Arret Nº 4A 38/2018 Tribunal fédéral, 25-02-2019

Judgement Number4A 38/2018
Date25 février 2019
Subject MatterAssurance responsabilité civile responsabilité du propriétaire de l'ouvrage (art. 58 CO)
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_38/2018
Arrêt du 25 février 2019
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes les Juges fédérales
Kiss, Présidente, Hohl et Niquille.
Greffière : Mme Schmidt.
Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me Gloria Capt,
recourant,
contre
Hoirie de feu Z.________, soit:
1. A.Z.________,
2. B.Z.________,
3. C.Z.________,
4. D.Z.________,
tous les quatre représentés par Me Daniel Pache,
et
5. A.Z.________,
représentée par Me Didier Elsig,
intimés,
Objet
responsabilité du propriétaire de l'ouvrage (art. 58 CO),
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour d'appel civile, du 15 décembre 2017
(CO10.030755-162077, CO10.030755-170556, CO10.030755-170555; 589).
Faits :
A.
A.a. Le 6 octobre 2007, X.________ (ci-après: le demandeur), né le 28 mars 1930, et sa compagne U.________ ont été invités à prendre le repas de midi dans la propriété de Z.________ (ci-après: le défendeur), en présence de celui-ci et de sa compagne, A.Z.________ (ci-après: la défenderesse). Celle-ci est devenue par la suite l'épouse de Z.________.
A.b. La propriété comprend une villa et une dépendance. Celle-ci consiste en un petit pavillon éclairé par la lumière du jour, où sont entreposés des meubles, des antiquités et des outils. La clef de la dépendance se trouve en permanence " pendue à côté de la porte " de celle-ci.
A l'intérieur de la dépendance se trouve une trappe aménagée au niveau du sol, proche d'une porte-fenêtre, donnant accès à un vide sanitaire. Cette trappe était ouverte depuis quelques jours au moment des faits litigieux, afin d'éviter que l'humidité provenant du sous-sol ne déforme les éléments majoritairement en bois que renfermait la dépendance.
A.c. Lors du repas du 6 octobre 2007, Z.________ a parlé de la dépendance, mais sans proposer de la faire visiter, ni informer ses invités qu'il avait ouvert la trappe et l'avait laissée ouverte quelques jours auparavant.
Au terme du repas de midi, Z.________ est allé faire une sieste, tandis que A.Z.________ et les invités ont fait un tour dans le jardin de la propriété. Tous trois ont ensuite visité ensemble la dépendance, dont il est admis que le sol était, ce jour-là, encombré d'objets.
Lors de cette visite, X.________ a chuté dans la trappe laissée ouverte par Z.________. Il admet n'avoir pas vu cette trappe.
A.d. X.________, qui était âgé de 77 ans et demi au moment de l'accident, a passé les trois semaines qui ont suivi l'accident en milieu hospitalier, à des fins de réadaptation à la marche notamment. De retour à domicile, il a bénéficié jusqu'en décembre 2007 d'un encadrement quotidien par un centre médico-social. Il a ensuite suivi des séances de physiothérapie et effectué divers examens médicaux. Il est admis que l'accident du 6 octobre 2007 a eu un impact important sur son état physique et mental.
B.
B.a. Le 24 septembre 2010, X.________ a ouvert action contre Z.________ et A.Z.________ devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois, concluant à la réparation des dommages passés et futurs causés par l'accident pour un montant total de 760'890 fr. 75, intérêts en sus.
Z.________ est décédé le 16 juin 2014, de sorte que ses héritiers légaux - A.Z.________, B.Z.________, C.Z.________ et D.Z.________ - ont pris sa place au procès.
Par jugement du 27 juin 2016, la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois a partiellement admis la demande et condamné les défendeurs, solidairement entre eux, au paiement de 401'314 fr. 65, intérêts, frais judiciaires et dépens en sus. Sous l'angle de l'art. 58 CO, elle a retenu que la trappe est une source de danger lorsqu'elle est ouverte et qu'elle entraîne pour le propriétaire un devoir de sécurisation. Faute d'une quelconque protection pour les usagers, l'ouvrage est objectivement défectueux et Z.________ a, en sa qualité de propriétaire, violé son devoir de diligence. Sous l'angle de l'art. 41 CO, la trappe ouverte emporte création d'un état de fait dangereux constitutive d'un manquement blâmable à la diligence. Une faute ne peut toutefois être reprochée qu'à Z.________, à l'exclusion de A.Z.________.
B.b. Statuant le 15 décembre 2017, la Cour d'appel civile a admis l'appel des défendeurs, rejeté l'appel joint du demandeur et, réformant le jugement de première instance, a rejeté la demande.
En résumé, examinant l'applicabilité de l'art. 58 CO au cas d'espèce, la cour cantonale a estimé que la visite de la dépendance présentait un caractère insolite et imprévisible et qu'aucun défaut d'entretien, en raison de l'absence de mesures de sécurité, ne pouvait être retenu, compte tenu du fait que l'usage de ce local-dépôt était destiné au propriétaire seul. Examinant l'applicabilité de l'art. 41 CO, elle a retenu qu'aucune faute ne pouvait être imputée à Z.________ pour n'avoir pas pris les mesures de sécurité que l'on pouvait raisonnablement attendre de lui, dans la mesure où la dépendance n'était pas destinée à recevoir des tiers hors de sa présence. Aucun acte illicite ni aucune faute ne pouvaient être retenus contre A.Z.________, puisqu'elle n'avait pas ouvert la trappe et n'avait aucune raison concrète de tenir l'hypothèse de l'ouverture de la trappe pour vraisemblable. A.Z.________ n'avait d'ailleurs aucune position de garant du fait de sa qualité de compagne du propriétaire des lieux.
C.
Contre cet arrêt, le demandeur a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Il conclut en substance à la réforme de l'arrêt en ce sens que l'appel des défendeurs soit rejeté, que son appel joint soit admis, que les défendeurs soient condamnés, solidairement entre eux, à lui payer les montants de 25'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 6 octobre 2007, 6'593 fr. 65 avec intérêts à 5% l'an dès le 31 mars 2009, 9'763 fr. 05 avec intérêts à 5% l'an dès le 28 juin 2010, 230'943 fr. 90 avec intérêts à 5% l'an dès le 31 mars 2012 et 141'454 fr. 80 avec intérêts à 5% l'an dès le 1er juillet 2016. Il se plaint de faits établis de manière manifestement inexacte au sens de l'art. 97 LTF et en violation du droit de procédure au sens de l'art. 95 LTF, ainsi que de violation des art. 58 et 41 CO. Il requiert le bénéfice de l'assistance judiciaire et la désignation de son mandataire comme avocat d'office.
Par ordonnance du 5 mars 2018, l'autorité de céans a octroyé l'effet suspensif au recours, les intimés ne s'y étant pas opposés.
Par ordonnance du 26 juillet 2018, l'assistance judiciaire a été accordée au recourant et Me Gloria Capt lui a été désignée comme avocate d'office.
Les hoirs de feu Z.________ ont conclu au rejet du recours.
A.Z.________ a conclu au rejet du recours dans la mesure où il est recevable.
La cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt.
Considérant en droit :
1.
Interjeté en temps utile compte tenu des féries judiciaires (art. 100 al. 1 et 46 al. 1 let. c LTF) contre une décision finale (art. 90 LTF), prise sur appel par le tribunal supérieur du canton de Vaud (art. 75 LTF), dans une affaire relative à la responsabilité civile d'un propriétaire d'ouvrage selon l'art. 58 CO et la responsabilité pour actes illicites selon l'art. 41 CO (cf. art. 72 al. 1 LTF), dont la valeur litigieuse est supérieure à 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est recevable.
2.
Sous réserve de la violation des droits constitutionnels (art. 106 al. 2 LTF), le Tribunal fédéral applique d'office le droit (art. 106 al. 1 LTF), à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal ou, cas échéant, à l'état de fait qu'il aura rectifié (art. 97 al. 1, 105 al. 2 LTF). Il n'est pas limité par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut donc admettre un recours pour d'autres motifs que ceux qui ont été articulés ou, à l'inverse, rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 135 III 397 consid. 1.4 et l'arrêt cité).
3.
Aux termes de l'art. 58 al. 1 CO, le propriétaire d'un bâtiment ou de tout autre ouvrage répond du dommage causé par des vices de construction ou par le défaut d'entretien.
3.1. Cette disposition institue une responsabilité objective simple, laquelle ne repose pas, contrairement à d'autres normes de ce type, sur la violation objective du devoir de diligence du propriétaire, mais sur le seul état défectueux de l'ouvrage; le propriétaire répond indépendamment de la question de savoir si lui ou un de ses auxiliaires a commis une violation de son devoir de diligence, donc également pour cas fortuit ( Zustandshaftung; ATF 69 II 394 consid. 3 p. 398 s.; 111 II 429 consid. 3b; cf. Rey/Wildhaber, Ausservertragliches Haftpflichtrecht, 5e éd. 2018, n. 1043 et 1049; Fellmann/Kottmann, Schweizerisches Haftpflichtrecht, 2012, T. I, n. 666-667, 896 et 944; Roland Brehm, Berner Kommentar, 4e éd. 2013, n. 92 ad art. 58 CO; contra : Franz Werro, La responsabilité civile, 3e éd. 2017, n. 756; idem, Commentaire romand, 2e éd. 2012, n. 16 ad art. 58 CO). L'art. 58 al. 1 CO présuppose la réalisation de cinq conditions: (1) un propriétaire d'ouvrage; (2) un ouvrage; (3) un défaut de l'ouvrage; (4) un dommage; et (5) un lien de causalité naturelle et...

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