Arret Nº 4A 100/2019 Tribunal fédéral, 24-02-2020

Judgement Number4A 100/2019
Date24 février 2020
Subject MatterDroit des contrats contrat de travail; licenciement immédiat
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_100/2019
Arrêt du 24 février 2020
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes les Juges fédérales
Kiss, Présidente, Hohl et May Canellas.
Greffière : Mme Godat Zimmermann.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Michael Anders,
recourant,
contre
Hôpital B.________,
représenté par Me Marc Hochmann Favre,
intimé.
Objet
contrat de travail; licenciement immédiat,
recours contre l'arrêt rendu le 23 janvier 2019 par la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève (C/11644/2016-5, CAPH/24/2019).
Faits :
A.
A.________, titulaire d'un diplôme fédéral de médecin délivré le 13 octobre 2014, a été engagé par l'hôpital B.________ (ci-après: l'employeur) en qualité de médecin interne remplaçant, puis de médecin interne. A deux contrats de durée déterminée respectivement datés du 3 février et du 29 mai 2015, a succédé un troisième contrat signé le 18 octobre 2015. L'employé était engagé en qualité de médecin interne au département des neurosciences cliniques, service ORL et chirurgie cervico-faciale pour la période du 1 er novembre 2015 au 31 octobre 2016. Son salaire annuel brut était de 105'938 fr. pour une durée hebdomadaire de travail de 50 heures en moyenne; son droit aux vacances totalisait 25 jours ouvrables par année.
Selon son cahier des charges, A.________ était notamment responsable, sous la supervision de sa hiérarchie directe, des actes médicaux relevant de son service; il lui appartenait de pratiquer les actes médicaux conformément aux règles éthiques de la profession et aux pratiques médicales reconnues, de transmettre en temps utile des décisions médicales et toute information nécessaire à l'équipe soignante ainsi qu'aux autres partenaires de soins et de participer au système de gardes ou de piquets ainsi qu'au rapport de garde.
A deux reprises, l'employé est arrivé tardivement au bloc opératoire (cinq minutes, respectivement un quart d'heure).
Le 26 novembre 2015, il a participé à une opération chirurgicale sur un enfant. Le chirurgien lui a demandé de résumer la situation, sachant qu'il avait le dossier médical du patient en mains. L'employé a répondu qu'il s'agissait de lui poser un drain transtympanique aux deux oreilles. Cette information erronée, à laquelle le chirurgien s'est fié, a eu pour conséquence un geste chirurgical sur la seconde oreille, qui était saine.
Le 30 novembre 2015, après avoir pratiqué une amygdalectomie sur un autre enfant, l'employé a constaté qu'il présentait un caillot de sang, ce qu'il a noté dans les "notes de suite" en précisant que son état devait être réévalué vers 22h00. Le chef de clinique lui a indiqué qu'il se chargeait d'aviser la responsable de l'unité ORL pédiatrique, C.________, de l'état de ce patient. L'employé a ensuite pris son jour de congé. Le lendemain, alors qu'il était en congé, il a téléphoné à l'hôpital B.________ pour s'assurer de la prise en charge de ce patient. C.________ n'a toutefois pas été avertie immédiatement de la situation, ce qu'elle a reproché à l'employé. Selon elle, il aurait dû laisser des consignes pour l'équipe du lendemain avant de prendre son jour de congé; il n'avait pas réalisé la gravité de la situation ni pris ses responsabilités pour une prise en charge adéquate du patient, ce qui était grave.
Le 21 décembre 2015, l'employé a opéré seul un enfant de 17 mois d'une adénoïdectomie avec pose de drains transtympaniques des deux côtés. Cette intervention a duré "anormalement longtemps" selon le médecin responsable de l'anesthésie pédiatrique, D.________, qui a eu des difficultés à ventiler le patient. Selon ce dernier médecin, l'employé aurait dû appeler un "médecin cadre", ce dont il a lui-même pris l'initiative.
Lors d'un entretien qui s'est tenu le 14 janvier 2016, le chef du service ORL, E.________, a reproché à l'employé son manque de fiabilité au point de considérer qu'il n'était plus possible de poursuivre la collaboration; il lui a imposé de choisir entre la démission ou le licenciement. L'employé a répondu qu'il voulait terminer son année de formation pour la valider, proposition à laquelle le chef de service a adhéré en affectant l'employé à l'unité d'otologie pour qu'il ne pratique plus d'actes chirurgicaux. En raison du sous-effectif du personnel, le chef de service a demandé à l'employé de continuer à faire du travail de nuit en lui demandant expressément de prendre contact avec le chef de clinique de garde au moindre problème. Au terme de cet entretien, E.________ a indiqué à l'employé qu'il souhaitait continuer cette discussion dix ou quinze jours plus tard. Une nouvelle entrevue n'a toutefois pas eu lieu à cette échéance.
Le 13 mars 2016, A.________ a assisté à une tonsillectomie pratiquée en urgence sur un enfant de trois ans par le responsable de l'unité de chirurgie cervico-faciale, F.________. De garde durant la nuit suivante, il a reçu un appel de l'infirmière en pédiatrie à 5h45 l'avisant que l'enfant avait vomi à trois reprises du "sang digéré" entre 4h00 et 5h00. L'employé a demandé à l'infirmière de laisser l'enfant à jeun et de lui mettre de la glace sur le cou. Il a estimé que la régurgitation de sang digéré, et non de "sang frais", n'était pas une situation d'urgence et a ausculté l'enfant à 7h00. Il a alors constaté que sa respiration était bien encombrée et qu'il avait du sang séché dans l'oropharynx. Le patient ne présentait pas de caillot, mais un discret oedème de la luette et d'une partie de la langue. Il a demandé que l'enfant soit placé sous perfusion. Il n'a pas prévenu son supérieur car il estimait que ce cas ne faisait naître "aucun doute", que la relève de la garde était imminente et qu'il entendait présenter cette situation au colloque de 7h45. Lors de ce colloque, il lui a été reproché de ne pas s'être rendu immédiatement au chevet de l'enfant, à 5h45.
Le risque de mortalité par hémorragie de la tonsillectomie - que ce soit par perte de sang ou par la brocho-aspiration d'une quantité massive de sang, en particulier chez les enfants - avait été abordé au moins deux fois par mois aux colloques du matin, lors desquels les cadres et les internes étaient présents. Les médecins y étaient d'autant plus sensibles qu'ils avaient eu affaire à un cas dramatique en 2003, à l'origine d'une publication destinée à donner l'alerte. C'était notamment pour pallier ce risque qu'un médecin ORL était de garde durant la nuit.
Par ailleurs, le chef de service ORL, E.________, avait répété à de nombreuses reprises à son équipe et à l'employé que "les consultations par téléphone étaient interdites, que si un médecin recevait un appel de l'extérieur, il devait dire au patient de venir à l'hôpital B.________ et s'il recevait un appel de l'intérieur, le médecin ORL devait impérativement se déplacer".
L'après-midi du 14 mars 2016, le chef du service ORL a avisé l'employé par téléphone de son licenciement avec effet immédiat pour avoir commis une faute grave le même jour. Un courrier recommandé du 15 mars 2016 a confirmé le congé avec effet à compter de cette date.
L'employé a demandé la motivation écrite de cette décision et s'est opposé à son licenciement.
Par courrier du 29 mars 2016, l'employeur a expliqué sa décision par une "suite d'événements qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques " pour les patients et qui était le "fruit d'erreurs et d'une négligence graves " de l'employé, ajoutant que "le dernier en date était d'une gravité (telle) qu'il ne (leur) avait pas été possible de poursuivre les rapports de travail".
B.
Après l'échec de la conciliation, A.________ a, par demande du 25 octobre 2016, ouvert action contre l'hôpital B.________ en...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT