Arrêt nº 2C 911/2008 de IIe Cour de Droit Public, 1 octobre 2009

Date de Résolution 1 octobre 2009
SourceIIe Cour de Droit Public

Text Publié

Chapeau

136 II 101

10. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause Association suisse pour la protection des oiseaux (ASPO) et Pro Natura contre A.X., B.X., C.X. et Direction des institutions, de l'agriculture et des forêts du canton de Fribourg (recours en matière de droit public)

2C_911/2008 du 1er octobre 2009

Faits à partir de page 102

BGE 136 II 101 S. 102

A.X., B.X. et C.X. exploitent des piscicultures. En janvier 2007, ils ont tous les trois demandé au Service des forêts et de la faune du canton de Fribourg (ci-après: le Service cantonal) une nouvelle autorisation de tirer (ou faire tirer) des oiseaux, notamment des hérons cendrés, causant des dommages dans leurs piscicultures.

Le 24 janvier 2007, le Service cantonal a délivré les trois autorisations requises, permettant en particulier de tirer (ou faire tirer) des hérons cendrés. Le nombre moyen de hérons abattus chaque année dans les trois piscicultures concernées est de 36 pour A.X., 59 pour B.X. et 31 pour C.X.

L'Association suisse pour la protection des oiseaux (ASPO) et Pro Natura (Section de Fribourg) ont déposé trois recours à l'encontre des autorisations précitées dans la mesure où elles concernaient les hérons cendrés.

La Direction des institutions, de l'agriculture et des forêts du canton de Fribourg (ci-après: la Direction cantonale) a admis les recours par décisions des 13 et 30 juillet ainsi que 13 août 2007. Elle a annulé les décisions du Service cantonal parce qu'elles autorisaient une mesure individuelle de tir qui était exclue dès lors que le héron cendré était une espèce protégée et que seules des mesures exceptionnelles de tir pouvaient être prononcées, en application de la législation sur la chasse. Elle a ainsi remplacé les autorisations contestées par des "ordres de tir" et a par ailleurs soumis ces tirs à différentes conditions.

L'ASPO et Pro Natura ont recouru contre les trois décisions précitées de la Direction cantonale. Ayant joint les causes, la IIe Cour administrative du Tribunal cantonal du canton de Fribourg (ci-après: le Tribunal cantonal) a, par arrêt du 30 octobre 2008, rejeté les recours, tout en ajoutant aux décisions contestées l'indication qu'afin d'individualiser les oiseaux non craintifs, susceptibles d'être tirés, les exploitants devaient mettre en fonction sur le site un épouvantail gonflable automatique.

Le 5 décembre 2008, l'ASPO et Pro Natura ont déposé un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral contre l'arrêt du Tribunal cantonal du 30 octobre 2008. Elles concluent à l'annulation de l'arrêt attaqué et des "décisions des autorités autorisant les tirs de hérons cendrés". Elles se plaignent de constatation manifestement incorrecte des faits et de violation du droit fédéral. BGE 136 II 101 S. 103

Le Tribunal fédéral a admis le recours dans la mesure où il était recevable.

(résumé)

Extrait des considérants:

Extrait des considérants:

1. Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF). Il contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 135 II 94 consid. 1 p. 96).

1.1 L'ASPO et Pro Natura font partie des organisations d'importance nationale habilitées à déposer un recours en matière de droit public (art. 12 al. 1 let. b de la loi fédérale du 1er juillet 1966 sur la protection de la nature et du paysage [LPN; RS 451] en relation avec l'art. 1 et les ch. 4 et 6 de l'annexe à l'art. 1 de l'ordonnance du 27 juin 1990 relative à la désignation des organisations habilitées à recourir dans les domaines de la protection de l'environnement ainsi que de la protection de la nature et du paysage [ODO; RS 814.076]). En outre, elles sont les destinataires de l'arrêt attaqué qui les touche particulièrement et déclarent déposer un recours dans l'intérêt des oiseaux sauvages, en invoquant la loi fédérale du 20 juin 1986 sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages (ci-après: la loi fédérale sur la chasse ou LChP; RS 922.0) (cf. ATF 131 II 58 consid. 1.1 p. 60 s.; arrêt 1C_408/2008 du 16 juillet 2009 consid. 1.2 non publié in ATF 135 II 328). De plus, le droit de recours suppose que l'intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de la décision entreprise soit actuel (cf. ATF 131 II 361 consid. 1.2 p. 365). En principe, l'intérêt digne de protection doit exister non seulement au moment du dépôt du recours, mais encore au moment où l'arrêt est rendu. Toutefois, le Tribunal fédéral fait exceptionnellement abstraction de l'exigence d'un intérêt actuel, lorsque la contestation peut se reproduire en tout temps dans des circonstances identiques ou analogues, que sa nature ne permet pas de la trancher avant qu'elle ne perde son actualité et que, en raison de sa portée de principe, il existe un intérêt public suffisamment important à la solution de la question litigieuse (ATF 135 I 79 consid. 1.1 p. 81; cf. aussi ATF 131 II 670 consid. 1.2 p. 674; ATF 129 I 113 consid. 1.7 p. 119). Ces conditions sont remplies en l'espèce, dès lors que les autorisations de tir qui sont à la base du présent litige étaient certes valables jusqu'au 31 janvier 2009 seulement, mais que de telles autorisations sont toujours limitées dans le temps. Il y a donc lieu d'admettre la qualité pour recourir de l'ASPO et de Pro Natura au sens de l'art. 89 al. 1 et al. 2 let. d LTF. BGE 136 II 101 S. 104

1.2 En tant qu'il s'en prend à l'arrêt du Tribunal cantonal du 30 octobre 2008, le présent recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF), rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF); en outre, il a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites (art. 42 LTF), de sorte qu'il convient d'entrer en matière.

En revanche, dans la mesure où les recourantes ne s'en prennent pas seulement à l'arrêt attaqué, mais encore à des "décisions des autorités autorisant les tirs de hérons cendrés" dont elles demandent l'annulation, leur recours n'est pas recevable en raison de l'effet dévolutif complet du recours déposé auprès du Tribunal cantonal (cf. ATF 126 II 300 consid. 2a p. 302 s.; ATF 125 II 29 consid. 1c p. 33).

2. Des mesures probatoires devant le Tribunal fédéral ne sont qu'exceptionnellement ordonnées dans une procédure de recours (JEAN-MAURICE FRÉSARD, in Commentaire de la LTF, 2009, n° 9 ad art. 55 LTF), dès lors que le Tribunal fédéral statue et conduit en principe son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (cf. infra, consid. 3).

Les recourantes requièrent la production du dossier du Tribunal cantonal 2A 2007-95/96/97, que ce dernier a déposé au Tribunal fédéral en application de l'art. 102 al. 2 LTF. Elles demandent également l'audition de U.C., de la station ornithologique suisse, sans toutefois motiver leur requête. Il n'y sera pas donné suite, car il n'y a aucun élément dont on puisse inférer des circonstances exceptionnelles justifiant une mesure d'instruction.

3. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral qui comprend les droits de nature constitutionnelle (cf. art. 95 let. a et art. 106 al. 1 LTF), sous réserve des exigences de motivation figurant à l'art. 106 al. 2 LTF. Il y procède en se fondant sur les faits constatés par l'autorité précédente (cf. art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces faits n'aient été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF). Si le recourant entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente (cf. art. 97 al. 1 LTF), il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergent de celui qui est contenu dans l'acte attaqué. En BGE 136 II 101 S. 105

particulier, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (cf. ATF 133 II 249 consid. 1.4 p. 254 s.; ATF 133 IV 286 consid. 6.2 p. 288).

Les recourantes se plaignent d'une constatation manifestement inexacte des faits. Elles s'en prennent aux calculs effectués par la Direction cantonale et confirmés par le Tribunal cantonal, pour admettre que les hérons cendrés faisaient subir aux intimés des dégâts importants. Leur argument consiste toutefois à opposer essentiellement leur appréciation à celle des autorités, critiquant la quantité de poissons touchée et le nombre de hérons actifs dans chaque pisciculture. Une telle argumentation ne permet pas au Tribunal fédéral de conclure que les constatations de fait de l'arrêt attaqué auraient été établies de façon manifestement inexacte ou en violation du droit (cf. art. 105 al. 2 LTF). Ainsi, l'arrêt attaqué, qui a entériné la méthode de calcul appliquée par la Direction cantonale, se base sur le nombre de hérons tirés par année en moyenne, soit 36, 59 et 31 dans chacune des trois exploitations, multiplié par la perte financière causée par un héron. Pour établir cette perte, les autorités ont pris en compte les dégâts causés en un jour par un héron qui se nourrit dans une pisciculture, multipliés par 200 jours. Les recourantes, qui se fondent sur la quantité de poissons mangée par les hérons, oublient que les pertes subies par les intimés ne résultent pas seulement des poissons que les hérons cendrés mangent, mais encore de ceux qu'ils attaquent et laissent blessés ou morts dans les bassins, voire à proximité. Quant au nombre de hérons actifs par pisciculture, si le chiffre retenu peut effectivement sembler élevé, il n'en est pas pour autant insoutenable, compte tenu des oiseaux abattus en moyenne par les intimés.

4.

4.1 Le Tribunal cantonal a estimé en substance que les ordres de tir litigieux ne pouvaient pas être conçus...

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