Arret Nº 1C 598/2019 Tribunal fédéral, 19-06-2020

Judgement Number1C 598/2019
Date19 juin 2020
Subject MatterAménagement du territoire et droit public des constructions Autorisation de construire; résidences secondaires
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_598/2019
Arrêt du 19 juin 2020
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Chaix, Président,
Haag et Müller.
Greffier : M. Alvarez.
Participants à la procédure
Helvetia Nostra,
représentée par Me Pierre Chiffelle, avocat,
recourante,
contre
1. A.________,
2. B.B.________et C.B.________,
tous les trois représentés par
Me Charles-André Bagnoud, avocat,
intimés,
Commune de Crans-Montana,
représentée par Me Laurent Schmidt, avocat.
Objet
Autorisation de construire; résidences secondaires,
recours contre l'arrêt de la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais, du 9 octobre 2019 (A1 18 12).
Faits :
A.
Les parcelles attenantes n os 511 et 512, plan n º 9, du cadastre de l'ancienne Commune de Chermignon se situent au lieu-dit "Crèhavouetta", en bordure de la route du même nom, dans un secteur localisé au sud de la station de Crans-Montana. Ensemble, ces biens-fonds présentent une surface de quelque 3'300 m². Ils sont classés en zone constructible 1B (zone de l'ordre dispersé - densité 0.30), au sens de l'art. 33.1 du règlement intercommunal sur les constructions (RIC), approuvé le 6 juillet 1994 par le Conseil d'Etat du canton du Valais.
A la fin de l'année 2012, A.________ et les époux C.B.________ et B.B.________ ont déposé une demande d'autorisation pour la construction de deux chalets résidentiels sur les parcelles précitées, avec route d'accès, garage souterrain de huit places, ainsi que quatre places de stationnement non couvertes. Les deux chalets sont similaires et présentent chacun une surface de 483.5 m² de surface habitable sur trois niveaux (hormis le sous-sol), soit un rez-de-jardin (deux chambres, salles de bain et piscine intérieure avec jacuzzi), un étage (salon, cuisine, une chambre avec salle de bain) et les combles (une chambre avec salle de bain et une autre avec coin salon, dressing et salle de bain). L'ensemble du projet était devisé à environ 3,7 mio de francs.
Le 1er février 2013, en cours d'enquête publique, l'association Helvetia Nostra s'est opposée au projet, faisant valoir la violation de l'art. 75b Cst., qui interdit la construction de résidences secondaires dans les communes en comptant plus de 20 % sur leur territoire.
Le dossier est demeuré en suspens jusqu'au 25 août 2016, date à laquelle l'autorité communale a interpelé les constructeurs afin qu'ils déposent tous les documents utiles garantissant l'affectation des logements projetés en résidence principale. Le 8 septembre 2016, les intéressés ont notamment indiqué qu'il était envisageable que leurs enfants respectifs viennent un jour habiter dans ces chalets, lesquels pouvaient aussi bien être loués ou vendus à des personnes souhaitant s'installer à l'année sur le territoire communal, voire mis à disposition pour de la location hôtelière.
Par décision communiquée le 6 décembre 2016, le Conseil municipal de l'ancienne Commune de Chermignon - laquelle a fusionné au sein de la Commune de Crans-Montana, le 1er janvier 2017 - a rejeté l'opposition et délivré le permis de construire requis; l'autorité communale mentionnait notamment que les deux logements seraient affectés à la résidence principale, affectation garantie au moyen de l'inscription d'une mention au Registre foncier.
B.
Par acte du 9 janvier 2017, Helvetia Nostra a recouru contre cette décision devant le Conseil d'Etat, invoquant non seulement la violation des règles en matière de limitation des résidences secondaires, mais également la nécessité de procéder à un contrôle préjudiciel de la planification locale au sens de l'art. 21 al. 2 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT; RS 700). Le Conseil d'Etat a rejeté le recours le 4 décembre 2017.
Helvetia Nostra s'est pourvue contre cette décision à la Cour de droit public du Tribunal cantonal du Valais. En cours d'instruction, la cour cantonale a requis l'actualisation d'un précédent rapport du 29 septembre 2017 portant sur l'analyse de l'offre et de la demande pour des logements principaux à partir du 1er janvier 2013, établi par le bureau D.________ à X.________; cette réquisition a fait l'objet d'un rapport actualisé du 29 août 2019 (ci-après: le rapport communal). Par arrêt du 9 octobre 2019, le Tribunal cantonal a rejeté le recours dont il était saisi. Il a en substance nié que les conditions d'un contrôle incident de la planification étaient réunies, spécialement au regard de la situation des parcelles concernées au sein du territoire bâti. La cour cantonale a par ailleurs estimé qu'il existait, dans le secteur concerné, une demande en résidences principales pour des logements tels que ceux projetés, ces derniers se prêtant de surcroît, au vu de leur typologie et de leur lieu d'implantation, à cette affectation.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, l'association Helvetia Nostra demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt attaqué ainsi que le permis de construire.
Le Tribunal cantonal renonce à se déterminer sur le recours. La Commune de Crans-Montana informe n'avoir pas de déterminations particulières à faire valoir. Les constructeurs intimés concluent au rejet du recours. Egalement invité à se prononcer, l'Office fédéral du développement territorial ARE, sans prendre de conclusions formelles, met en doute l'affectation en résidence principale des chalets projetés. Aux termes d'un échange ultérieur d'écritures, les intimés et l'association recourante ont implicitement persisté dans leurs conclusions respectives. La Commune de Crans-Montana s'est finalement prononcée, expliquant ne pas s'être déterminée au motif que l'autorité inférieure avait correctement compris sa position. La recourante s'est encore exprimée par acte du 12 mai 2020. Les intimés ont enfin remis au Tribunal fédéral une copie de leur courrier du 19 mai 2020 adressé au conseil de l'association recourante.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis.
1.1. Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Le recours a en outre été déposé dans le délai prescrit (art. 100 al. 1 LTF).
1.2. En tant qu'elle conteste la conformité du projet avec la réglementation en matière de limitation des résidences secondaires, l'association recourante bénéficie sans conteste de la qualité pour recourir (cf. ATF 139 II 271 consid. 11-11.4 p. 276 ss). Sous cet angle, le recours est recevable et il convient d'entrer en matière sur le grief de violation de l'art. 75b Cst. et de la loi fédérale sur les résidences secondaires du 20 mars 2015 (LRS; RS 702) (cf. arrêt 1C_393/2011 du 3 juillet 2012 consid. 5 et 6.1).
1.3. Au stade du recours cantonal, l'instance précédente n'a pas résolu la question de la légitimité de l'association Helvetia Nostra pour requérir, dans le cadre d'une procédure dirigée contre une autorisation de construire, le contrôle incident de la planification, en lien avec le surdimensionnement de la zone à bâtir communale (cf. art. 15 et 21 al. 2 LAT). La recourante réitère ce grief céans.
Dans un arrêt publié du 24 août 2016 (ATF 142 II 509), le Tribunal fédéral a considéré que le nouveau classement en zone à bâtir relevait d'une tâche fédérale: l'art. 15 LAT, dans sa teneur entrée en vigueur le 1er mai 2014, était non seulement directement applicable, mais revêtait en outre un caractère central en matière d'aménagement du territoire (cf. ATF 142 II 509 consid. 2.5 p. 515 et les références; cf. également, AURÉLIEN WIEDLER, La protection du patrimoine bâti, 2019, p. 124 s.); il suffisait donc qu'une association active au niveau national (cf. ordonnance relative à la désignation des organisations habilitées à recourir dans les domaines de la protection de l'environnement ainsi que de la protection de la nature et du paysage du 27 juin 1990 [ODO; RS 814.076]) recoure contre un tel classement dans l'intérêt de la protection de la nature et du paysage pour lui conférer, en application de l'art. 12 de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage du 1er juillet 1966 (LPN; RS 451), la qualité pour recourir (cf. ATF 142 II 509 consid. 2.5 p. 516). Ce précédent ne tranche cependant pas expressément la question de la légitimité des associations actives au niveau national pour requérir, dans le cadre d'une procédure d'autorisation de construire, le contrôle incident d'une planification fondé sur la révision de l'art. 15 LAT: seuls les nouveaux classements en zone à bâtir, réalisés en application de cette disposition, ont été considérés et qualifiés de tâche fédérale (cf. ATF 142 II 509 consid. 2.7 p. 516; également WIEDLER, op. cit., p. 125 i.i). Cela étant, au stade de la recevabilité du présent recours, cette problématique peut, tout comme devant le Tribunal cantonal, demeurer indécise, le grief déduit de l'application des art. 15 et 21 al. 2 LAT apparaissant en tout état de cause mal fondé pour les motifs qui suivent.
2.
Selon la recourante, l'évolution des circonstances, depuis l'adoption, en juillet 1994, de la planification applicable, commandait d'examiner s'il "était objectivement nécessaire de la remettre en cause". Bien que le recours ne mentionne ni l'art. 15 (révisé) ni l'art. 21 al. 2 LAT, on comprend - également à la lecture de l'arrêt attaqué - que la recourante...

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