euros aux avocats B.________, à Genève, et C.________, à... (Italie), qui l'avaient conseillée pour la signature desdites conventions.
A.b. En automne 2006, la prénommée a mandaté l'avocat genevois A.________ pour qu'il examine la possibilité de dénoncer ces accords et de contester les honoraires versés.
A.________ a requis la collaboration de confrères en Italie, soit D.________ et E.________.
A.c. A.________ a engagé des pourparlers avec C.________ aux fins d'obtenir une rétrocession partielle des honoraires perçus et de recueillir des informations sur les circonstances réelles qui l'avaient conduit à convaincre Z.________ de signer les accords successoraux litigieux.
Le 24 avril 2008, A.________ et ses confrères italiens ont considéré que si aucun accord n'était signé avec C.________, il faudrait envisager une procédure pénale en Italie pour infedele patrocinio (délit de l'avocat trahissant les intérêts de son client), ce dont ils ont informé Z.________.
Lors d'une réunion du 11 septembre 2008 à laquelle la mandante assistait, il a été décidé de n'agir que si la probabilité de prouver l'infraction était suffisamment élevée, d'établir un exposé pour la police fiscale et de préparer une action en Suisse contre les deux précédents avocats.
A.d. Dans un courrier du 13 janvier 2009, A.________ a proposé à sa cliente de saisir l'étude d'avocats au sein de laquelle exerçait C.________ et de dénoncer celui-ci au fisc italien le moment venu. Il soulignait que les démarches contre son confrère représentaient un volet secondaire du dossier, mais important dans la perspective de l'invalidation des accords successoraux.
Le 16 janvier 2009, l'avocat genevois a sollicité des explications auprès de l'étude de C.________, en l'informant que celui-ci avait touché des honoraires à hauteur de 15 millions d'euros sur un compte numéroté en Suisse dans le cadre de son activité pour Z.________, sans émettre de facture ni détailler son activité ou préciser le tarif horaire.
A.e. Lors d'une nouvelle réunion le 30 janvier 2009, Z.________ et ses conseils ont décidé de dénoncer C.________ à l'Ordre des avocats de... et d'attendre de voir si cette entité saisissait elle-même le fisc.
Le 4 mai 2009, C.________ a ainsi été dénoncé à l'Ordre des avocats, au motif qu'il avait perçu des honoraires sans émettre de facture ni fournir d'explications.
Le 15 mai 2009, Z.________ a proposé à A.________ de faire intervenir deux nouveaux avocats italiens - Mes F.________ et G.________ - dans la procédure civile italienne en cours.
A.________ a répondu à sa cliente le 19 mai 2009 qu'il n'était pas convaincu par cette proposition et que le projet de dénonciation de C.________ aux autorités fiscales était en cours de préparation.
A.f. Le 1er juin 2009, Z.________ et son époux ont réuni A.________ et ses confrères italiens D.________ et E.________ à leur domicile, afin qu'ils discutent avec Mes F.________ et G.________ des propositions que ceux-ci pouvaient émettre. Avant l'arrivée de ces deux derniers, le dépôt d'une plainte pénale contre C.________ a été évoqué.
A l'issue de la rencontre, les avocats ne sont pas parvenus à un accord quant à une éventuelle collaboration.
A.g. Par courrier du 2 juin 2009, A.________ a confirmé à sa cliente qu'il n'était pas en mesure d'envisager une collaboration avec les avocats F.________ et G.________, les considérant comme dangereux pour la cause. Il a remis son mandat à sa disposition, en la priant de lui indiquer quelle décision elle entendait prendre pour la suite du dossier et en lui assurant qu'il n'entreprendrait rien qui puisse contrevenir à ses intérêts.
L'intéressée n'a pas répondu à cette lettre.
A.h. A la mi-juin 2009, un journal italien a relaté que C.________ avait été victime d'une tentative d'extorsion par A.________ et Z.________.
Le 1er juillet 2009, A.________ a saisi le procureur de... (Italie) d'une plainte pénale contre C.________, signée en son nom propre.
Par courrier du même jour, l'avocat a informé sa cliente de cette démarche, en précisant qu'il avait agi conformément à sa demande et avait signé la plainte en son nom, de sorte que l'inévitable contre-attaque serait dirigée contre lui et non contre elle.
Dans cette missive, A.________ soulignait que C.________ avait été renvoyé par ses associés, que les autorités fiscales italiennes s'étaient saisies du dossier et que l'intéressé en était désormais réduit à déposer des plaintes pour tentative d'extorsion à la suite des articles de presse. La réputation de C.________ était ainsi ruinée. La stratégie mise en place depuis 2007 était en passe d'être atteinte, et A.________ n'entendait pas en changer. Il mettait sa cliente en garde contre les "solutions magiques" que d'autres lui faisaient miroiter. Elle était toutefois libre de le remplacer, lui et son équipe, si elle le souhaitait.
A.i. Par courrier du 3 juillet 2009, Z.________ a révoqué avec effet immédiat les mandats confiés à A.________, en arguant notamment du fait que la plainte pénale avait été déposée sans qu'elle en ait été informée.
Le même jour, A.________ a pris acte de cette décision tout en contestant que la plainte pénale ait été déposée à l'insu de sa cliente; il rappelait que cette démarche avait été décidée le 1er juin 2009, la cliente ayant même insisté pour qu'elle fût déposée le plus vite possible.
A.j. Après que Z.________ eut décidé de révoquer les mandats confiés à A.________, le parquet de... (Italie) s'est saisi d'office de la question de savoir si les deux prénommés avaient tenté de contraindre C.________ à signer un affidavit favorable à leur cause, en le menaçant d'une dénonciation aux autorités fiscales italiennes.
Dans ce contexte, A.________ a été entendu le 14 septembre 2009 à sa propre requête. Il en a informé sa cliente par courrier du 4 septembre 2009, dans lequel il précisait qu'il serait accompagné d'un conseil italien, ce qui générerait quelques frais.
Le 16 décembre 2009, C.________ a formellement déposé plainte pénale à... (Italie) pour tentative d'extorsion contre A.________ et Z.________. A.________ a derechef mandaté un conseil italien pour la défense de ses intérêts.
La plainte a été classée en 2013.
A.k. Des journaux suisses et italiens ont publié des articles relatant cette affaire.
Le 12 avril 2010, A.________ a ouvert une action civile à Genève contre le journal "J.________" pour atteinte aux droits de la personnalité.
Il a été débouté de ses conclusions sur mesures provisionnelles. Sur le fond, il a obtenu la publication d'un correctif, mais ses conclusions en dommages-intérêts ont été rejetées.
A.l. A.________ a réclamé le remboursement des frais engagés dans ces procédures.
Z.________ a répondu le 2 mai 2011 qu'elle y était opposée, au motif que l'intéressé avait agi de sa propre initiative et sans son consentement. Toutefois, pour mettre un terme de manière définitive et paisible à ces questions et pour tenir compte des bonnes relations qu'ils avaient eues par le passé, elle était disposée à lui verser un montant unique et forfaitaire de 60'000 fr., à bien plaire et sous les réserves exprimées dans le courrier. Afin de lever toute ambiguïté, elle précisait que ce versement ne constituait pas le paiement des montants demandés, ni ne pouvait être interprété comme la reconnaissance ou l'approbation a posteriori des travaux et diligences effectués.
Le jour même, la cliente a fait virer la somme précitée à l'avocat, qui a refusé d'y voir un versement pour solde de tout compte.
A.m. En automne 2011, C.________ a publié un livre relatant l'affaire.
A.________ a saisi les juridictions civiles italiennes pour faire valoir ses droits à la personnalité et a perdu son procès.
Le 3 janvier 2012, C.________ a déposé une plainte pénale à Genève contre l'avocat suisse et sa cliente pour chantage aggravé et instigation à faux témoignage. L'affaire a été classée.
A.n. Le 18 décembre 2012, A.________ a adressé à sa mandante un récapitulatif des frais qu'il avait engagés pour défendre ses intérêts dans les diverses procédures consécutives au dépôt, le 1 er juillet 2009, de la plainte pénale contre C.________.
Z.________ a refusé tout versement supplémentaire. Elle a déclaré qu'elle-même avait "été entraînée dans des circonstances très difficiles" après l'article publié dans "J.________" et le livre de C.________. Elle n'avait pas agi judiciairement car cela ne servait à rien.
B.
B.a. Le 2 juillet 2013, A.________ a saisi le Tribunal de première instance du canton de Genève d'une requête de conciliation dirigée contre Z.________. Le 24 juin 2014, il a déposé une demande en paiement devant ce même tribunal. En dernier lieu, il a porté ses conclusions à 330'818 fr. 40 plus intérêts, à titre de remboursement des frais qu'il avait engagés pour défendre ses intérêts dans différentes procédures postérieures au dépôt de la plainte pénale contre C.________. Plus précisément, il prétendait aux montants suivants:
- Fr. 130'319.56...

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