Arrêt nº 2C 469/2008 de IIe Cour de Droit Public, 10 juillet 2009

Date de Résolution10 juillet 2009
SourceIIe Cour de Droit Public

Bundesgericht

Tribunal fédéral

Tribunale federale

Tribunal federal

2C_469/2008

{T 0/2}

Arrêt du 10 juillet 2009

IIe Cour de droit public

Composition

MM. et Mme les Juges Müller, Président,

Merkli, Karlen, Zünd et Aubry Girardin.

Greffier: M. Addy.

Parties

X.________ SA,

représentée par Me Yves Noël, avocat,

recourante,

contre

Département de l'économie du canton de Vaud, Police cantonale du commerce, rue Caroline 11, 1014 Lausanne,

intimé.

Objet

Taxe d'exploitation sur les débits de boissons alcooliques à l'emporter,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 23 mai 2008.

Faits:

A.

Le 26 mars 2002, le Grand Conseil du canton de Vaud a adopté la loi sur les auberges et débits de boissons (RS/VD 935.31; ci-après également citée: LADB ou loi cantonale). Ce texte, entré en vigueur le 1er janvier 2003, a remplacé l'ancienne loi homonyme du 11 décembre 1984 (ci-après citée: aLADB ou ancienne loi cantonale) qui régissait jusqu'alors la matière. A titre de nouveauté, la (nouvelle) loi cantonale a notamment abandonné la clause du besoin et le régime des patentes en vigueur auparavant pour les établissements publics et les débits de boissons alcooliques à l'emporter. Elle soumet désormais l'exploitation des établissements publics à l'obtention d'une licence d'établissement, qui comprend l'autorisation d'exercer et l'autorisation d'exploiter, tandis que l'exploitation des débits de boissons alcooliques à l'emporter nécessite une autorisation dite simple. Par ailleurs, les taxes de patentes annuelles, précédemment à la charge des établissements publics (d'un montant compris entre 150 et 10'000 fr., selon des barèmes différenciés établis en fonction des recettes globales brutes "boissons", "restauration" et "logement") et des débits de boissons alcooliques à l'emporter (d'un montant de 100 fr. au minimum fixé à 0,8% du prix d'achat des boissons alcooliques non distillées vendues au détail et à 2 % du prix d'achat des boissons distillées ou considérées comme telles) ont été supprimées. Elles ont été remplacées par des émoluments spécifiques destinés à financer certaines prestations (émolument de délivrance de la licence ou de l'autorisation simple; émolument de surveillance; contribution à la fondation de la formation professionnelle; etc...).

Le 24 octobre 2006, le Grand Conseil a introduit une novelle dans la loi cantonale prévoyant le prélèvement d'une taxe d'exploitation sur les débits de boissons alcooliques à l'emporter (art. 53a à 53i LADB); cette taxe se monte à 0,8% du chiffre d'affaires moyen réalisé sur de telles boissons au cours des deux années précédentes; les producteurs de vin du canton sont exonérés de payer une telle taxe sur la vente du produit de leur propre récolte.

B.

Le 1er mai 2007, la Police cantonale du commerce vaudoise (ci-après: la Police du commerce) a fait parvenir aux différents titulaires d'autorisations simples de débits de boissons alcooliques à l'emporter actifs dans le canton, dont les cinq surfaces de ventes exploitées dans le canton de Vaud par X.________ SA, un formulaire de déclaration du chiffre d'affaires réalisé sur les ventes des années 2005 et 2006. A réception des formulaires remplis par la Société, la Police du commerce a notifié à celle-ci, entre le 23 et le 26 juillet 2007, cinq décisions exigeant le versement d'un montant total de ***** fr. au titre de la taxe d'exploitation sur les débits de boissons alcooliques à l'emporter pour l'année 2007. X.________ a formé une réclamation contre ces décisions, en contestant la constitutionnalité de la taxe d'exploitation litigieuse.

Par décision du 7 septembre 2007, le Département de l'économie du canton de Vaud (ci-après: le Département cantonal) a rejeté la réclamation de la Société.

C.

X.________ a recouru contre la décision précitée du Département cantonal, en soutenant que la taxe d'exploitation sur les débits de boissons alcooliques à l'emporter violait les principes constitutionnels de la légalité, de l'égalité de traitement et de la liberté économique. Elle faisait notamment valoir que la contribution litigieuse ne reposait "sur aucun motif d'intérêt ou de santé publique, ni de police du commerce ou de sécurité publique" et que son seul objectif était d'accroître les recettes de l'Etat en mettant de façon discriminatoire l'entier de la charge fiscale nouvelle sur les seuls débits de boissons alcooliques à l'emporter, à l'exception des autres acteurs du marché, en particulier les établissements publics et les producteurs de vin vaudois.

Le Département cantonal a indiqué que la taxe litigieuse était un impôt spécial sur l'activité économique, qui reposait sur des motifs de santé et de sécurité publiques. X.________ a objecté que de tels motifs ne ressortaient nullement des travaux préparatoires entourant la novelle précitée du 24 octobre 2006.

Par arrêt du 23 mai 2008, le Tribunal cantonal, Cour de droit administratif et public (ci-après: le Tribunal cantonal), a rejeté le recours. Il a retenu que la taxe litigieuse, ancrée dans une loi formelle cantonale, respectait le principe de la légalité et, en outre, répondait à un intérêt public suffisant, lié notamment à la lutte contre la surconsommation d'alcool chez les jeunes.

D.

X.________ forme un recours en matière de droit public contre l'arrêt précité du Tribunal cantonal. Elle conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt attaqué. Elle se plaint de la violation des principes de la séparation des pouvoirs, de la liberté économique, de l'égalité de traitement, de la proportionnalité et de la répartition des compétences entre les cantons et la Confédération.

La Police du commerce conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. Le Tribunal cantonal préavise en faveur de son rejet. Estimant que la taxe d'exploitation litigieuse ne touche pas le domaine de la taxe à la valeur ajoutée (TVA), l'Administration fédérale des contributions a renoncé à déposer des observations sur le recours. A sa requête, X.________ a été autorisée à déposer des observations en réponse à la prise de position déposée par la Police du commerce.

Le 10 juillet 2009, la Cour de céans a délibéré sur le présent recours en séance publique.

Considérant en droit:

  1. Interjeté en temps utile (art. 100 LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF) contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur et non susceptible de recours devant le Tribunal administratif fédéral par le destinataire de cette décision (art. 86 al. 1 let. d et al. 2, art. 89 al. 1 LTF), le présent recours, qui ne tombe sous aucune des exceptions de l'art. 83 LTF, est en principe recevable comme recours en matière de droit public au sens des art. 82 ss LTF.

  2. Selon l'art. 95 LTF, le recours (ordinaire) au Tribunal fédéral peut être formé notamment pour violation du droit fédéral (let. a), qui comprend les droits constitutionnels des citoyens, ainsi que pour violation des droits constitutionnels cantonaux (let. c). En revanche, sauf exceptions non pertinentes en l'espèce (cf. art. 95 let. d LTF), les dispositions législatives cantonales ne peuvent pas être attaquées directement comme telles devant le Tribunal fédéral (art. 95 LTF a contrario). Il est néanmoins possible de faire valoir que leur application consacre une violation du droit fédéral, comme la protection contre l'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou la garantie d'autres droits constitutionnels (cf. ATF 134 II 349 consid. 3 p. 351; 133 III 462 consid. 2.3 p. 466). Le Tribunal fédéral n'examine cependant de tels moyens que s'ils sont formulés conformément aux exigences de motivation qualifiées prévues à l'art. 106 al. 2 LTF (cf. ATF 133 III 639 consid. 2 p. 639 s.; 133 II 249 consid. 1.4.2 p. 254). A cet égard, l'acte de recours doit, à peine d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation (cf. ATF 134 II 349 consid. 3 p. 351 sv.; 134 I 83 consid. 3.2 p. 88 et les arrêts cités).

  3. A la fin de son exposé des faits, la recourante "s'étonne" que l'opinion minoritaire d'un juge du Tribunal cantonal ayant siégé dans deux autres affaires similaires à la sienne auxquelles elle n'était pas partie, ne lui ait pas été communiquée. Elle trouve également curieux que ces différentes affaires connexes, pourtant toutes tranchées le même jour que son cas, n'aient pas été jugées dans la même composition.

    Pour autant qu'on puisse les considérer comme des griefs, de telles critiques sont irrecevables, la recourante n'articulant aucune motivation juridique à leur appui (cf. art. 42 al. 1 et 106 al. 2 LTF).

  4. 4.1 La recourante conteste, sous différents aspects, la constitutionnalité de la taxe d'exploitation sur les débits de boissons alcooliques à l'emporter prévue aux art. 53e ss LADB.

    Avant d'examiner les griefs soulevés par la recourante, il convient de qualifier la taxe litigieuse, car certaines exigences et limites constitutionnelles dépendent pour partie directement de la nature de la contribution visée; il en va notamment ainsi de la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons et de la portée des principes de légalité et d'égalité dans un cas concret (cf. Xavier Oberson, Droit fiscal suisse, Bâle 2007, 3ème éd., n. 18 ad § 1; Michael Beusch, Lenkungsabgaben im Strassenverkehr, thèse Zurich 1999, p. 105).

    4.2 Parmi les contributions publiques, la jurisprudence et la doctrine distinguent traditionnellement entre les impôts et les contributions causales (cf. ATF 135 I 130 consid. 2 p. 133; 121 I 235 consid. 3e p. 235 s.; Ernst Blumenstein/Peter Locher, System des schweizerischen Steuerrechts, 6ème éd., 2002, p. 5 s.; Ernst Höhn/Robert Waldburger, Steuerrecht, vol. I, 9ème éd., 2001, n. 6 ad § 1; Jean-Marc Rivier, L'imposition du revenu et de la fortune, 2ème éd. 1998, p. 47; Walter Ryser/Bernard Rolli, Précis de droit...

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