Arret Nº 4A_241/2017 Tribunal fédéral, 31-08-2018

Date31 août 2018
Judgement Number4A_241/2017
Subject MatterDroit des contrats contrat de distribution exclusive
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_241/2017
Arrêt du 31 août 2018
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes les Juges fédérales
Kiss, présidente, Niquille et May Canellas.
Greffière: Mme Monti.
Participants à la procédure
A.________ BVBA,
représentée par Me Olivier Cherpillod,
recourante,
contre
Z.________ Sàrl,
représentée par Me Robert Zoells,
intimée.
Objet
contrat de distribution exclusive,
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 10 mars 2017 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève (ACJC/298/2017).
Faits :
A.
A.a. A.________ BVBA est une société de droit belge consacrée à l'achat et à la revente d'articles de puériculture.
Z.________ Sàrl est une société suisse ayant pour but d'importer et de distribuer des gadgets et peluches, ainsi que des articles de puériculture et de papeterie.
A.b. Depuis l'an 2000, la société suisse vendait pour l'entreprise belge des produits de la marque M.________ à divers détaillants et grossistes sur le territoire suisse.
En date du 7 août 2007, les deux sociétés ont conclu une transaction dans laquelle Z.________ Sàrl reconnaissait devoir EUR 89'199,48 à A.________ BVBA.
Le même jour, les parties se sont entendues pour réglementer les activités de Z.________ Sàrl au moyen de deux contrats distincts.
Le premier consistait en un « contrat d'agence exclusive», soumis au droit belge et réglant les relations avec les grandes chaînes de distribution comme... et.... Z.________ Sàrl s'engageait à promouvoir et à négocier la vente des produits de la marque M.________ en contrepartie de commissions, et cela uniquement auprès des «clients/prospects» qui exerçaient leur activité commerciale principalement en Suisse, se faisaient livrer en Suisse et n'étaient ni des pharmaciens, ni des hôpitaux, ni des magasins de jouets, ni des droguistes, ni des grossistes approvisionnant les points de vente mentionnés ci-dessus.
Le deuxième contrat réglait les relations avec les autres revendeurs. Cette « convention de distribution exclusive» était soumise au droit suisse à l'exclusion des conventions internationales et contenait une élection de for en faveur des tribunaux genevois. Elle avait notamment les traits suivants:
- Z.________ Sàrl avait le droit exclusif de revendre les produits de la marque M.________, qu'elle achetait et revendait en son nom et à son propre compte (art. 1).
- le droit exclusif de distribution n'était accordé que pour les «clients/prospects» sur le territoire suisse se faisant livrer en Suisse (art. 2).
- les «clients/prospects» concernés étaient les pharmaciens, chaînes de pharmacies, hôpitaux, droguistes, magasins et chaînes de magasins de puériculture, magasins de jouets et autres détaillants et grossistes approvisionnant les points de vente susmentionnés sur le territoire suisse (art. 2).
- Z.________ Sàrl s'engageait à déployer «ses meilleurs efforts» afin de promouvoir et revendre les produits de la marque M.________, et à payer les factures émises par A.________ BVBA dans le délai prévu par les conditions générales de cette dernière (art. 3). Z.________ Sàrl fixait librement le prix des produits à distribuer, mais A.________ BVBA lui remettait une liste indicative des prix de revente (art. 4).
- A.________ BVBA s'engageait à ne pas vendre les produits visés par la convention sur le territoire suisse autrement que par l'entremise de Z.________ Sàrl. Elle s'interdisait de vendre elle-même lesdits produits en Suisse et s'engageait à lui renvoyer tout client potentiel sur le territoire suisse, en refusant les livraisons directes à de tels clients (art. 6).
- Après une période initiale de cinq ans, la résiliation du contrat était possible moyennant un préavis de six mois (art. 7.1). En outre, la résiliation immédiate était possible sans préavis et sans indemnité en cas de faillite, de redressement judiciaire ou de liquidation de Z.________ Sàrl, de faillite de A.________ BVBA, de modification dans la gérance/actionnariat de Z.________ Sàrl, de manquement grave aux obligations de cette convention par une des parties, ou de non-respect par Z.________ Sàrl de ses obligations figurant dans la transaction (art. 7.2).
- A.________ BVBA se réservait le droit de modifier ses conditions générales de vente unilatéralement, ce que Z.________ Sàrl acceptait, moyennant notification par écrit des adaptations apportées par la première.
A.c. Par e-mail du 29 septembre 2010, A.________ BVBA a adressé à Z.________ Sàrl la copie d'une facture d'articles commandés directement auprès d'elle par la société suisse S.________ lors d'une foire à Cologne, en Allemagne. Z.________ Sàrl s'est déclarée surprise du fait que A.________ BVBA continue à livrer cette cliente contrairement à leurs accords et a demandé à ce que la livraison soit bloquée. A.________ BVBA lui a répondu que depuis des années, cette cliente lui passait directement une commande par an lors de la foire de Cologne et que cette habitude serait difficile à changer; la solution la plus intelligente consistait à laisser cette cliente passer commande directement lors de cette foire et à verser à Z.________ Sàrl sa commission sur cette commande. L'intéressée a rétorqué que le but n'était pas de perdre la cliente S.________, mais de lui offrir les avantages liés à un distributeur en Suisse et de tenir une ligne de conduite claire vis-à-vis de la clientèle suisse qui devait désormais passer par elle.
Les 3 juin et 22 septembre 2011, ainsi que le 30 juillet 2012, A.________ BVBA a derechef vendu des produits directement à la société S.________.
A.d. Le 12 décembre 2011, A.________ BVBA a résilié, conformément au contrat mais sans indication de motif, le contrat d'agence pour le 30 juin 2012.
A.e. Entre le 29 août et le 30 novembre 2012, Z.________ Sàrl a commandé différents produits à A.________ BVBA pour un montant total de EUR 35'496,62. A compter du 6 décembre 2012, elle a cessé de passer commande.
A.f. Le 14 janvier 2013, A.________ BVBA a envoyé à Z.________ Sàrl copie d'une demande d'une société suisse intéressée par ses produits, à laquelle elle avait répondu que les livraisons en Suisse «ne pouvaient pas se faire sans problème en dessous d'une commande minimum de EUR 1'000.-, à défaut de quoi il fallait passer par son distributeur en Suisse».
A.g. Par courrier du 31 janvier 2013, Z.________ Sàrl a déclaré résilier la convention de distribution avec effet immédiat. Elle a reproché à A.________ BVBA un changement global de son attitude et des violations grossières de la convention de distribution, à savoir la résiliation du contrat d'agence alors que son chiffre d'affaires augmentait et que ce contrat lui rapportait des commissions essentielles au soutien de son activité marketing et commerciale; la mise en place d'une limite de crédit bloquant ses achats sans avertissement préalable, ce qui avait un impact important sur sa stratégie; une augmentation des prix d'achat de l'ordre de 15%, alors que les prix de vente indicatifs étaient inchangés sur le marché européen, voire en diminution; la persistance de la possibilité pour les clients de se faire livrer directement par A.________ BVBA en Suisse à partir de EUR 1'000.- d'achats; et enfin, la livraison directe à la cliente suisse S.________. Z.________ Sàrl a réclamé réparation pour les dommages causés.
A.________ BVBA a contesté avoir violé ses obligations contractuelles. Le 11 avril 2013, elle a elle-même déclaré résilier la convention de distribution avec effet immédiat, sur la base de son article 7.2.
A.h. Lors d'une foire qui s'est tenue à Genève entre les 12 et 14 avril 2013, Z.________ Sàrl a procédé à la promotion et à la distribution des produits P.________, concurrents à ceux de A.________ BVBA.
A.i. Le 21 mai 2013, Z.________ Sàrl a assigné A.________ BVBA devant un tribunal de commerce belge en paiement notamment d'une «indemnité d'éviction» suite à la résiliation du contrat d'agence. Par jugement du 6 février 2015, la société belge a été condamnée à verser une indemnité d'éviction de EUR 118'197,58, plus 3'685 fr. 38 de commissions.
B.
B.a. Le 10 septembre 2014, A.________ BVBA a déposé une demande en paiement contre Z.________ Sàrl devant le Tribunal de première instance du canton de Genève. Elle prétendait à des dommages-intérêts de 89'513 fr. 35 (pour des salaires versés inutilement et pour le gain manqué entre le 6 décembre 2012 et l'échéance ordinaire du contrat), ainsi qu'au paiement de 43'278 fr. 30 - montant ensuite réduit à 41'675 fr. 87 - pour les marchandises commandées.
Dans sa réponse et demande reconventionnelle du 2 mars 2015, Z.________ Sàrl a reconnu devoir 31'259 fr. 40 à A.________ BVBA en contrepartie des marchandises commandées, mais a invoqué la compensation. A titre reconventionnel, elle a requis que la société belge soit condamnée à lui payer des dommages-intérêts de 198'333 fr. (37'500 fr. pour des investissements non encore amortis et 160'833 fr. pour le gain manqué en 2013), et à ce qu'il soit dit qu'elle compensait sa dette de 31'259 fr. 40 avec sa créance envers A.________ BVBA.
B.b. Par jugement du 24 juin 2016, le Tribunal de première instance a débouté A.________ BVBA de toutes ses conclusions et l'a condamnée à payer la somme de EUR 114'834,12 à Z.________ Sàrl. En substance, le tribunal a jugé que la société belge avait libellé à tort ses conclusions en francs suisses alors qu'elles auraient dû l'être en euros, ce qui conduisait à leur rejet. Quant à la société suisse, elle avait de justes motifs de résilier le contrat de distribution avec effet immédiat. Elle avait le droit à 160'883 fr., soit EUR 148'682.- pour son manque à gagner pendant le délai de congé ordinaire, qui était de six mois. Pour le surplus, l'intéressée n'avait pas établi de dommage quant aux...

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