Arrêt nº 5A 423/2011 de IIe Cour de Droit Civil, 15 mai 2012

ConférencierPublié
Date de Résolution15 mai 2012
SourceIIe Cour de Droit Civil

Chapeau

138 III 570

85. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause dame X. contre dame Y. (recours en matière civile)

5A_423/2011 du 15 mai 2012

Faits à partir de page 571

BGE 138 III 570 S. 571

  1. X., ressortissant italien domicilié en Italie, est décédé le 24 janvier 2003 à Turin (Italie); il a laissé pour seules héritières son épouse, dame X., et sa fille, dame Y.

  2. Des différends étant apparus quant au règlement de la succession, des négociations ont été menées afin de trouver un arrangement. Le 18 février 2004, les prénommées ont conclu un accord transactionnel "pour mettre définitivement un terme à ce litige", lequel prévoit en substance le transfert à dame Y., en pleine propriété, de divers actifs (art. I et II) et la "conclusion d'un pacte successoral" avant le 6 mars 2004 (art. IV), les parties reconnaissant "n'avoir plus aucun droit, directement ou indirectement, dans la succession de [X.], et n'avoir aucune prétention à élever pour quelque motif que ce soit l'une envers l'autre ni à l'égard de quiconque, directement ou de toute autre manière" (art. VIII); cette convention "est exclusivement soumise au droit suisse" et prévoit, en cas de litige au sujet de sa conclusion, de sa validité, de son exécution ou de son interprétation, "la compétence exclusive du Tribunal de première instance de la République et Canton de Genève" (art. XIV). Cette transaction a été exécutée.

    Convaincue que des avoirs ou des libéralités lui avaient été dissimulés lors de la conclusion de l'accord précité, dame Y. a saisi, le 28 mai 2007, le Tribunal de Turin (Italie) d'une demande dirigée à l'encontre de A., B. et C. - tous proches collaborateurs de feu X., chargés de la gestion de ses affaires - ainsi que de dame X.; en bref, elle a conclu: BGE 138 III 570 S. 572

    - à titre préliminaire, à ce qu'il soit ordonné à A., B. et C. de rendre compte de leur gestion des biens ayant appartenu au de cujus;

    - à titre préjudiciel, à la constatation de la nullité, de l'annulabilité ou de l'inefficacité des accords passés entre les héritières après l'ouverture de la succession;

    - à titre principal, à la constatation de sa qualité d'héritière à l'égard de tous les biens concernés par la reddition de comptes;

    - à titre principal éventuel, à la condamnation des gérants à réparer le préjudice éventuellement causé dans le cadre de leur gestion;

    - à titre principal, à la dissolution de la communauté héréditaire moyennant attribution de la propriété individuelle, avec obligation de restituer à la succession, des biens qui font partie de la masse successorale, après estimation de la valeur vénale des biens à partager;

    - à titre subsidiaire, en cas d'impossibilité de partager certains biens, à l'estimation, à la vente, ainsi qu'au partage de leur produit entre les héritières.

    Dame X. a excipé de l'incompétence des tribunaux italiens. Par arrêt du 7 octobre 2008, la Cour de cassation italienne a rejeté cette exception; elle a considéré que les conclusions principales tendaient à la pétition d'hérédité et à la dissolution de la communauté héréditaire, de sorte que les juridictions italiennes étaient compétentes en vertu de l'art. 50 de la loi italienne sur le droit international privé; le chef de conclusions relatif à la validité de l'accord du 18 février 2004 ne modifie pas la nature du litige, qui demeure successoral et, partant, est soustrait au champ d'application de la Convention de Lugano.

    Statuant sur le fond le 17 mars 2010, le Tribunal de Turin a débouté la demanderesse de toutes ses conclusions. Cette décision fait l'objet d'un recours devant la Cour d'appel de Turin.

  3. Le 4 juin 2009, dame X. a déposé devant le Tribunal de première instance de Genève une action à l'encontre de dame Y. tendant à la constatation que "l'accord du 18 février 2004 est valide et lie les parties"; la défenderesse a conclu à ce que l'action en constatation de droit soit déclarée irrecevable, subsidiairement à ce qu'il soit sursis à statuer.

    Statuant "sur fin de non-recevoir de litispendance" le 26 octobre 2010, le Tribunal a déclaré l'action irrecevable. La Cour de justice du canton de Genève a confirmé cette décision le 20 mai 2011. (...) BGE 138 III 570 S. 573

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours en matière civile formé par dame X.

    (extrait)

    Considérants

    Extrait des considérants:

    2. Bien que les parties soient toutes deux domiciliées en Suisse, la Cour de justice a considéré à juste titre que la présente cause revêt un caractère international (art. 1 al. 1 let. a LDIP; RS 291); cette opinion - qui n'est d'ailleurs pas contestée par la recourante (art. 42 al. 2 LTF) - doit être approuvée; s'agissant, en l'occurrence, de procédures introduites dans deux Etats différents, la litispendance est par définition internationale (cf. SCHNEIDER, L'exception de litispendance en droit international privé, in Mélanges offerts à la SSJ, 1976, p. 295). Au préalable, il convient de rechercher si un traité international s'applique (art. 1 al. 2 LDIP; ATF 115 III 148 consid. 3).

    2.1 La Cour de justice a retenu que "tant la procédure genevoise que la procédure italienne étaient de nature successorale", en sorte que la Convention de Lugano (dans sa version de 1988) - à laquelle l'Italie et la Suisse sont parties - n'était pas applicable (art. 1 al. 2 ch. 1 aCL; RO 1991 2436 [= art. 1 par. 2 let. a CL révisée; RS 0.275.12]; sur ce motif d'exclusion: ATF 135 III 185 consid. 3.4; arrêt 4A_249/2009 du 29 juillet 2009 consid. 2). Une telle argumentation laisse entendre que l'intervention de l'art. 21 aCL (= art. 27 CL révisée) suppose que les deux actions tombent dans le champ d'application matériel du traité (dans ce sens: GEIMER/SCHÜTZE, Europäisches Zivilverfahrensrecht, 3e éd. 2010, n° 57 ad art. 1 et n° 11 ad art. 27 EuGVVO; KREN KOSTKIEWICZ, Rechtshängigkeit und Konnexität, in La Convention de Lugano, Passé, présent et devenir, Publication ISDC n° 59, 2007, p. 111; MABILLARD, in Basler Kommentar, Lugano-Übereinkommen, 2011, n° 15 ad art. 27 CL); l'action introduite à Turin étant indiscutablement successorale, la Convention de Lugano serait inapplicable pour ce motif déjà, sans qu'il faille s'interroger sur la nature de celle...

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