Arrêt de Tribunal Fédéral, 5 février 1975

ConférencierPublié
Date de Résolution 5 février 1975

Chapeau

101 Ia 502

101-IA-502 80. Arrêt du 5 février 1975 dans la cause Chambre vaudoise immobilière et consorts contre Grand Conseil du canton de Vaud

Faits à partir de page 502

A.- Le Grand Conseil du canton de Vaud a adopté le 5 décembre 1962 un décret concernant la démolition et la transformation de maisons d'habitation. Ce décret soumet à uneBGE 101 Ia 502 S. 503

autorisation de l'Office cantonal du logement (OCL), dans les communes où sévit la pénurie de logements, la démolition totale ou partielle de maisons d'habitation, ainsi que la transformation ou l'utilisation de logements à d'autres fins que l'habitation (art. 1er). En règle générale, l'autorisation est refusée lorsque l'immeuble en cause comprend des logements d'une catégorie où sévit la pénurie (art. 2). L'autorisation est accordée lorsque la démolition apparaît indispensable pour des motifs de sécurité, de salubrité ou d'intérêt général; elle peut l'être à titre exceptionnel, si d'autres circonstances le commandent impérativement (art. 3). En cas de refus d'autorisation, la décision de l'OCL peut faire l'objet d'un recours à la Commission cantonale de recours en matière de démolition et de transformation de maisons d'habitation (art. 6 al. 1). Une amende pouvant aller jusqu'à 10'000 fr. est prévue à l'encontre des contrevenants (art. 9 al. 1).

La Chambre vaudoise immobilière avait formé contre ce décret un recours de droit public que le Tribunal fédéral a rejeté le 8 mai 1963 (RO 89 I 178).

B.- Par décret du 21 novembre 1973, le Grand Conseil a modifié le décret de 1962, en lui donnant un nouvel intitulé ("décret du 5 décembre 1962 concernant la démolition et la transformation de maisons d'habitation et l'utilisation de logements à d'autres fins que l'habitation") et en le complétant par les dispositions nouvelles suivantes:

"Art. 3 al. 2. - L'OCL peut alors soumettre pendant dix ans la

vente par appartement, sous quelque forme que ce soit, à une

autorisation, pour éviter la diminution de logements loués dans une

catégorie où sévit la pénurie. Il peut également contrôler pendant dix ans les loyers des logements qui remplacent ceux qui ont été démolis ou des

immeubles transformés et interdire des augmentations qui iraient à

l'encontre du but visé par le présent décret. Ces restrictions sont

opposables à tout acquéreur de l'immeuble; l'OCL requiert l'inscription de

leur mention au Registre foncier pour la durée de leur validité.

Cette inscription doit être radiée, lorsque la commune où est situé

l'immeuble ne figure plus dans la liste des communes où sévit la pénurie

de logements au sens de l'article premier, alinéa 2, du présent

décret.

Art. 3bis. - Lorsque le mauvais état de l'immeuble est dû à un

défaut d'entretien intentionnel ou résultant de négligence,

l'autorisation sera, en règle générale, refusée.

Toutefois, si des circonstances le justifient, une autorisation pourra

être délivrée, aux conditions que fixera l'OCL, conformément à

l'article 3, alinéa 2.

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Art. 6 al. 1, deuxième phrase. - Les conditions imposées pour

l'octroi de l'autorisation peuvent également faire l'objet d'un recours à

la commission."

Il a enfin porté à 20'000 fr. le montant maximum de l'amende prévue à l'art. 9 al. 1, en ajoutant qu'est également passible d'une amende "celui qui ne respecte pas les conditions fixées à l'autorisation reçue".

C.- Agissant par la voie du recours de droit public, la Chambre vaudoise immobilière, une propriétaire d'immeuble et quatre sociétés immobilières requièrent l'annulation du décret du 21 novembre 1973, soit les art. 3 al. 2 et 3, 3bis, 6 al. 1, 2e phrase et, "dans la mesure où il se réfère à l'art. 3 al. 2", 9 al. 1 nouveau du décret du 5 décembre 1962. Elles allèguent la violation de la force dérogatoire du droit fédéral, de la garantie de la propriété (art. 22ter Cst.) et de l'égalité devant la loi (art. 4 Cst.).

Extrait des considérants:

Considérant en droit: I. (Recevabilité.) II. Force dérogatoire du droit fédéral

  1. La violation du principe de la force dérogatoire du droit fédéral, alléguée par les recourantes contre le décret du 21 novembre 1973, l'avait été aussi dans le recours formé contre le décret de 1962. Mais les dispositions fédérales en vigueur à l'époque ont été abrogées; d'autres dispositions ont en revanche été adoptées depuis lors, notamment l'art. 34septies Cst., accepté en votation populaire du 5 mai 1972, ainsi que l'arrêté fédéral "instituant des mesures contre les abus dans le secteur locatif", du 30 juin 1972 (RS 221.213.1), qui a été ensuite modifié provisoirement par l'arrêté fédéral "sur la surveillance des prix, des salaires et des bénéfices" du 20 décembre 1972 (RS 942.20). D'autre part, la loi fédérale du 24 juin 1970 a complété le code des obligations par l'adjonction des nouveaux articles 267a à 267f, relatifs à la restriction du droit de résilier les baux.

    Les recourantes soutiennent que les modifications introduites par le décret du 21 novembre 1973 seraient en opposition avec ces nouvelles dispositions constitutionnelles et légales fédérales. Il faut relever d'emblée, à la suite de l'arrêt Righi (RO 99 Ia 625), que l'art. 34 septies Cst. ne prive pasBGE 101 Ia 502 S. 505

    ipso facto les cantons de leur compétence de légiférer en la même matière. Il s'agit en revanche d'examiner si le décret vaudois de 1973 est compatible avec les nouvelles dispositions légales fédérales.

    1. Ainsi que le Tribunal fédéral l'a déjà relevé (RO 99 Ia 626), l'arrêté fédéral du 30 juin 1972 contient des règles qui ressortissent en partie au droit public et en partie au droit civil. Il utilise des moyens de droit civil en tant qu'il contient des dispositions dérogeant aux règles du code des obligations sur le bail à loyer; mais il utilise aussi des moyens de droit public, notamment en prévoyant des sanctions pénales dans certains cas particuliers (art. 31 et 32 de l'arrêté). Le but de l'arrêté est décrit dans son art. 1er: il s'agit de "protéger les locataires contre les loyers abusifs ou d'autres prétentions abusives des bailleurs". Selon le message du Conseil fédéral du 24 avril 1972 relatif à cet arrêté, les limitations de la liberté contractuelle dont le principe est déjà consacré par le droit privé (art. 2 al. 2 CC, 19 et 20 CO) doivent être définies spécialement en matière de loyer afin d'améliorer la position juridique du locataire dans les régions où règne la pénurie de logements ou de locaux commerciaux (cf. FF 1972 I 1223). Par la suite, le champ d'application de l'arrêté fédéral du 30 juin 1972 a été étendu à l'ensemble du pays par l'arrêté fédéral urgent du 20 décembre 1972 sur la surveillance des prix, des salaires et des bénéfices, applicable jusqu'au 31 décembre 1975. Dans son message du 4 décembre 1972 relatif à ce dernier arrêté, le Conseil fédéral a notamment relevé que la nécessité de modérer la surexpansion et de combattre les abus était dans l'intérêt majeur du pays et que le critère de la pénurie de logements et de locaux commerciaux devait "passer après des objectifs jouissant d'une priorité encore plus grande et intéressant l'ensemble...

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