Arret Nº 4A 71/2019 Tribunal fédéral, 08-10-2019

Judgement Number4A 71/2019
Date08 octobre 2019
Subject MatterDroit des obligations (en général) contrat de distribution exclusive; culpa in contrahendo; indemnité pour clientèle (art. 418u CO)
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_71/2019
Arrêt du 8 octobre 2019
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes les Juges fédérales
Kiss, Présidente, Hohl et May Canellas.
Greffier : M. Piaget.
Participants à la procédure
X.________ SA,
représentée par Me Urs Portmann,
recourante,
contre
Z.________ SA,
représentée par Me Arun Chandrasekharan et Me Nathalie Schmid-Bessard,
intimée.
Objet
Contrat de distribution exclusive, culpa in contrahendo, indemnité pour clientèle (art. 418u CO),
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile, du 27 novembre 2018 (C/21380/2012 ACJC/1666/2018).
Faits :
A.
Le 30 novembre 1999, X.________ SA (ci-après : la société de distribution ou le distributeur) - société de droit grec active notamment dans la distribution de produits pour nouveaux-nés - a conclu un (premier) contrat de distribution exclusive avec A.________ SA - société avec siège à... spécialisée dans le développement de produits pharmaceutiques et de nutrition - par lequel elle s'engageait, pour une durée de sept ans (soit jusqu'au 31 décembre 2006) à distribuer sur le territoire grec des laits pour enfants de la marque " U.________ ".
Le 7 juin 2007, elle a signé un (second) contrat de distribution exclusive avec B.________ SA - société avec siège à... notamment chargée de commercialiser les laits infantiles développés par A.________ SA -, d'une durée de cinq ans (soit jusqu'au 30 mai 2012), pour les mêmes produits. Ce contrat, qui est soumis au droit suisse et contient une clause d'élection de for en faveur des tribunaux genevois, prévoit les modalités de distribution, notamment les quantités minimales devant être acquises par le distributeur, les activités de publicité et de promotion lui incombant, l'information qui doit être donnée par le distributeur au fournisseur et les rapports de ventes et de stocks qu'il doit faire parvenir à celui-ci. Il prévoit également une obligation de non-concurrence que la société distributrice doit respecter au terme de la relation contractuelle.
Dès 2000, les parties se sont entendues sur une pratique selon laquelle les fournisseurs octroyaient un rabais (d'environ 20% à 25%) lors de la facturation de chaque achat et versaient régulièrement en sus au distributeur des sommes correspondant à un pourcentage des commandes passées, afin de financer les dépenses promotionnelles de celui-ci.
B.________ SA a cédé à Z.________ SA (ci-après : le fournisseur) - société avec siège à... poursuivant le même but que la société cédante et dirigée par le même administrateur - l'ensemble de ses droits résultant du contrat, avec effet au 31 août 2010. Elle en a informé le distributeur le 25 août 2010.
En mai 2010, les parties ont envisagé la conclusion d'un (troisième) accord pour une nouvelle période (à partir de 2011), qui porterait aussi sur de nouveaux types de laits infantiles. Elles ont entamé des négociations à partir d'avril 2011.
Par courriel du 16 mai 2011, le fournisseur a adressé au distributeur un projet de contrat pour la période de juillet 2011 à juin 2016. Des désaccords subsistant sur certains points, des discussions ont eu lieu entre les parties.
Le 29 septembre 2011, le fournisseur a fait parvenir au distributeur une version révisée du projet de contrat, puis, le 1er décembre 2011, une deuxième version révisée.
En janvier 2012, le distributeur a expliqué ne pas pouvoir accepter le projet. Le désaccord portait notamment sur la question des activités promotionnelles que le fournisseur entendait introduire dans le contrat et sur le montant qui était consacré à ces activités. Le distributeur évoquait la difficulté, voire l'impossibilité, de justifier les frais liés aux activités promotionnelles, et il craignait que le fournisseur puisse, le cas échéant, mettre fin (trop) facilement au contrat.
Les échanges tenus entre les parties n'ont pas permis de résoudre le désaccord. Le fournisseur, rappelant qu'il prenait à sa charge les coûts, estimait avoir droit à des informations détaillées sur les dépenses engagées par le distributeur, et celui-ci observait qu'il communiquait les informations utiles, mais qu'il n'avait pas à fournir des détails chiffrés.
Par courrier du 27 mars 2012, le fournisseur a informé le distributeur que le contrat de distribution ne serait pas renouvelé (autrement dit, le troisième contrat ne serait pas conclu) et que la relation contractuelle (basée sur le deuxième contrat) prendrait fin le 30 mai 2012. Il a motivé son refus par le fait que le distributeur avait refusé de fournir des informations suffisantes et fiables sur son activité publicitaire et promotionnelle alors qu'il lui apportait une aide financière pour ces activités.
Le 9 mai 2012, le fournisseur a signé un contrat de distribution exclusive avec C.________ SA. Les négociations avec cette société concurrente avaient débuté en mars/avril 2012 et le texte était pratiquement identique à celui proposé au (premier) distributeur.
B.
Le 16 octobre 2012, la société de distribution (ci-après également : la demanderesse) a ouvert action devant le Tribunal de première instance de Genève contre Z.________ SA (ci-après : la défenderesse). La conciliation ayant échoué, elle a déposé sa demande le 6 mars 2013 et conclu à ce que sa partie adverse soit condamnée à lui verser le montant de 4'248'934 EUR (contre-valeur de 5'208'390 fr.), intérêts en sus. Ce montant comprend une indemnité pour la clientèle, des dommages-intérêts fondés sur la responsabilité précontractuelle (frais engagés pour 2011 et la première moitié de 2012, pour la promotion des produits " U.________ " et en vue de la conclusion d'un troisième contrat).
La défenderesse a conclu au rejet de la demande et, à titre reconventionnel, à ce que la demanderesse (principale) soit condamnée à lui verser le montant de 25'000 EUR, intérêts en sus, à titre d'indemnité consécutive à la violation du devoir d'information contractuel lui incombant.
La demanderesse (principale) a conclu à ce que sa partie adverse soit déboutée de toutes ses conclusions sur demande reconventionnelle.
Par jugement du 3 août 2017, le Tribunal de première instance a rejeté la demande principale et la demande reconventionnelle.
Par arrêt du 27 novembre 2018, la Chambre civile de la Cour de justice de Genève a rejeté l'appel de la demanderesse et l'appel joint de la défenderesse et confirmé le jugement entrepris.
C.
Contre cet arrêt cantonal, la demanderesse forme un " recours en matière civile et recours constitutionnel subsidiaire " au Tribunal fédéral. Elle conclut à son annulation et à sa réforme, ses conclusions principales reprenant en substance celles qu'elle avait prises devant les instances cantonales. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt entrepris et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale. La recourante invoque une violation du droit (notamment des art. 2 et 8 CC, de l'art. 18 CO et de l'art. 157 CPC) et une constatation manifestement inexacte des faits.
L'intimée conclut au rejet du recours en matière civile et constitutionnel subsidiaire et à la confirmation de l'arrêt attaqué.
Chacune des parties a encore déposé des observations.
La requête d'effet suspensif formée par la recourante a été rejetée par ordonnance présidentielle du 8 avril 2019.
Considérant en droit :
1.
1.1. La recourante exerce un recours en matière civile et un recours constitutionnel subsidiaire, étant ici précisé que les conclusions, qui figurent séparément au début de son écriture (cf. p. 3 s. de son mémoire), sont prises aussi bien pour l'un que pour l'autre des recours.
1.2. Formé en temps utile (art. 100 al. 1, 45 al. 1 et 46 al. 1 let. c LTF), dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière civile (art. 72 LTF) sur appel de la demanderesse et appel joint de la défenderesse par le tribunal supérieur du canton (art. 75 LTF), dans une affaire dont la valeur litigieuse excède 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est recevable au regard de ces dispositions. Il en découle que le recours constitutionnel, qui lui est subsidiaire, est irrecevable (cf. art. 113 LTF).
1.3. Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Il peut donc aussi être formé pour violation d'un droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1 p. 247; 136 II 304 consid. 2.4 p. 313). Le Tribunal fédéral n'entre toutefois en matière que si ce dernier grief a été invoqué et motivé par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF).
En l'occurrence, les griefs d'ordre constitutionnel soulevés dans le recours constitutionnel subsidiaire ne font que reprendre brièvement ceux figurant déjà dans le recours en matière civile, de sorte qu'il est inutile de se prononcer sur la motivation répétée aux pages 31 à 34 (recours constitutionnel subsidiaire) du mémoire de recours.
1.4. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
Concernant l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2).
La critique de...

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