Arret Nº 4A 449/2019 Tribunal fédéral, 16-04-2020

Judgement Number4A 449/2019
Date16 avril 2020
Subject MatterDroit des contrats contrat de courtage, clause d'exclusivité, rémunération en cas de vilation; interprétation
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_449/2019
Arrêt du 16 avril 2020
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Kiss, Présidente, Hohl et Rüedi.
Greffier : M. Piaget.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me François Canonica,
recourant,
contre
Banque B.________,
représentée par Me Serge Fasel,
intimée.
Objet
contrat de courtage; clause d'exclusivité; rémunération en cas de violation; interprétation,
recours contre l'arrêt rendu le 25 juin 2019 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève (C/7362/2016 ACJC/1068/2019).
Faits :
A.
A.a. La Banque B.________ (ci-après: la banque, la demanderesse ou l'intimée), à Genève, dispose notamment d'un département dit " Corporate and Finance ", dont le but est de conseiller des dirigeants d'entreprises dans la conduite de leur projet stratégique de développement ou de transmission de leur entreprise.
A.________ (ci-après: le défendeur ou le recourant), citoyen français domicilié en France, est entré en relation avec la banque dans le but que celle-ci l'assiste et le conseille dans la vente de deux sociétés lui appartenant, soit C.________ SA, société de droit suisse, et C.________ SAS, société de droit français détenant C.________ Ltd. (Londres).
A.b. Par contrat du 6 juillet 2014 intitulé " Mandat d'assistance dans la vente des sociétés C.________ SA et C.________ SAS ", les parties sont convenues d'un mandat, subdivisé en quatre phases.
En ce qui concerne la rémunération de la banque, des honoraires forfaitaires de 25'000 fr., 20'000 fr. et 20'000 fr. sont prévus pour les trois premières phases du mandat. Ces montants sont dus quelle que soit l'issue de l'affaire, mais si le travail est interrompu en cours de projet (par exemple après la phase 1 ou 2), seuls les travaux réalisés seront facturés.
Pour la phase 4 " Négociations et conclusion de la transaction ", les parties ont prévu une commission de réussite de 4% du montant du contrat de vente qui sera conclu avec l'acheteur, mais au minimum 120'000 fr.
A.c. Les parties sont convenues à l'art. 6 de l'exclusivité du mandat dans les termes suivants:
" Le mandant accorde à B.________ Corporate Finance une exclusivité concernant l'assistance dans la vente des Sociétés. Par conséquent, vous nous informerez de tous les contacts déjà initiés ou établis, et les orienterez vers B.________ Corporate Finance afin d'assurer une conduite optimale du processus. "
En outre, selon l'art. 2 phase 2, " les éventuels contacts que [le mandant] pourrait avoir (de manière directe ou indirecte) avec des partenaires potentiels avant ou pendant le processus de vente seront intégrés et gérés selon la même approche ".
L'art. 4 prévoit une " commission de réussite " [...] " si la transaction est menée à bien ".
Enfin, l'art. 7 stipule:
" En cas de résiliation du mandat par le mandant, les honoraires forfaitaires et les frais encourus jusqu'à la date de résiliation seront exigibles.
De même, en cas de résiliation par le mandant sans faute du mandataire, celui-ci percevra néanmoins la commission de réussite prévue au chiffre 4 ci-dessus, pour une période de 24 mois, à titre de commission de courtage, dès lors que l'indication donnée ou la négociation et le travail accompli par le mandataire a contribué à la conclusion du contrat de cession avec un des acheteurs contacté de manière directe ou indirecte dans le cadre du mandat, même après la révocation du mandat. "
A.d. Une fois le contrat conclu, les parties se sont rencontrées à plusieurs reprises. La banque a élaboré un mémorandum d'information et de présentation des sociétés.
Le 13 janvier 2015, la banque a envoyé ce mémorandum au mandant, avec une lettre de " représentation ", la liste des investisseurs potentiels et le " Top i-L&S 2014 des ESN ", soit une publication recensant les sociétés iLogiciels & Services 2014 des Entreprises de Services Numériques figurant dans le " Top " des entreprises françaises du domaine. Le futur acteur, soit le groupe D.________ (ci-après: l'acheteur) n'est pas mentionné dans la liste des investisseurs potentiels établie par la banque, mais figure dans la publication du " Top " susmentionnée au xxxème rang sur 103 des ESN françaises.
La banque a pris contact avec certaines des entreprises identifiées comme potentiellement intéressées, notamment avec trois sociétés. Une de celles-ci a adressé une lettre d'intention à la banque proposant un montant de 5'500'000 fr. pour l'achat des sociétés du mandant, offre soumise à des nombreuses conditions. Le 30 avril 2015, le mandant a donné son accord pour un entretien avec les représentants de cette société.
A la date à laquelle cet entretien devait avoir lieu, soit le 7 mai 2015, le mandant a résilié avec effet immédiat le contrat qui le liait à la banque, invoquant des raisons personnelles et économiques.
A.e. Deux jours plus tôt, le 5 mai 2015, le mandant avait vendu ses sociétés au groupe D.________ pour les montants de 6'113'108 euros et 2'917'563 euros, soit au total 9'030'671 euros, ce qui a été annoncé par la presse le... 2015.
Cette vente a été réalisée par l'intermédiaire d'un courtier autre que la banque (i.e. E.________) avec lequel, selon ses déclarations, le mandant a été en relation depuis novembre 2014 et avec lequel il avait signé un contrat prévoyant une commission de 4%.
Le mandant a reconnu n'avoir pas communiqué à la banque que le groupe acheteur était intéressé à l'achat de ses sociétés, qu'il n'avait pas exclu cette société de la liste Top envoyée par la banque et qu'il a délibérément gardé le silence concernant les négociations entreprises par cet autre courtier avec l'acheteur.
A.f. La banque a réclamé au mandant une commission de réussite du montant de 400'000 fr. (calculée sur un prix de vente de 10'000'000 fr.). Le mandant s'y est opposé, invoquant l'absence de causalité entre l'activité déployée par la banque et la vente de ses sociétés.
A.g. Les parties sont en litige au sujet de l'interprétation de la clause d'exclusivité de l'art. 6 du contrat quant aux conséquences de la violation de cette clause. La banque soutient que la clause d'exclusivité lui donne droit à sa commission (de réussite) indépendamment du lien de causalité (i.e. par renonciation à ce lien) entre son activité et la conclusion du contrat; selon elle, elle y a également droit en vertu de l'art. 7 du contrat. Le mandant invoque notamment que la clause d'exclusivité n'implique aucune renonciation au lien de causalité.
B.
Le 8 avril 2016, la banque a introduit contre le mandant une action en paiement (non chiffrée) d'une commission de 4% sur le prix d'achat des sociétés C.________ par le groupe D.________, qu'elle a finalement chiffrée à 361'226,84 euros, subsidiairement à 392'075 fr.612, avec intérêts à 5% l'an dès le 5 mai 2015, ainsi qu'en paiement des honoraires forfaitaires de 20'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 5 mai 2015 pour la phase 3 du contrat du 6 juillet 2014. Son action était assortie d'une demande préalable en production de tous les documents propres à déterminer le montant de la vente.
Le mandant a conclu au rejet de la demande. Selon lui, la clause d'exclusivité ne lui interdisait pas d'agir lui-même, ni ne lui imposait d'informer la banque s'il était directement contacté par des tiers intéressés. Quant à la clause d'exclusivité, elle n'impliquait pas une renonciation au lien de causalité.
Par jugement du 30 août 2018, le tribunal de première instance a condamné le défendeur à payer à la banque demanderesse le montant de 10'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 5 février 2016, à titre de rémunération forfaitaire pour le travail effectué dans la phase 3.
Statuant sur appel de la banque et appel joint du mandant par arrêt du 25 juin 2019, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a réduit à 5'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 5 février 2016 le montant dû à titre de dite rémunération forfaitaire pour la phase 3 et condamné le défendeur à payer à la banque demanderesse le montant de 361'226 euros avec intérêts à 5% l'an dès le 5 février 2016, à titre de dommages-intérêts sur la base des art. 97 al. 1 et 98 al. 2 CO, qui correspondent à la commission de réussite que la banque aurait pu percevoir si la clause d'exclusivité et l'art. 2 du contrat n'avaient pas été violés. En bref, se basant sur les règles du contrat de courtage et la clause d'exclusivité de l'art. 6 du contrat, la cour cantonale a, dans un premier temps, considéré que le mandant avait violé cette clause, qui obligeait celui-ci à informer la banque non seulement des contacts déjà initiés au moment de la conclusion du contrat, mais également de ceux qu'il établirait par la suite; en effet, le mandant ne conteste pas qu'il a été en contact avec un autre courtier (E.________) et avec un acheteur (D.________) pendant la durée du contrat et qu'il n'en a pas informé la banque; il a délibérément gardé le silence sur ses contacts avec le second courtier. Puis, dans un deuxième temps, la cour cantonale a déterminé les conséquences de cette violation par interprétation de cet art. 6 du contrat. Ne parvenant pas à dégager la volonté réelle et commune des parties, ni à déterminer ce que le mandant devait comprendre de bonne foi de cet art. 6, elle a examiné si...

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