Arrêt nº 2C 13/2009 de IIe Cour de Droit Public, 19 février 2010

Date de Résolution19 février 2010
SourceIIe Cour de Droit Public

Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

{T 0/2}

2C_13/2009

Arrêt du 19 février 2010

IIe Cour de droit public

Composition

MM. les Juges Müller, Président, Merkli, Karlen, Zünd et Donzallaz.

Greffier: M. Vianin.

Parties

Office fédéral de la justice,

Bundeshaus West, 3003 Berne,

recourant,

contre

  1. La société anonyme X.________,

    en liquidation,

  2. A.________, B.________ et C.________,

    tous représentés par Me Charles Joye, avocat,

    intimés,

    Commission foncière rurale, section II.

    Objet

    Acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger,

    recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 4 décembre 2008.

    Faits:

    A.

    La société E.________ SA, inscrite au registre du commerce en 1971, sise à F.________, avait pour but la fourniture de conseils de gestion générale dans l'organisation et le planning de sociétés, l'étude et la promotion de tous marchés, ainsi que la prise et l'administration de participations dans toutes entreprises commerciales, financières, indu-strielles, immobilières et mobilières. Son capital-actions de 50'000 fr. était divisé en 500 actions au porteur d'une valeur nominale de 100 fr.

    Par convention du 3 décembre 1971, D.________, citoyen iranien alors domicilié à Téhéran, a acquis 350 actions de la société précitée. Cette transaction était soumise à la réalisation de deux conditions, à savoir l'aboutissement des pourparlers en vue de permettre à E.________ SA d'acquérir la totalité du capital-actions de la société X.________, ainsi que l'octroi par la Commission foncière rurale du canton de Vaud, section II (ci-après: la Commission foncière II), de l'autorisation d'effectuer cette prise de participation, vu la nationalité étrangère et le domicile à l'étranger de D.________. Inscrite au registre du commerce en 1971 et sise à G.________, la société X.________ avait pour but d'effectuer des opérations immobilières. Elle était propriétaire de la parcelle no xxx de la commune de G.________, d'une surface de 5'243 m², sur laquelle était érigé l'hôtel-restaurant "H.________".

    Par décision du 28 décembre 1971, la Commission foncière II a accordé à la société E.________ SA l'autorisation d'acquérir la totalité du capital-actions de la société X.________. La formule remplie pour la demande d'autorisation mentionne que la société E.________ SA, détenue à 98% par des personnes ayant leur domicile ou leur siège à l'étranger, se proposait de faire cette acquisition en vue d'exploiter l'hôtel-restaurant "H.________".

    En avril 1972, après que E.________ SA eut effectivement acquis la totalité du capital-actions de la société X.________, D.________ a mandaté la J.________ SA, spécialiste de l'analyse hôtelière, aux fins d'établir "une analyse concernant l'exploitation de X.________". Dans son rapport du 18 mai 1972, la société mandatée a notamment relevé ce qui suit (p. 38):

    "Le rendement prévisionnel [à savoir 85'800 fr.] dans notre compte budgétaire ne suffit pas pour couvrir les charges financières, du moins pas au cours des premières années d'exploitation. Nous nous trouvons cependant en ce moment dans une phase économique qui se caractérise par un renchérissement extrême des prix. Ceci signifie que les recettes - en adaptant les prix d'hôtel et des consommations à temps, il en est de même pour les rendements - augmentent, alors que les investissements initiaux restent les mêmes. Par conséquent, la relation entre les charges financières et le rendement s'améliore, de manière qu'avec un développement normal des résultats d'exploitation, l'équilibre devrait être établi au plus tard après 3 ou 4 ans."

    Les auteurs du rapport préconisaient en outre d'attendre cinq à sept ans au moins avant d'entreprendre des travaux d'agrandissement ou de rénovation de l'hôtel (p. 41).

    Suivant ce conseil, la société X.________ a mis en gérance l'hôtel "H.________" sans procéder à des investissements.

    En 1978, la société X.________ a interpellé la Municipalité de la commune de G.________ quant à la possibilité d'agrandir l'hôtel "H.________" par la réalisation de 50 chambres supplémentaires et d'une salle de conférence d'une capacité de 150 places. Constatant que l'hôtel était situé en zone villas, la Municipalité a répondu que son agrandissement n'était en principe pas possible. Elle a toutefois invité la société à produire des plans indiquant les transformations envisagées, en précisant cependant que l'octroi d'un changement d'affectation de la zone ne pouvait en aucune manière lui être garanti.

    L'hôtel "H.________" a finalement fermé ses portes en mars 1978, après que le gérant eut refusé une augmentation de loyer (à 120'000 fr. par année) exigée environ une année auparavant par D.________.

    A la suite d'un courrier de la société X.________ du 14 juin 1979, le Département de la justice, de la police et des affaires militaires du canton de Vaud a donné son accord de principe à la délivrance d'une patente permettant la réouverture de l'hôtel, pour autant, entre autres conditions, qu'une personne au bénéfice d'un certificat de capacité de cafetier, restaurateur et hôtelier, pour établissement important, en fasse la demande. Aucune démarche correspondante n'a été entreprise et l'hôtel n'a plus rouvert ses portes.

    Le 11 novembre 1980, la Municipalité de la commune de G.________ a délivré à la société X.________ une autorisation de construire portant sur la transformation de deux bâtiments et la réalisation d'une piscine intérieure "réalisée à l'usage d'une seule famille". Le 3 mai 1983, elle a en outre autorisé la construction d'une piscine extérieure et d'une pergola. A l'exception de la piscine intérieure et de la pergola, ces aménagements ont été réalisés. Le 2 juillet 1983, la commune de G.________ a accordé à la société X.________ les permis d'habiter l'immeuble et d'utiliser la piscine extérieure. Depuis lors, le bâtiment a régulièrement servi de logement de vacances à D.________ et à sa famille.

    Dans le courant de l'année 1998, D.________, devenu entre-temps citoyen britannique et actionnaire unique de la société E.________ SA, a fait donation de ses actions à ses trois fils A.________, B.________ et C.________, nés respectivement en 1989, 1991 et 1993. De nationalité britannique comme leur père, ceux-ci sont domiciliés en Angleterre.

    Par contrat de fusion du 13 septembre 1999, la société X.________ a absorbé la société E.________ SA; elle a simultanément été dissoute et mise en liquidation.

    Le 15 décembre 2000, A.________, B.________ et C.________ ont sollicité de la Commission foncière II l'autorisation d'acquérir en leur propre nom à titre de logement de vacances la parcelle no xxx de la commune de G.________.

    Par décision du 23 mars 2001, la Commission foncière II a octroyé l'autorisation sollicitée, en se fondant sur une application par analogie de l'art. 7 lettre i de la loi fédérale du 16 décembre 1983 sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger (LFAIE; RS 211.412.41). Elle a estimé qu'en autorisant, en 1971, E.________ SA à acquérir la totalité du capital-actions de la société X.________, elle avait implicitement admis l'acquisition des actions de E.________ SA par une personne physique à l'étranger, si bien que D.________ et, subséquemment, ses fils avaient acquis la propriété des actions en question conformément aux dispositions légales applicables. En outre, comme l'autorisation d'acquérir ces actions n'avait été assortie d'aucune charge, il se justifiait d'admettre la requête du 15 décembre 2000 "sans charge aucune", les requérants ne devant acquérir "ni plus, ni moins de droits qu'ils n'en n'avaient auparavant".

    A l'encontre de cette décision, l'Office fédéral de la justice (ci-après: l'Office fédéral) a recouru au Tribunal administratif du canton de Vaud, lequel a rejeté le recours par arrêt du 27 juin 2002. Les juges cantonaux ont considéré que l'immeuble devait en principe certes être affecté à une exploitation hôtelière, mais qu'il existait des motifs impérieux, au sens de l'art. 14 LFAIE, de lever cette charge, vu l'impossibilité de rénover l'hôtel et de le rentabiliser.

    L'Office fédéral a déféré cette décision au Tribunal fédéral. Par arrêt du 21 mai 2003 (publié aux ATF 129 II 361), le Tribunal fédéral a annulé l'arrêt du Tribunal administratif et renvoyé la cause à la Commission foncière II pour complément d'instruction et nouvelle décision. Après avoir admis l'existence de la charge d'exploiter l'immeuble en question sous la forme d'un hôtel, il a considéré que le dossier ne permettait pas de déterminer si les conditions requises pour révoquer ladite charge étaient réunies. Le dossier ne permettait en particulier pas de se faire une idée précise de la viabilité de l'exploitation comme hôtel lorsque l'immeuble avait été réaffecté comme logement de vacances. Il ne contenait pas non plus d'informations sur les conséquences, en particulier financières, qu'induirait actuellement une retransformation en hôtel.

    Le 31 octobre 2003, la société X.________ en liquidation a requis formellement de la Commission foncière II la révocation de la charge d'affecter l'immeuble litigieux à une exploitation hôtelière. Elle a joint ses comptes pour les exercices 1973 à 1979, qui se présentaient comme suit:

    Résultat

    Report

    Recettes

    1973

    - 3'322.47

    - 186'491.90

    50'000.00

    1974

    - 6'063.30

    - 192'555.20

    ?

    1975

    1'881.40

    - 190'673.80

    74'346.00

    1976

    4445.15

    - 186'228.65

    69'693.00

    1977

    16229.85

    - 169'998.80

    70'880...

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