Arrêt nº 9C 517/2009 de IIe Cour de Droit Social, 18 janvier 2010

Date de Résolution18 janvier 2010
SourceIIe Cour de Droit Social

Text Publié

Chapeau

136 I 149

13. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit social dans la cause F. contre Office AI du canton de Fribourg (recours en matière de droit public)

9C_517/2009 du 18 janvier 2010

Faits à partir de page 150

BGE 136 I 149 S. 150

  1. A l'issue d'une instruction qui s'est déroulée exclusivement en français, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Fribourg a, par décision du 14 mai 2008, rejeté la demande de prestations déposée le 30 juin 2006 par F.

    Par mémoire rédigé en allemand, l'assurée a formé le 17 juin 2008 un recours devant la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Fribourg. Dans le cadre de l'échange d'écritures, l'office AI a demandé à ce que la procédure se déroule dans la langue de la décision contestée et sollicité la traduction française du mémoire de recours. Interpellée sur la question de la langue de la procédure, l'assurée a requis que celle-ci se poursuive en allemand. Par ordonnance du 2 décembre 2008, le Tribunal cantonal a constaté que la procédure devait se dérouler en français et refusé de déroger aux règles du code fribourgeois de procédure et de juridiction administrative. Il a imparti à l'assurée un délai de 30 jours à compter de l'entrée en force de l'ordonnance pour traduire son mémoire de recours en français, en l'avertissant qu'à défaut, il ne serait pas pris en considération. L'assurée n'a pas donné suite à cette invitation. Estimant que le recours était entaché d'un vice de forme, le Tribunal cantonal l'a déclaré irrecevable par jugement du 4 mai 2009.

  2. F. interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont elle demande l'annulation. Elle conclut au renvoi de la cause à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, afin que celle-ci entre en matière et se prononce sur le fond du litige. BGE 136 I 149 S. 151

    L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. Invité par le Juge instructeur à se prononcer sur le recours, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Fribourg a déposé des observations. Dans sa réplique du 27 novembre 2009, la recourante a confirmé ses conclusions.

    Le recours a été admis.

    Extrait des considérants:

    Extrait des considérants:

    3.

    3.1 La recourante se plaint d'une violation de l'art. 17 al. 2 de la Constitution du canton de Fribourg du 16 mai 2004 (Cst./FR; RS 131.219). Nonobstant la langue utilisée dans le cadre de la procédure, cette disposition lui permettrait de s'adresser au Tribunal cantonal du canton de Fribourg indifféremment dans l'une des deux langues officielles du canton, soit le français ou l'allemand. L'exigence d'une traduction de son acte de recours procéderait par ailleurs d'un formalisme excessif et serait constitutif d'arbitraire.

    3.2 Dans la mesure où la procédure administrative s'est déroulée exclusivement en français et où la décision a été rendue à juste titre dans cette langue, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal considère que la recourante ne peut invoquer l'art. 17 al. 2 Cst./FR pour modifier, dans le cadre de la procédure judiciaire subséquente, la langue de la procédure. Sans contester que cette disposition entend ancrer la possibilité de s'adresser à une autorité dans l'une des langues officielles du canton, la juridiction cantonale estime que cette liberté ne doit être effectivement garantie qu'en cas de contacts ponctuels avec les autorités. A son avis, il doit en aller différemment lorsqu'il s'agit d'une procédure impliquant des échanges durables. Dans ce cas, seul le choix initial entre le français et l'allemand doit être garanti au citoyen. Le libre choix de la langue garanti par la Constitution du canton de Fribourg ne peut impliquer la possibilité pour lui de modifier à son gré la langue, une fois la procédure engagée, notamment en fonction des connaissances linguistiques de son mandataire, faute sinon de compliquer inutilement la situation. L'examen des travaux préparatoires de la Constitution fribourgeoise confirmerait d'ailleurs qu'il n'a jamais été question de remettre en cause la validité des dispositions de procédure cantonale permettant de restreindre le choix de la langue, que ce soit en matière administrative, civile ou pénale. De là, le Tribunal cantonal BGE 136 I 149 S. 152

    demeurerait habilité, sous l'empire de la nouvelle Constitution fribourgeoise, à appliquer les art. 37 ss du code de procédure et de juridiction administrative du canton de Fribourg du 23 mai 1991 (CPJA; RSF 150.1) afin de déterminer la langue de la procédure de recours sur la base de celle de la décision attaquée.

    4.

    4.1 La liberté de la langue, autrefois confinée au rang de droit constitutionnel non écrit d'origine jurisprudentielle (ATF 91 I 480), est désormais expressément garantie par l'art. 18 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999. Cette garantie comprend notamment l'usage de la langue maternelle. Lorsque cette langue est également l'une des quatre langues nationales, son emploi est protégé par l'art. 4 Cst. L'art. 8 al. 2 Cst. prohibe en outre toute discrimination du fait de la langue. Dans les rapports du citoyen avec l'autorité, la portée du principe de la liberté de la langue concerne plus particulièrement les domaines de la langue de l'enseignement et celui de la langue officielle des cantons, notamment de la langue judiciaire.

    4.2 Selon l'art. 70 al. 2 Cst., les cantons déterminent leurs langues officielles. Afin de préserver l'harmonie entre les communautés linguistiques, ils veillent à la répartition territoriale traditionnelle des langues et prennent en considération les minorités linguistiques autochtones. Cette disposition consacre le principe de la territorialité des langues, qui ne constitue pas un droit constitutionnel individuel, mais représente une restriction à la liberté de la langue dans la mesure où il permet aux cantons de prendre des mesures pour maintenir l'homogénéité et les limites traditionnelles des régions linguistiques (ATF 122 I 236 consid. 2c p. 238; ATF 121 I 196 consid. 2a p. 198 et les références citées). La portée du principe de la territorialité des langues est sujette à controverses. C'est en raison de ces controverses que le Conseil fédéral avait proposé, dans le cadre de la révision totale de la Constitution, de ne pas mentionner expressément, à côté de la garantie de la liberté de la langue, le correctif du principe de la territorialité (Message du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédérale; FF 1997 I 164 ad art. 15 du projet). Au sens strict, ce principe implique qu'à chaque territoire corresponde une langue, afin d'assurer l'homogénéité linguistique de ce territoire; ainsi, chaque canton, district ou commune devrait pouvoir conserver sa langue traditionnelle, malgré l'immigration de personnes d'expression étrangère (MICHEL ROSSINELLI, La question linguistique en Suisse, RDS 108/1989 I p. 161 ss; GIORGIO MALINVERNI, Commentaire de la Constitution BGE 136 I 149 S. 153

    fédérale, 1987, n° 23 ss ad art. 116 aCst.). Dans un sens plus large, il doit favoriser, en harmonie avec le principe de la liberté de la langue, la coexistence pacifique des langues nationales et la protection des langues minoritaires (ATF 122 I 236 consid. 2e p. 240; ATF 121 I 196 consid. 2b p. 198 et les références citées). Les principes de la liberté de la langue et de la territorialité peuvent toutefois entrer en conflit: en effet, le premier protège le droit du citoyen de s'exprimer dans sa langue, alors que le second tend à la stabilisation et l'homogénéité des régimes linguistiques.

    4.3 Dans les rapports avec les autorités, la liberté de la langue est limitée par le principe de la langue officielle. En effet, sous réserve de dispositions particulières (p. ex. art. 5 par. 2 et art. 6 par. 3 let. a de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 [CEDH; RS 0.101]), il n'existe en principe aucun droit à communiquer avec les autorités dans une autre langue que la langue officielle. Celle-ci est elle-même liée au principe de la territorialité, au sens où elle correspond normalement à la langue qui est parlée dans le territoire concerné (ATF 122 I 236 consid. 2c p. 239 et les références citées).

    5. Sous réserve des limites posées par le droit constitutionnel fédéral, il appartient en premier lieu aux cantons de réglementer l'usage de la langue à l'intérieur de leurs frontières (ATF 122 I 236 consid. 2h p. 242; ATF 121 I 196 consid. 2c p. 199).

    5.1 L'usage de la langue dans le canton de Fribourg s'articule autour de deux dispositions distinctes de la Constitution fribourgeoise. Le principe de territorialité est consacré à l'art. 6 Cst./FR:

    1 Le français et l'allemand sont les langues officielles du canton.

    2 Leur utilisation est réglée dans le respect du principe de territorialité: l'Etat et les communes veillent à la répartition territoriale traditionnelle des langues et prennent en considération les minorités linguistiques autochtones.

    3 La langue officielle des communes est le français ou l'allemand. Dans les communes comprenant une minorité linguistique autochtone importante, le français et l'allemand peuvent être les langues officielles.

    4 L'Etat favorise la compréhension, la bonne entente et les échanges entre les communautés linguistiques cantonales. Il encourage le bilinguisme.

    5 Le canton favorise les relations entre les communautés linguistiques nationales.

    Quant à la liberté de la langue, elle est garantie à l'art. 17 Cst./FR: BGE 136 I 149 S. 154

    1 La liberté de la langue est garantie.

    2 Celui qui s'adresse à une autorité dont la compétence s'étend à l'ensemble du canton peut le faire dans la langue officielle de son choix.

    5.2 Les art. 36 à 40 CPJA régissent la question de la langue en procédure administrative. La réglementation se fonde sur le principe de la territorialité: la langue déterminante...

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