Arret Nº 4A 458/2018 Tribunal fédéral, 29-01-2020

Judgement Number4A 458/2018
Date29 janvier 2020
Subject MatterDroit des contrats contrat de travail; réduction de salaire; prévoyance professionnelle
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_458/2018
Arrêt du 29 janvier 2020
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Kiss, présidente, Rüedi et May Canellas.
Greffière Monti.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Marie-Gisèle Danthe,
recourant,
contre
1. X.________ Sàrl,
2. Y.________ LLC,
toutes deux représentées par Me Luc Pittet,
intimées,
3. Caisse cantonale de chômage,
Objet
contrat de travail; réduction de salaire; prévoyance professionnelle,
recours en matière civile contre l'arrêt rendu
le 21 juin 2018 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud
(n° 372; PT12.028152-170599/171057).
Faits :
A.
A.a. A.________ est courtier en valeurs financières.
La société X.________ Sàrl, désormais en liquidation (consid. 2.2 infra), s'est vouée statutairement au courtage financier. Son capital social est entièrement détenu par Y.________ LLC; cette société à responsabilité limitée sise aux Etats-Unis d'Amérique dispose d'une succursale à yyy (VD), dont les locaux servaient de siège à la société précitée.
A.b. Le 15 décembre 2007, X.________ Sàrl en qualité d'employeuse et A.________ en tant qu'employé ont signé un contrat de travail en vertu duquel celui-ci était engagé dès le 1 er janvier 2008 comme directeur responsable du département des actions.
Au chapitre de la rémunération, l'art. 3 a) du contrat rédigé en anglais prévoyait un « Fixed Draw » de 502'900 fr. par an, susceptible d'être réduit par l'employeuse moyennant certaines conditions (cf. au surplus consid. 3.2 infra). La forme écrite était nécessaire pour modifier le contrat, selon l'art. 18.2 des « Terms and conditions » intégrés au contrat.
L'employeuse a pris à bail un appartement de 9 pièces pour y loger l'employé et sa famille et en a assumé le loyer (9'950 fr. par mois), qu'elle payait directement à la bailleresse.
Elle a aussi pris en charge les frais du leasing contracté par l'employé sur une voiture de luxe (4'717 fr. 05 par mois) et versé 5'000 USD par an à titre de participation à ses primes d'assurance-maladie.
En outre, elle a obtenu de l'administration fiscale des arrangements pour l'employé - imposable à la source -, en ce sens que 85% de son salaire serait traité comme du revenu, soumis aux cotisations sociales et à l'impôt à la source, tandis que 15% du salaire serait considéré comme des frais de représentation forfaitaires. Il a également été convenu que la prise en charge par l'employeuse des frais de logement serait qualifiée à raison d'un tiers comme charge d'entreprise.
A.c. S'agissant de la prévoyance professionnelle, l'employé a initialement été affilié à la Caisse P1.________. Au 1er janvier 2010, le salaire annuel assuré était de 450'000 fr. et la cotisation annuelle totale (employeuse et employé) de 83'829 fr. 60.
A.d. A compter de 2009, les absences de l'employé et sa rentabilité ont été problématiques. Ses horaires et ses performances ont fait l'objet de discussions. Il a reçu plusieurs avertissements concernant ses heures de présence sur le lieu de travail.
Au mois d'août 2011, l'employeuse a proposé au travailleur de conclure un nouveau contrat de travail avec de nouvelles conditions de travail, ce que l'intéressé a refusé.
L'employeuse a transféré le compte de prévoyance professionnelle de l'employé auprès de l'institution P2.________, avec effet au 1er janvier 2011. Selon le certificat établi par celle-ci le 11 août 2011, le salaire annuel assuré n'était que de 59'160 fr. et la cotisation annuelle totale de 10'952 fr. 90.
Par courrier du 20 septembre 2011, l'employeuse a signifié à l'employé que l'art. 3 a) ii) du contrat de travail l'habilitait à réduire son salaire de base ( basic salary) de 502'900 fr. par an à 120'000 fr. par an; elle continuerait toutefois à verser le salaire courant ( current salary) jusqu'au 30 septembre 2011, date à laquelle elle examinerait les revenus générés.
Le 10 octobre 2011, un courrier rédigé à l'en-tête de Y.________ LLC, succursale de yyy, informait l'employé que son salaire annuel serait réduit à 120'000 fr. dès le 1er octobre 2011.
L'employé a vainement contesté cette décision.
A.e. Le 7 décembre 2011, l'employé a fait notifier à l'employeuse un commandement de payer portant sur la somme de 64'274 fr. 80, à titre de solde salarial pour les mois d'octobre et novembre 2011. La poursuivie a fait opposition.
A.f. Le 29 décembre 2011, l'employeuse a congédié l'employé pour le 6 avril 2012 en le libérant de l'obligation de travailler jusqu'à cette échéance. L'intéressé a dû restituer son badge donnant accès aux bureaux de l'employeuse.
Le même jour, le travailleur a résilié son contrat de travail pour le 31 mars 2012 en invoquant notamment la réduction de son salaire. L'employeuse a accepté cette résiliation en confirmant que le 31 mars 2012 constituait le dernier jour d'engagement, tout en rappelant que le travailleur était délié de l'obligation de travailler.
A.g. Dans la matinée du mardi 10 janvier 2012, l'employé est revenu sur son ancien lieu de travail au vu et au su d'autres collaborateurs, grâce au badge d'un collègue qui avait également été congédié. Ce dernier lui a envoyé à son adresse électronique privée une liste de clients de l'employeuse ainsi que des coordonnées de traders travaillant dans les principaux établissements bancaires et financiers. Ces données étaient pour l'essentiel accessibles sur des plateformes telles que Bloomberg et Linkedin, lesquelles nécessitent un abonnement, respectivement un compte. Le fait qu'elles étaient compilées dans un seul document conférait cependant un gain de temps; elles contenaient en outre des précisions supplémentaires.
Par courrier du 11 janvier 2012, l'employeuse a licencié l'employé avec effet immédiat en se référant à l'événement précité. Elle en a fait de même vis-à-vis du collègue qui avait fourni le badge.
L'intéressé a contesté le congé immédiat et a offert ses services. L'employeuse n'a pas réagi.
A.h. S'étant annoncé auprès de l'assurance-chômage, le travailleur a touché des indemnités de 8'572 fr. 80 nets pour la période du 12 janvier au 6 avril 2012.
A.i. Le bail contracté pour l'employé expirait le 31 mars 2012. L'épouse de l'employé n'a restitué les clés de l'appartement que le 24 avril 2012.
B.
B.a. Le 27 mars 2012, l'employé a saisi la Chambre patrimoniale du canton de Vaud d'une action dirigée contre X.________ Sàrl et contre Y.________ LLC, succursale de yyy [sic].
Les prétentions émises en dernier lieu par le demandeur étaient les suivantes:
1) Réduction injustifiée de son salaire entre octobre et décembre 2011:
- solde afférent au salaire de base: 81'950 fr. 40
- solde relatif aux frais de représentation
( Brokers rep. allowance) : 14'461 fr. 80
2) Frais professionnels divers :
leasing du véhicule, téléphone mobile,
essence et repas 21'744 fr. 00
3) Bonus 2008:
- délivrer 8'742 actions,
subsidiairement payer USD 64'601.30
- dividendes USD 22'029.85
bonus 2011
:
30'000 fr. 00
4) Dommage LPP
différence sur les cotisations employeur entre l'ancien régime et le nouveau régime
- année 2011: 36'358.00
- 1er trimestre 2012: 9'089.50
45'447 fr. 50
5) Licenciement immédiat injustifié :
- solde de salaire jusqu'au 6 avril 2012:
155'455 fr. 35
- indemnité pour frais d'assurance-maladie:
USD 1'250. 00
- vacances 2012: 17'625 fr. 50
- indemnité pour congé injustifié:
(art. 337c al. 3 CO) 310'910 fr. 70
L'employé a en outre requis la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer dans la poursuite en cours.
La Caisse cantonale de chômage a déposé une demande d'intervention contenant des conclusions en paiement de 8'572 fr. 80, soit l'équivalent des indemnités versées du 12 janvier au 6 avril 2012.
Les deux défenderesses ont conclu au rejet des demandes. Elles ont opposé en compensation des créances découlant du fait que l'employé avait restitué avec retard les clés de l'appartement mis à sa disposition et avait occasionné des frais de remise en état.
Une expertise financière a été mise en oeuvre.
Statuant le 27 décembre 2016, la Chambre patrimoniale vaudoise a partiellement admis les demandes.
En substance, elle a jugé que le demandeur avait été employé par X.________ Sàrl et par Y.________ LLC. La première avait signé le contrat de travail, édicté les « Terms and conditions » intégrés au contrat et envoyé les lettres de résiliation au demandeur. La seconde avait envoyé les bulletins de salaire et apparaissait comme employeuse sur le certificat de prévoyance professionnelle ainsi que sur les attestations de salaire destinées au fisc. Aussi devaient-elles répondre solidairement des dettes découlant du contrat de travail.
Concernant les prétentions du demandeur elle a statué comme il suit: (reprise de l'ordre énoncé ci-dessus)
1) Le travailleur ne pouvait émettre aucune prétention du fait de la réduction de salaire qui avait été valablement appliquée entre octobre et décembre 2011.
2) Il avait droit au remboursement de frais professionnels par 21'743 fr. 95.
3) Il n'avait aucune prétention au titre de bonus pour les années 2008 et 2011.
4) Le changement non consenti d'institution de prévoyance et la baisse du montant des cotisations LPP fondait une prétention de 36'438 fr. 35.
5) Le licenciement immédiat était injustifié.
Le travailleur avait droit au salaire (réduit) qu'il aurait touché jusqu'au 31 mars 2012, soit 26'640 fr. 20 bruts, sous déduction des cotisations sociales usuelles.
Il avait en outre droit à 1'250 USD pour la participation à ses frais d'assurance-maladie, ainsi qu'à 486 fr. 50 pour les vacances 2012 non prises.
Enfin, une indemnité de 16'455 fr. 65 devait lui être allouée au titre de l'art. 337c al. 3 CO.
Quant aux...

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