Arret Nº 4A_105/2018 Tribunal fédéral, 10-10-2018

Judgement Number4A_105/2018
Date10 octobre 2018
Subject MatterDroit des contrats résiliation pour justes motifs (art. 337 CO); gestes déplacés; propos grossiers et sexistes
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_105/2018
Arrêt du 10 octobre 2018
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes les Juges fédérales
Kiss, Présidente, Hohl et Niquille.
Greffier : M. Piaget.
Participants à la procédure
X.________,
représentée par Me Valentin Aebischer,
recourante,
contre
1. Z.________,
représenté par Me Luke H. Gillon,
2. Caisse publique de chômage du canton de Fribourg,
intimés.
Objet
résiliation pour justes motifs (art. 337 CO), gestes déplacés, propos grossiers et sexistes,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, IIe Cour d'appel civil, du 10 janvier 2018
(102 2017 61).
Faits :
A.
Du 1er janvier 1982 au 2 septembre 2013, Z.________ (ci-après: l'employé) a d'abord travaillé en qualité de cuisinier, puis (dès le 1er janvier 2001) en tant que chef du secteur hôtelier (à ce titre, il était chargé de former des apprentis et de gérer la préparation des repas) auprès de X.________ (ci-après: l'employeuse ou la société employeuse).
Le 29 janvier 2004, au cours d'une réunion rassemblant l'employé, une membre de la direction de la société employeuse et trois employées, il a été reproché au personnel masculin des cuisines d'adopter des comportements déplacés envers le personnel féminin, ce que l'employé a admis à cette occasion.
Le 1er janvier 2005, l'employeuse et l'employé ont signé un avenant au contrat de travail les liant autorisant celui-ci à utiliser l'infrastructure de la cuisine de l'établissement à des fins privées (organisation de banquets et d'autres événements privés) et à affecter les apprentis " à des tâches spéciales " en dehors des heures que ceux-ci devaient consacrer à l'employeuse.
Lors d'un entretien du 28 août 2013, une apprentie (A.________) a informé un membre de la direction et la responsable du personnel qu'elle avait été la cible de plusieurs gestes et paroles déplacés de la part de l'employé, qui était son maître d'apprentissage, et ce depuis son engagement en 2010. Elle a également déclaré que le personnel de cuisine travaillait régulièrement pour le compte de l'employé durant les heures de travail.
Le lendemain, l'employeuse a mené des entretiens individuels avec divers employés, afin d'obtenir davantage d'informations sur les accusations lancées par l'apprentie.
A la suite de l'enquête interne, lors d'un entretien du 2 septembre 2013, l'employé a été licencié avec effet immédiat. A cette occasion, l'employeuse lui a remis un courrier confirmant le renvoi immédiat. Elle lui reproche d'avoir eu, à de nombreuses reprises et sur une longue période, des gestes et des paroles inappropriés et déplacés envers des collaboratrices de l'entreprise (premier motif) et d'avoir utilisé des collaborateurs de la cuisine pour réaliser des banquets privés durant les heures de travail (deuxième motif).
Du 3 septembre 2013 au 31 mars 2014, l'employé a été en incapacité de travail totale, puis partielle. Le 1er janvier 2014, l'employé s'est inscrit au chômage et il a perçu de la Caisse publique de chômage des indemnités journalières d'un montant de 31'115 fr.10, pour la période du 1er janvier au 30 juin 2014.
Le 1er mai 2014, l'employé a commencé à travailler en qualité de chef de cuisine auprès de U.________.
B.
Le 11 juillet 2004, l'employé a déposé une demande en paiement contre son employeuse devant le Tribunal des prud'hommes de l'arrondissement de la Sarine. Il a conclu à ce qu'elle lui verse le montant de 66'730 fr.65 à titre de résiliation anticipée des rapports de travail (art. 337c al. 1 CO), sous réserve de la subrogation de la Caisse de chômage, une indemnité de 50'229 fr.20 à titre de licenciement injustifié (art. 337c al. 3 CO) et à ce qu'elle lui remette un certificat de travail.
Par déclaration d'intervention du 29 juillet 2004, admise par le Président du Tribunal des prud'hommes le 30 juillet 2014, la Caisse de chômage a indiqué que sa prétention subrogatoire s'élevait à 31'115 fr.10 nets.
Par réponse et demande reconventionnelle du 14 novembre 2014, complétées le 23 avril 2015, l'employeuse a conclu au rejet de la demande et, reconventionnellement, à ce que sa partie adverse soit condamnée à lui verser un montant de 154'833 fr. correspondant au préjudice (gain manqué) qu'elle avait subi du fait des agissements de son employé.
Par réponse sur demande reconventionnelle du 19 janvier 2015, l'employé a conclu au rejet de celle-ci.
Par jugement du 18 janvier 2017, le Tribunal des prud'hommes a partiellement admis la demande de l'employé et rejeté la demande reconventionnelle de l'employeuse. Il a condamné celle-ci à payer le montant de 31'315 fr.10 à la Caisse de chômage et à verser à l'employé la somme brute de 66'727 fr.80 (licenciement anticipé), sous déduction du montant versé à la Caisse de chômage, ainsi qu'une indemnité nette de 16'766 fr. (licenciement injustifié).
Par arrêt du 10 janvier 2018, la IIe Cour d'appel civil du Tribunal cantonal fribourgeois a rejeté l'appel formé par la défenderesse et confirmé le jugement du Tribunal des prud'hommes.
C.
La défenderesse exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal du 10 janvier 2018. Elle conclut, principalement, à son annulation, à ce que l'action du demandeur et de l'intervenante soient rejetées et à ce que le demandeur soit condamné à lui verser la somme de 86'640 fr., subsidiairement, à l'annulation de l'arrêt entrepris et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir, par un défaut de motivation, transgressé son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst.), violé le droit matériel en omettant de tenir compte de certains éléments de fait pertinents, transgressé l'art. 337 CO et l'art. 4 LEg, établi les faits de manière arbitraire (art. 9 Cst.) et violé l'art. 321e al. 1 CO en lien avec les art. 97 al. 1 et 41 ss CO.
Le demandeur (intimé) conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable.
La Caisse de chômage (intimée) confirme les conclusions subrogatoires prises en sa qualité de partie intervenante et se rallie à la détermination du demandeur quant au recours de la défenderesse.
La demande d'effet suspensif formée par la recourante a été rejetée par ordonnance présidentielle du 9 avril 2018.
Considérant en droit :
1.
1.1. Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) par la partie qui a succombé dans ses conclusions libératoires (demande principale) et en paiement (demande reconventionnelle) et qui a donc qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF), dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière de contrat de travail (art. 72 al. 1 LTF) par un tribunal supérieur statuant sur recours (art. 75 LTF) dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF), le recours en matière civile est en principe recevable.
1.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
Concernant l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3; 133 II 249 consid. 1.4.3; 129 I 8 consid. 2.1).
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18 et les références). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18). Les critiques de nature appellatoires sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261 s.).
Les faits nouveaux sont irrecevables devant le Tribunal fédéral (art. 99 al. 1 LTF).
En l'occurrence, la recourante présente un " bref historique de la cause " (acte de recours p. 8 à 11), sans toutefois prétendre, sous l'angle de l'arbitraire (art. 9 Cst.), que cet " historique " viserait à corriger l'état de fait établi par la cour cantonale. Il n'y a donc pas lieu de s'écarter de celui-ci.
1.3. Sous réserve de la violation des droits constitutionnels (art. 106 al. 2 LTF), le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est toutefois lié ni par les motifs invoqués par les parties, ni par l'argumentation juridique retenue par l'autorité cantonale; il peut donc admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4 et l'arrêt cité).
2.
Se prononçant sur le licenciement notifié à l'employé le 2 septembre 2013, la cour cantonale a considéré que la liste des accusations de l'apprentie comportait des éléments fondés, en particulier le fait que l'intéressé a tenu, sur son lieu de travail, des propos grossiers à connotation sexuelle à l'égard de l'apprentie (dont il était responsable), en lui demandant...

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