Arret Nº 4A 344/2018 Tribunal fédéral, 27-02-2019

Judgement Number4A 344/2018
Date27 février 2019
Subject MatterDroit des contrats contrat de travail rémunération, remise de dette (art. 115 CO), prescription pénale (art. 60 al. 2 CO), compensation d'une créance prescrite (art. 120 al. 3 CO)
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_344/2018, 4A_346/2018
Arrêt du 27 février 2019
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes les Juges fédérales
Kiss, Présidente, Hohl et Niquille.
Greffier : M. Piaget.
Participants à la procédure
4A_344/2018
A.________,
représenté par Me Romain Jordan et Me Annette Micucci,
recourant,
contre
B.________ SA,
représentée par Me Bénédict Fontanet et Me Malek Adjadj,
intimée.
et
4A_346/2018
B.________ SA,
représentée par Me Bénédict Fontanet et Me Malek Adjadj,
recourante,
contre
A.________,
représenté par Me Romain Jordan et Me Annette Micucci,
intimé.
Objet
contrat de travail, rémunération, remise de dette (art. 115 CO), prescription pénale (art. 60 al. 2 CO), compensation d'une créance prescrite (art. 120 al. 3 CO),
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre des prud'hommes, du 3 mai 2018 (C/26719/2014-5, CAPH/61/2018).
Faits :
A.
A.a. Par convention écrite du 3 juin 2001, B.________ SA (ci-après : B.________ ou l'employeuse), société avec siège à Genève ayant pour but d'assurer le fonctionnement d'une clinique accidents avec service d'urgence, a engagé A.________ (ci-après également : l'employé) en qualité de médecin psychiatre salarié, à compter du 15 août 2001.
S.M.________ et son épouse, K.M.________, sont administrateurs de B.________.
La convention du 3 juin 2001 a été signée par le directeur de la société, N.________, d'une part, et A.________, d'autre part. Elle prévoyait que celui-ci devait enregistrer ses prestations dans le système informatique de B.________ sur la base des tarifs en vigueur à Genève. Les notes d'honoraires étaient établies au nom de la société par son service de facturation et tout autre mode de facturation était interdit. Il était prévu que A.________ perçoive un pourcentage déterminé de ses prestations médicales encaissées, payable à chaque fin de mois sur la base du décompte du mois précédent. L'employé recevait 60% du chiffre d'affaires annuel (qu'il réalisait lui-même) jusqu'à la limite de 200'000 fr. de chiffre d'affaires, puis 80% pour la part du chiffre d'affaires dépassant cette limite. B.________ déduisait en outre du salaire de son employé les charges liées à son activité dépendante (arrêt entrepris p. 5).
Il a été retenu que les parties sont ensuite convenues depuis le 1er janvier 2004 d'un pourcentage unique, l'employé percevant 60% du chiffre d'affaires, peu importe l'importance de celui-ci. La date de l'entrée en vigueur de cette modification contractuelle est encore litigieuse.
A.b. L'employé a perçu sa première rémunération en 2002 (la société ayant besoin de temps pour encaisser les factures).
Les 30 octobre et 22 décembre 2003, l'employé a reçu un décompte portant sur sa rémunération pour les années 2002 et 2003. Les documents distinguent tous deux les montants correspondant à la part de 60%, et ceux visant la part de 80%. Le directeur N.________ a apposé ses initiales (...) sur les deux décomptes.
En juin 2004, N.________ a été remplacé par O.________. Celui-ci a quitté ses fonctions à la fin du mois de juin 2007, puis il a repris son poste de directeur au mois de juillet 2013.
A.c. En raison de problèmes de trésorerie, B.________ n'a pas versé à l'employé l'intégralité de sa rémunération pendant plusieurs années.
Entre 2004 et 2009, divers décomptes et tableaux récapitulatifs ont été établis et discutés par les parties, afin de déterminer les montants qui étaient encore dus à l'employé.
En mai 2009, une rencontre a eu lieu entre l'employé et des représentants de B.________. L'employé a évoqué ses arriérés de salaire, mais aucun accord n'a pu être trouvé. Par la suite, la société a constitué une provision comptable estimée à 450'000 fr.
Le 10 juillet 2009, l'employé, par son conseil, a invité B.________ à lui payer le solde de ses salaires.
Le 30 juillet 2009, la société employeuse a reconnu devoir de l'argent à son employé. Elle a souhaité trouver une solution à l'amiable.
Le 25 août 2009, la société a indiqué avoir encaissé un chiffre d'affaires réalisé par l'employé de 6'148'454 fr.69 pour la période du 1er novembre 2001 au 31 juillet 2009, sur la base duquel elle évaluait sa rémunération à 3'689'072 fr.81 brut. Compte tenu des versements déjà opérés et du paiement de factures personnelles de l'employé, elle reconnaissait lui devoir un solde de 60'608 fr.18.
A.________ a alors sollicité de son employeuse tous les documents comptables à sa disposition qui permettaient de déterminer le montant de sa rétribution. Il a initié une poursuite contre elle pour le montant de 800'000 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 10 juillet 2009.
A.d. Le 13 octobre 2009, l'employeuse a suspendu son employé de toutes ses activités avec effet immédiat, au motif qu'il entretenait, depuis 2006, une relation intime avec une de ses patientes.
Le 15 octobre 2009, l'employeuse a confirmé à l'employé son licenciement avec effet immédiat pour justes motifs, eu égard à la gravité de ses agissements. L'employé ne s'est pas opposé à son licenciement.
A.________ s'est vu retirer, par l'autorité cantonale compétente, son autorisation de pratiquer pour une période de deux ans.
A.e. Entre le 16 octobre 2009 et le 6 août 2014, les parties ont tenté de se mettre d'accord quant aux affaires personnelles qui devaient encore être récupérées par l'employé.
Par courrier du 14 juin 2012, l'employé a mis en demeure la société employeuse de lui verser la somme de 800'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 10 juillet 2009 et de lui restituer ses affaires. Par courrier du 2 novembre 2012, il a sollicité son dossier, l'intégralité des chiffres d'affaires audités et certifiés conformes par l'organe de révision, qu'il avait réalisés du 15 août 2001 au 15 octobre 2009, ainsi que les comptes de pertes et profits de la société pour la même période.
Le 5 novembre 2012, l'employeuse lui a rétorqué avoir toujours contesté ses prétentions.
A.f. Le 15 mars 2013, l'employé a fait notifier à la société un commandement de payer pour le montant de 1'500'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 10 juillet 2009, auquel celle-ci a fait opposition. Le 17 mars 2014, il a fait renouveler le commandement de payer.
Il résulte des copies des carnets remplis par l'employé au cours de la relation contractuelle (et produits par l'employeuse) que celui-là a perçu directement de certains patients des rémunérations en espèces, en sus du tarif en vigueur à Genève, et non facturés par la société.
Le 10 juillet 2015, B.________ a déposé une plainte pénale contre l'employé pour abus de confiance, voire escroquerie.
Le 13 juillet 2015 et le 30 novembre 2015, l'employé a déposé plainte pénale à l'encontre de B.________ pour vol, voire appropriation illégitime de ses biens personnels et pour tentative de contrainte, dénonciation calomnieuse et escroquerie au procès.
B.
B.a. L'employé a ouvert action le 22 décembre 2014. La conciliation ayant échoué, il a conclu, devant le Tribunal des prud'hommes de Genève, à ce que l'employeuse soit condamnée à lui payer le montant de 1'439'593 fr.35, plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 10 juillet 2009, à titre de solde de salaire, sous déduction des charges légales et conventionnelles. Il a également conclu au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée contre le commandement de payer correspondant et à la restitution d'objets personnels précisément listés.
Dans sa réponse du 14 juillet 2015, la défenderesse a requis diverses pièces et conclu au déboutement du demandeur de l'ensemble de ses conclusions. Reconventionnellement, elle a conclu à ce que le demandeur soit condamné à lui verser le montant total de 1'816'845 fr.10, soit la somme des paiements indûment encaissés par le demandeur entre 2001 et 2009 (9 montants chiffrés par la défenderesse et portant intérêts à partir de dates différentes) à laquelle devait s'ajouter une indemnité due selon l'art. 337b CO, des dommages-intérêts et le remboursement des frais d'avocat avant procès.
Le demandeur a conclu au rejet de la demande reconventionnelle.
B.b. Par jugement du 6 avril 2017, le Tribunal des prud'hommes s'est prononcé de la manière suivante:
- (ch. 1 du dispositif) La défenderesse est condamnée à payer au demandeur la somme de 323'726 fr.50 brut (solde de salaire), avec intérêts à 5% l'an dès le 16 octobre 2009. Pour calculer ce montant, les premiers juges se sont fondés sur le pourcentage (unique) de 60% (part destinée à l'employé), considérant que les parties avaient, d'un commun accord, modifié les conditions contractuelles initiales (60% jusqu'à 200'000 fr. de chiffre d'affaires et 80% pour la part dépassant cette limite) et appliqué, dès le début de la relation contractuelle (2001), un taux de rémunération unique de 60%.
Du montant de 323'726 fr.50 brut, le Tribunal des prud'hommes a déduit la somme nette de 122'530 fr.90, soit la créance de l'employeuse correspondant aux montants encaissés indûment par l'employé entre le 15 août 2001 et le 14 juillet 2005. Ces prétentions de la défenderesse (antérieures au 14 juillet 2005) étaient prescrites (art. 127 CO), mais le montant de 122'530 fr.90 pouvait toutefois être opposé en compensation à la créance (principale) du demandeur portant sur le solde de son salaire (art. 120 al. 3 CO). Le montant de 122'530 fr.90, en tant que créance compensante, ne porte pas intérêts.
- (ch. 2) La partie qui en avait la charge est invitée à opérer les déductions sociales et légales usuelles (ch. 2).
- (ch. 3) Le demandeur est condamné à verser à la défenderesse les sommes nettes de 14'338 fr.75 avec intérêts à 5% l'an dès le 1er janvier 2006, 36'096 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er janvier 2007, 33'140 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er janvier 2008, 29'960 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le...

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