Arret Nº 4A 295/2020 Tribunal fédéral, 28-12-2020

Judgement Number4A 295/2020
Date28 décembre 2020
Subject MatterDroit des contrats contrat de travail; prescription,
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_295/2020
Arrêt du 28 décembre 2020
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Kiss, présidente, Hohl, Niquille, Rüedi et May Canellas.
Greffière: Mme Raetz.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Mes Vanessa Maraia-Rossel et Alexandre Steiner,
recourante,
contre
B.________,
représenté par Me Eva Stormann,
intimé.
Objet
contrat de travail; prescription,
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 28 avril 2020 par la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève (C/29611/2017-3; CAPH/88/2020).
Faits :
A.
A.a. A.________ est une société dont le siège se situe sur l'Ile de Man. Depuis 2000, elle dispose d'une succursale dans le canton de Genève. Dès 2015, celle-ci est inscrite au Registre du commerce sous la dénomination A1.________, succursale T.________.
A.b. A.________ a engagé B.________ (ci-après: l'employé) comme human resources organisational development manager affecté au Nigéria, à compter du 7 janvier 2007. Les rapports de travail ont été résiliés pour le 31 août 2011.
A.c. Sur réquisition de poursuite formée le 26 août 2016 par l'employé, un commandement de payer a été notifié à A.________, au siège de sa succursale à Genève, pour les montants bruts de 289'796 fr. et 25'972 fr. 80 avec intérêts, au titre de créances émanant du contrat de travail; la première était liée à une indemnité de départ dite " Garantie zzz ", la seconde correspondait au bonus pour l'année 2011 au prorata. Il était également mentionné que les créances concernaient les affaires de la succursale et que la poursuite était fondée sur l'art. 50 al. 1 LP.
A.________ y a fait opposition.
B.
B.a. Après l'échec de la tentative de conciliation requise le 13 décembre 2017, l'employé a saisi, le 4 juin 2018, le Tribunal des prud'hommes du canton de Genève d'une demande contre " A1.________, ayant une succursale à Genève ", en vue d'obtenir le paiement des sommes précitées et la rectification de son certificat de travail.
Sur requête de A.________, le tribunal a, par ordonnance du 26 octobre 2018, limité la procédure à la question de la prescription des prétentions formées par l'employé.
A.________ a déposé une réponse le 20 novembre 2018, en lien avec cette question, accompagnée d'un bordereau de pièces dans lequel ne figurait pas la pièce n° 24, intitulée " courrier d'opposition totale au commandement de payer ". L'employé a déposé une réplique le 30 janvier 2019, également limitée à la problématique de la prescription.
A.________ a sollicité un délai pour se prononcer sur l'écriture de la partie adverse. Le tribunal a rejeté cette requête par ordonnance du 25 février 2019.
Par avis du 1er mars 2019, le tribunal a informé les parties qu'il allait prochainement délibérer sur la question de la prescription.
Dans une écriture spontanée du 4 mars 2019, A.________ s'est déterminée sur la réplique de l'employé, en produisant un nouveau bordereau de pièces.
Le 11 mars 2019, l'employé a demandé au tribunal de déclarer irrecevables les observations déposées le 4 mars 2019 par la partie adverse. Il a formulé des allégations en lien avec la pièce n° 24 précitée, qu'il a déposée, avec d'autres pièces y relatives.
Le 20 mars 2019, A.________ a conclu à la recevabilité de ses écritures du 4 mars 2019.
Des pièces produites par les parties résultent notamment les éléments suivants:
- le contrat de travail établi à Genève mentionne A.________ et son siège à..., Ile de Man, en qualité d'employeuse; il contient une clause d'élection de for en faveur des tribunaux genevois et d'élection du droit suisse; il réserve le droit de requérir de l'employé qu'il travaille pour une société affiliée ou une succursale en Suisse ou en dehors de la Suisse;
- divers courriers échangés par les parties lors de la conclusion puis de la rupture de leurs relations contractuelles, établis sur papier à l'en-tête de A.________, font mention de l'adresse de la succursale à Genève et sont signés par un membre de la direction de la succursale;
- de janvier 2007 à mars 2008, les fiches de salaire de l'employé ont été établies par la succursale genevoise;
- le contrat de travail d'un salarié de la succursale genevoise mentionne " A.________ Geneva Branch " en qualité d'employeuse.
Par décision incidente du 13 août 2019, le tribunal a notamment rectifié la qualité de la partie défenderesse en " A1.________, prise dans sa succursale de Genève " (chiffre 2 du dispositif). Il a déclaré irrecevables les déterminations et les pièces déposées par les parties les 4 et 11 mars 2019 (chiffre 3). Il a constaté que la demande formée le 4 juin 2018 par l'employé avait valablement interrompu la prescription des prétentions contenues dans cette demande (chiffre 5).
En substance, le tribunal a retenu que la prétention en paiement d'un bonus pour l'année 2011 avait un lien avec l'activité de la succursale de Genève. Il existait donc un for de poursuite en Suisse, fondé sur l'art. 50 al. 1 LP. Dès lors, l'employé avait valablement interrompu la prescription en formant une réquisition de poursuite le 26 août 2016 à l'encontre de A.________, au siège de sa succursale de Genève.
B.b. A.________ a interjeté appel contre cette décision auprès de la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève. Elle a conclu à l'annulation du chiffre 2, du chiffre 3 - en tant que ses déterminations du 4 mars 2019 et les pièces y relatives étaient déclarées irrecevables - et du chiffre 5 du dispositif. Elle a demandé à la Cour de justice de rectifier sa raison sociale et de constater que les prétentions de l'employé à son encontre étaient prescrites. Dans sa réponse, l'employé a conclu à la confirmation de la décision attaquée.
Statuant le 28 avril 2020, la Cour de justice a modifié le chiffre 2 du dispositif de la décision incidente, en rectifiant la raison sociale de la partie défenderesse en " A.________, sise..., Ile de Man, ayant une succursale à Genève, c/o X.________ ". Elle a annulé l'entier du chiffre 3 du dispositif de la décision incidente et confirmé cette dernière pour le surplus.
La Cour de justice a retenu que les parties avaient exercé leur droit d'être entendues par leurs écritures des 4 et 11 mars 2019, de sorte que ces dernières étaient recevables. S'agissant de la problématique relative au for de poursuite, la Cour de justice a relevé que de nombreux éléments ressortant du dossier (par exemple, la clause d'élection de for et de droit suisse) permettaient de considérer que les créances qu'avait fait valoir l'employé par la réquisition de poursuite étaient en lien avec l'activité de la succursale genevoise. La Cour de justice a expressément renoncé à trancher la question du for de la poursuite, en expliquant que A.________ avait été atteinte, de sorte que la réquisition de poursuite avait en tout état de cause interrompu la prescription. Dès lors, les prétentions en paiement n'étaient pas encore prescrites lorsque l'employé avait engagé la procédure. Il en allait de même s'agissant de celle en rectification du certificat de travail, soumise à un délai de prescription de dix ans dès la fin des rapports de travail.
C.
A.________ (ci-après: la recourante) a formé un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Elle a conclu à la réforme de l'arrêt attaqué dans le sens qu'il soit d'une part constaté que les écritures et les pièces déposées le 11 mars 2019 par l'employé (ci-après: l'intimé) sont irrecevables, et d'autre part que les prétentions en paiement et en rectification du certificat de travail formées par l'intimé sont prescrites. Sur ce second point, elle a conclu, subsidiairement, au renvoi de la cause à l'autorité inférieure pour nouvelle décision au sens des considérants.
L'intimé a conclu principalement à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.
La cour cantonale s'est référée à son arrêt.
Les parties ont spontanément déposé une réplique et une duplique, dans lesquelles elles ont maintenu leurs conclusions respectives.
Considérant en droit :
1.
1.1. L'arrêt attaqué rejette le moyen tiré de la prescription. Il constitue une décision incidente, de sorte que le recours au Tribunal fédéral n'est recevable que dans les conditions posées par l'art. 93 al. 1 LTF.
1.2. Selon l'art. 93 al. 1 let. b LTF, une telle décision peut être attaquée si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale permettant d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.
La jurisprudence exige que la partie recourante établisse, si cela n'est pas manifeste, qu'une décision finale immédiate permettrait d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse; cette partie doit indiquer de manière détaillée, en particulier, quelles questions de fait sont encore litigieuses et quelles preuves, déjà offertes ou requises, doivent encore être administrées, et en quoi celles-ci entraîneraient une procédure probatoire longue et coûteuse (ATF 134 II 137 consid. 1.3.3; 133 III 629 consid. 2.4.2; voir également ATF 142 V 26 consid. 1.2). Tout complément d'instruction entraîne nécessairement des frais et un prolongement de la procédure; cela ne suffit pas pour ouvrir le recours immédiat. Pour que la condition légale soit remplie, il faut que la procédure probatoire, par sa durée et son coût, s'écarte notablement des procès habituels. Si l'administration des preuves doit se limiter à entendre les parties, à leur permettre de produire des pièces et à procéder à l'interrogatoire de quelques témoins, un recours immédiat n'est pas justifié. Il en va différemment s'il faut envisager une expertise complexe, plusieurs expertises, l'audition de très nombreux témoins ou l'envoi de commissions rogatoires dans des pays lointains (arrêts 4A_441/2020 du...

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