Arret Nº 1B_384/2017 Tribunal fédéral, 10-01-2018

Date10 janvier 2018
Judgement Number1B_384/2017
Subject MatterQuestions de compétences, garantie du juge du domicile et du juge naturel Procédure pénale; récusation
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1B_384/2017
1B_387/2017
Arrêt du 10 janvier 2018
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président,
Fonjallaz et Chaix.
Greffière : Mme Kropf.
Participants à la procédure
1B_384/2017
A.________, représentée par
Me Alec Reymond, avocat,
recourante,
contre
Claudio Mascotto, Procureur auprès du Ministère public de la République et canton de Genève, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé;
1B_387/2017
1. République de Guinée équatoriale,
2. B.________ Ltd,
3. C.________ Ltd,
toutes les trois représentées par
Me Alain Macaluso, avocat,
recourantes,
contre
Claudio Mascotto, Procureur auprès du Ministère public de la République et canton de Genève, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
Objet
Procédure pénale; récusation,
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 27 juillet 2017 (ACPR/517/2017).
Faits :
A.
Une procédure pénale est ouverte en France contre Téodoro Obiang, Vice-président de la République de Guinée équatoriale et fils du Président de cet Etat. Il lui est reproché d'avoir détourné des fonds publics alors qu'il était ministre de ce pays de 1996 à 2012. Le 5 septembre 2016, il a fait l'objet d'un renvoi en jugement devant le Tribunal correctionnel de Paris.
Depuis le 31 octobre 2016, le Ministère public de la République et canton de Genève - représenté conjointement par les Procureurs Claudio Mascotto et Johan Droz - instruit une enquête contre Téodoro Obiang pour blanchiment d'argent. Dans ce cadre, les séquestres de différents véhicules de luxe ont été ordonnés (cf. notamment les arrêts 1B_200/2017 et 1B_134/2017 du 3 juillet 2017).
Le 7 novembre 2016, le Procureur Droz a ordonné la perquisition des locaux de l'Etude F.________ et le séquestre des objets et/ou documents pouvant être utilisés comme moyens de preuve, mesures justifiées par la prévention retenue contre Téodoro Obiang, ainsi que par l'administration présumée - directe ou indirecte - effectuée par l'avocate A.________ des sociétés détenant - directement ou indirectement - les yachts appartenant au premier cité. Le lendemain, ce mandat a été exécuté en présence des Procureurs Mascotto et Droz. Les documents saisis, notamment ceux concernant B.________ Ltd et deux navires dénommés "D.________" et "E.________", ont été placés sous scellés à la demande de A.________ qui s'est prévalue de son secret professionnel; trois contrats d'achat d'avions, opérations effectuées par l'avocat F.________, ont également été saisis.
Par courrier du 11 novembre 2016, la République de Guinée équatoriale a revendiqué la propriété des deux bateaux susmentionnés, ceux-ci ayant été acquis par son Ministère de la Défense; elle a produit à cet égard une attestation de ce Ministère du 9 novembre 2016. La République de Guinée équatoriale s'est également prévalue de son immunité de juridiction et a réclamé la restitution des documents mis sous scellés. Le Procureur Droz lui ayant en substance demandé des informations complémentaires afin d'établir sa propriété, la République de Guinée équatoriale a refusé, le 24 novembre 2016, d'y donner suite dès lors que les documents demandés relevaient de sa souveraineté et étaient de plus similaires à ceux placés sous scellés; il se justifiait ainsi d'attendre la décision du Tribunal des mesures de contrainte (Tmc) sur cette problématique.
Le 14 novembre 2016, A.________ a été entendue en tant que personne appelée à fournir des renseignements. Elle s'est expliquée sur ses activités ("expertise sur l'acquisition de bateaux de plaisance"), relevant ne pas être inscrite au barreau genevois, que ce soit en tant qu'avocate locale ou étrangère. Elle estimait également que l'ensemble de la documentation saisie en son étude était protégé par le secret professionnel de l'avocat et n'a pas répondu aux questions visant à déterminer qui était son client et si ses clients étaient les sociétés propriétaires des navires.
A la suite d'une commission rogatoire du Procureur Droz datée du 2 décembre 2016, les autorités néerlandaises ont procédé à la saisie du bateau "D.________". Par l'intermédiaire de sa représentante - A.________ -, la société propriétaire a été informée de ce séquestre par le Procureur Mascotto le 5 décembre 2016. A la suite des recours déposés par B.________ Ltd et par la République de Guinée équatoriale, cette mesure a été confirmée; la seconde s'est en particulier vu dénier la qualité pour recourir, faute d'être propriétaire du navire en cause (cf. arrêt de la Chambre pénale de recours de la République et canton de Genève du 1er mars 2017), décision confirmée, dans la mesure de la recevabilité du recours, par le Tribunal fédéral le 3 juillet 2017 (cause 1B_135/2017).
Les Procureurs Droz et Mascotto ont, le 15 décembre 2016, étendu l'instruction aux infractions de coactivité d'abus de confiance, respectivement de gestion déloyale, gestion déloyale des intérêts publics, corruption, extorsion et blanchiment d'argent aggravé contre A.________; il lui est reproché d'avoir joué un rôle central dans l'acquisition, l'embellissement, la gestion et l'administration des yachts de luxe "E.________" et "D.________", via deux sociétés offshore, au moyen de fonds ne pouvant que provenir de crimes commis contre le patrimoine public de la République de Guinée équatoriale.
A.a. Préalablement, en date du 25 novembre 2016, le Procureur Mascotto a requis la levée des scellés apposés lors de la perquisition effectuée le 7 novembre 2016. S'agissant tout d'abord de la République de Guinée équatoriale, le Procureur a en substance soutenu qu'elle n'avait pas la qualité pour demander la mise sous scellés des documents saisis. Quant à A.________, le magistrat a considéré qu'elle ne pouvait pas se prévaloir du secret professionnel de l'avocat, faute de pratiquer des activités typiques relevant de cette profession, qu'elle n'exerçait d'ailleurs pas à Genève; elle paraissait de plus avoir exercé une "activité d'interposition décisive dans ce qui sembl[ait] être un montage visant la dissimulation du produit d'infractions commises en Guinée équatoriale" et elle devait dès lors être considérée comme prévenue ayant agi en coactivité avec Téodoro Obiang, statut qui excluait aussi l'invocation du secret professionnel.
Cette écriture contient en particulier les paragraphes suivants :
" 24. S'agissant ensuite du privilège de l'immunité lié à la souveraineté et à l'activité étatique, le Ministère public souligne qu'on a affaire en l'espèce à des yachts (et par ailleurs des voitures) privés de très grand luxe, peut-être payés par le ministère de la défense, mais notoirement utilisés à des fins privées et récréatives par [Téodoro] OBIANG exclusivement, détenus par des offshores et administrés en Guinée équatoriale par un citoyen suisse agissant apparemment à titre privé, et à Genève par une personne se prévalant - à tort selon le Ministère public - du secret d'avocat.
25. Quand bien même la République de Guinée équatoriale se donnerait la peine de documenter qu'elle est, comme elle le soutient, directement la financière et indirectement la propriétaire des voitures et des yachts de luxe, il faudrait considérer cette construction comme une pure façade, destinée - ab initio ouex post , selon ce que révélera l'instruction - à cacher la réelle propriété du prévenu, qui a l'usage, la maîtrise et le profit exclusifs des biens séquestrés, et peut en être considéré à tout le moins comme l'ayant droit économique.
26. De même, quand bien même des actes juridiques providentiels seraient produits par la République de Guinée équatoriale, il demeurerait que l'achat au profit personnel du fils du président de yachts et voitures de luxe pour des centaines de millions de dollars avec des fonds publics ne peut avoir été licite , ni être rendu licite a posteriori - à tout le moins sous l'angle du droit pénal.
27. On ne saurait enfin soutenir sérieusement la finalité défensive ou stratégique de yachts...

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