Arret Nº 4A 619/2020 Tribunal fédéral, 17-02-2021

Judgement Number4A 619/2020
Date17 février 2021
Subject MatterAssurance responsabilité civile limitation de la procédure à une question déterminée; compétence; faits de double pertinence
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_619/2020
Arrêt du 17 février 2021
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Hohl, présidente, Kiss, Niquille, Rüedi et May Canellas.
Greffier: M. O. Carruzzo.
Participants à la procédure
A.________ Limited,
représentée par Me Pascal de Preux,
recourante,
contre
Banque B.________,
représentée par Me Marc Gilliéron,
intimée.
Objet
limitation de la procédure à une question déterminée; compétence; faits de double pertinence,
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le
6 novembre 2020 par la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (PT19.023942-200964 241).
Faits :
A.
Le 15 mai 2019, la Banque B.________ a assigné la société russe A.________ Limited devant la Chambre patrimoniale cantonale vaudoise en paiement de la somme de 7'713'748.32 dollars américains (USD).
B.
B.a. Le 31 octobre 2019, la défenderesse a déposé une requête tendant à ce que le tribunal limite la procédure à la question de sa compétence à raison du lieu et, cela fait, déclare la demande en paiement irrecevable. A l'appui de sa requête, elle a fait valoir que les faits allégués par la demanderesse ne permettaient pas de fonder la compétence de l'autorité saisie. Selon elle, les prétentions ne reposaient pas sur un acte illicite mais sur la responsabilité fondée sur la confiance. Or, à son avis, ce dernier chef de responsabilité n'était pas prévu par la loi sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP; RS 291), raison pour laquelle il n'existait aucun for en Suisse.
Après avoir recueilli les déterminations de la partie demanderesse, la Juge déléguée de la Chambre patrimoniale cantonale, statuant le 18 juin 2020, a rejeté ladite requête et a imparti un délai à la défenderesse pour déposer sa réponse.
En substance, la première juge a considéré que la question de savoir si la défenderesse engageait sa responsabilité délictuelle vis-à-vis de la demanderesse ou répondait au titre de la responsabilité fondée sur la confiance était un fait de double pertinence, puisqu'il permettait non seulement de fonder la compétence du tribunal saisi mais aussi de déterminer le bien-fondé de l'action. Se référant à la théorie des faits de double pertinence, elle a estimé que les faits allégués permettaient, en l'état du procès, de retenir qu'un acte illicite avait été commis au détriment de la demanderesse. Elle a précisé que l'administration des preuves sur les faits doublement pertinents s'effectuerait au moment où le tribunal saisi statuerait sur le fond de la demande.
B.b. Par arrêt du 6 novembre 2020, la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours formé par la défenderesse à l'encontre de cette décision. En bref, elle a jugé qu'une décision préalable limitée à la compétence à raison du lieu du tribunal saisi ne serait pas à même de simplifier le procès. Par ailleurs, la question du fondement juridique de la demande ne devrait être résolue que lors de l'examen au fond du litige, une fois l'administration des preuves achevée.
C.
Le 27 novembre 2020, la défenderesse (ci-après: la recourante) a formé un recours en matière civile au Tribunal fédéral, assorti d'une requête d'effet suspensif. En substance, elle a conclu à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que sa requête tendant à la limitation de la procédure soit admise et que l'incompétence ratione loci du tribunal saisi soit constatée.
Invités à se déterminer uniquement sur la requête d'effet suspensif, la demanderesse (ci-après: l'intimée) a conclu à son rejet, tandis que la cour cantonale a déclaré s'en remettre à justice.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 139 III 252 consid. 1.1).
1.1. Le recours en matière civile est recevable contre les décisions qui mettent fin à la procédure (art. 90 LTF), les décisions partielles (art. 91 LTF) ainsi que les décisions préjudicielles et incidentes qui sont notifiées séparément et qui portent sur la compétence ou sur une demande de récusation (art. 92 al. 1 LTF). Les autres décisions préjudicielles et incidentes notifiées séparément peuvent faire l'objet d'un recours si elles peuvent causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF).
1.2. A teneur de l'art. 92 al. 1 LTF, les décisions préjudicielles et incidentes qui sont notifiées séparément et qui portent sur la compétence peuvent faire l'objet d'un recours.
La loi requiert que la décision soit notifiée séparément, et donc indépendamment du jugement au fond. Pour qu'une décision puisse être qualifiée de décision incidente sur la compétence au sens de l'art. 92 al. 1 LTF, il faut que la question de la compétence soit effectivement et définitivement tranchée (ATF 144 III 475 consid. 1.1.2; arrêt 4A_264/2018 du 7 juin 2018 consid. 2.1 et les arrêts cités).
1.3. La recourante soutient que l'arrêt attaqué est une décision concernant la compétence visée par l'art. 92 LTF. Avant d'examiner cette question, il convient de préciser les principes jurisprudentiels relatifs à la théorie de la double pertinence.
2.
Lorsqu'il doit statuer sur sa compétence, ce qu'il doit faire d'entrée de cause (cf. art. 59 al. 2 let. b CPC), le tribunal doit examiner si le ou les faits pertinents de la disposition légale applicable sont des faits simples ou des faits doublement pertinents, conformément aux principes jurisprudentiels développés sous le nom de " théorie de la double pertinence ".
2.1.
2.1.1. Les faits sont simples ( einfachrelevante Tatsachen) lorsqu'ils ne sont déterminants que pour la compétence. Ainsi, par exemple, la localisation de l'acte illicite allégué, soit la question de savoir s'il a eu lieu à l'endroit allégué, est un fait simple. En effet, la constatation portant sur le lieu où l'acte illicite a été commis est sans pertinence pour le bien-fondé de la prétention au...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT