Arret Nº 4A 544/2018 Tribunal fédéral, 29-08-2019

Judgement Number4A 544/2018
Date29 août 2019
Subject MatterDroit des contrats contrat de travail; harcèlement sexuel
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_544/2018
Arrêt du 29 août 2019
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes les Juges fédérales
Kiss, Présidente, Hohl et May Canellas.
Greffière : Mme Godat Zimmermann.
Participants à la procédure
A.________ Sàrl,
représentée par Me Catherine Merényi,
recourante,
contre
B.________,
représentée par Me Vincent Demierre,
intimée.
Objet
contrat de travail; harcèlement sexuel,
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 29 août 2018 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (JS16.024672-180560 482).
Faits :
A.
Par contrat de travail du 18 juin 2007, A.________ Sàrl a engagé B.________ en qualité de dessinatrice dès le 1er juin 2007, à un taux d'activité qui a augmenté au fil des années pour atteindre 90% au 1er mai 2014.
H.X.________ est gérant et directeur de cette société, dont le capital social est intégralement détenu par son épouse, F.X.________.
B.________ a bénéficié, tout comme d'autres employés, de l'aide financière de H.X.________. Par l'entremise de ce dernier, la société a ainsi accordé à l'employée, le 12 août 2013, un prêt de 16'500 fr., qui a été amorti par le biais d'une retenue mensuelle de 300 fr. sur son salaire. Le prénommé lui a également mis à disposition une voiture dont son épouse n'avait plus l'usage. Dès 2013 et durant toute l'année 2014, B.________ et H.X.________ déjeunaient ensemble au moins une fois par semaine. Il leur est arrivé de prendre l'apéritif ou de boire ensemble un café le samedi matin, avec d'autres employés. Pendant sept ans, leur collaboration s'est bien déroulée.
En mars 2014, leurs rapports se sont sensiblement modifiés. D'après l'employée, elle a dû repousser les avances de H.X.________. Selon ce dernier, les rôles étaient inversés. Leur version des faits est également discordante s'agissant des circonstances dans lesquelles des billets d'avion pour le Maroc ont été commandés en leurs deux noms: l'employée affirme avoir cédé à l'insistance du prénommé et craint sa réaction en cas de refus, alors que H.X.________ soutient que l'initiative en reviendrait à l'employée et qu'il y aurait opposé son veto. Ces billets ont été annulés. Leurs versions d'un épisode survenu au début janvier 2015 sont également antagonistes; l'employée affirme qu'elle serait allée chercher son directeur à l'aéroport à sa demande et aurait pris un café avec lui à son domicile où il aurait réitéré ses avances, alors que le prénommé soutient que c'est elle qui aurait demandé à visiter sa maison.
Entre le 27 août et le 10 décembre 2014, l'employée a consulté une réflexologue. D'après l'attestation établie par cette dernière, l'employée " (...) a eu besoin d'un soutien émotionnel et énergétique lié aux agissements persécutants d'un collègue de travail. Après chaque séance (elle) retrouvait confiance, sérénité et un meilleur sommeil. Tous ses acquis s'effilochaient au contact de ce collègue ".
Le jeudi 8 janvier 2015 au soir, l'employée et le directeur ont échangé une série de messages dont voici la retranscription:
H.X.________: "B.________ suite à mon appel de mardi dernier à 13 h. j'ai beaucoup médité sur tes paroles (essai (e) de te repasser la cassette) très très intéressant!"
B.________: "Que cherches tu tu cherches quoi... je suis ferme oui je ne veux pas avoir de liaisons avec toi je n'ai pas d'amour. Je ne vois pas ce que tu penses. Dans un mois dans un an dans 12 ans je ne suis pas attiré (e)... ne vois pas autre chose stp stp je suis tellement fatigué (e). Stp."
H.X.________: "Juste pour te dire après réfle (x) ion tout simplement que jamais personne m'a méjugé de cette (illisible)."
B.________: "Je juge pas. Je pense que tu cherches à me demander pour quoi je suis pas attiré (e) par toi, je te l'avais dit le 1er janvier. On s'est dit qu'on serai (t) ami. Je comprends pas ce que tu aurais pu comprendre le mardi?".
H.X.________: (capture d'écran comportant la définition du terme "méjuger")
B.________: "Oui ce que je t'ai dit mardi je me rappel (le) bien. Que voudrais tu me dire."
H.X.________: "Bonne nuit"
B.________: "Je ne vais pas dormir..."
H.X.________: "B.________ je ne te veux pas de mal j'ai bien compris que tu ne veux pas de moi. Mais mardi tu avais peut être une pêche d'enfer et dans tes propos tu m'as vraiment fait très très très mal comme tu m'as pris de haut!".
À compter du 15 janvier 2015 et jusqu'à la fin des rapports de travail qui interviendra en septembre 2015, l'employée a été en incapacité totale de travail pour cause de maladie. Les événements qui ont précédé cet arrêt de travail font, à nouveau, l'objet de versions divergentes. L'employée soutient avoir demandé à son directeur de cesser tout comportement déplacé à son égard, ce qu'il aurait mal pris, allant jusqu'à la menacer de modifier son contrat de travail à son détriment. Le directeur affirme au contraire avoir convoqué l'employée pour lui dire de faire quelque chose pour aller mieux compte tenu des problèmes qu'elle avait rencontrés durant son enfance, avant de se heurter à la menace d'un arrêt de travail pour cause de burn out et d'un recours aux prud'hommes.
Le 17 janvier 2015, le frère de l'employée l'a accompagnée à un rendez-vous fixé par le directeur dans les locaux de l'entreprise.
Le directeur a vainement tenté d'atteindre l'employée par téléphone le 8 mars 2015 à 00 h 59 et le 2 avril 2015 à 22 h 44; à cette dernière date, il lui a également envoyé un message, avec pour "objet" trois représentations graphiques de pouces levés.
Le 3 avril 2015, le directeur a adressé à l'employée un courriel avec une pièce jointe dont la teneur était la suivante: "Annonce - Vivons le moment présent - cherche un électricien pour rétablir le courant entre les gens - un opticien pour changer leur regard - un artiste pour dessiner un sourire sur tous les visages - un maçon pour bâtir la paix - un jardinier pour cultiver la pensée - et un professeur de maths pour nous réapprendre à compter les uns sur les autres".
Le 4 avril 2015, il lui a adressé un nouveau courriel rédigé comme suit : "Salut B.________ quand tu aura (s) remis les pieds sur terre fai (s) moi signe. SVP".
Le 6 avril 2015, il lui a envoyé un troisième courriel, intitulé «J'espère», auquel était joint un document avec le texte suivant: "Si tu ne peux pas être le crayon qui écrit le bonheur; soit la gomme qui efface la tristesse".
Le 10 avril 2015, le directeur a essayé d'appeler l'employée à trois reprises, la dernière fois à 21 h 20. Le 11 avril 2015, il lui a adressé, à 19 h 00, le message suivant: "Salut B.________ demain dimanche à midi je mange à... viens STP franchement viens". Il a encore tenté d'entrer en contact avec elle plusieurs fois par téléphone ultérieurement.
Le 12 avril 2015, après que le message de la veille est resté sans réponse, il lui a adressé le message suivant: "Salut B.________, dommage les hostilités vont vraiment débuter".
Par courrier du 17 avril 2015, l'employeuse a dénoncé le contrat de prêt consenti à l'employée le 12 août 2013; elle a précisé que le décompte pour paiement lui parviendrait en temps utile et lui a transmis un calcul d'intérêts.
Par pli du 25 juin 2015, l'employeuse a interpellé l'employée pour lui demander si elle entendait reprendre son poste le 1er juillet 2015. L'employée lui a alors adressé un certificat médical attestant que son incapacité de travail était prolongée jusqu'au 31 juillet 2015.
Par courrier du 28 juillet 2015, l'employée a annoncé à l'employeuse sa démission pour le 30 septembre 2015.
Le directeur a tenté d'atteindre l'employée sur son numéro de téléphone portable privé dans la nuit du 15 août 2015, à 00 h 29, le 28 août 2015 à 20 h 27 et le 29 août 2015 à 00 h 30.
Vers la fin septembre 2015, il lui a envoyé une boîte vide de chocolats «merci».
B.
A la suite de l'échec de la conciliation, B.________ a saisi le 31 mai 2016 le Tribunal civil de l'arrondissement de La Broye et du Nord vaudois d'une demande dirigée contre A.________ Sàrl tendant au paiement de la somme brute de 30'110 fr.25 et du montant net de 24'756 fr. avec intérêts, ce dernier à titre de réparation de l'atteinte causée par le harcèlement sexuel dont elle estimait avoir été victime. L'employeuse a conclu au rejet de la demande.
Par jugement du 1er mars 2018, le tribunal a partiellement admis la demande. Il a en partie donné raison à l'employée quant au premier chef de ses conclusions, en condamnant l'employeuse à lui verser 3'530 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er juillet 2015 à différents titres qui ne sont plus litigieux à ce stade. S'agissant du second chef de conclusions, l'employée a entièrement obtenu gain de cause. Les premiers juges ont considéré en substance que le directeur avait adopté à l'égard de son employée un comportement qui s'apparentait à du harcèlement sexuel, violant les dispositions des art. 3 ss LEg et 328 CO. Ils ont reconnu l'employeuse débitrice envers l'employée d'une indemnité destinée à compenser l'atteinte subie de ce fait, laquelle a été fixée à 24'756 fr., ce qui correspond à un peu moins de quatre fois le salaire mensuel médian suisse en 2014.
Par arrêt du 20 août 2018, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté l'appel formé par l'employeuse. Les motifs qui l'ont guidée seront évoqués ci-après, dans la mesure utile.
C.
A.________ Sàrl interjette un recours en matière civile. Elle conclut principalement à la réforme de l'arrêt cantonal en ce sens que les conclusions de la demande sont rejetées.
L'effet suspensif a été accordé au recours.
Aucune réponse n'a été sollicitée.
Considérant en droit :
1.
1.1. L'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière civile (art. 72 LTF) par le tribunal supérieur désigné comme autorité cantonale de dernière instance, lequel a statué sur recours (art....

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