Arrêt de Tribunal Fédéral, 15 décembre 1964

ConférencierPublié
Date de Résolution15 décembre 1964

Chapeau

90 II 417

47. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour civile du 15 décembre 1964 dans la cause Etats de Fribourg et de Vaud contre Fibres de verre SA et Höganäsmetoder A.B.

Faits à partir de page 417

BGE 90 II 417 S. 417

Résumé des faits:

A.- La maison Höganäsmetoder A.B., à Höganäs (Suède), fabrique de la bakélite selon un procédé qu'elle a fait breveter dans plusieurs pays, notamment en Suisse. Utilisant cette marchandise comme agglomérant, la maison Fibres de verre SA, à Lucens, a obtenu de Höganäsmetoder A.B. une licence d'exploitation de son brevet. En 1960,BGE 90 II 417 S. 418

sous le contrôle de représentants de la société suédoise, la maison suisse a installé dans son usine de Lucens une cuve destinée à la fabrication du produit breveté.

Le 2 juin 1960, le contenu de cette cuve, soit un mélange de phénol et de formaline additionné d'eau, s'est déversé accidentellement dans le canal d'égouts de l'usine, puis s'est répandu dans la Broye, qui coule à quelque trois cents mètres. Sous l'effet de ces deux substances, tous les poissons de la rivière ont péri sur un tronçon de plus de vingt-trois kilomètres, qui s'étend de Lucens jusqu'au pont de la route reliant St-Aubin à Domdidier et qui fait partie du domaine public des cantons de Fribourg et de Vaud. Selon les estimations des services cantonaux de la pêche, 74 200 kg. de poissons morts ont été recueillis.

Après la pollution, les cantons de Fribourg et de Vaud ont immergé des poissons pour remplacer ceux qui avaient été détruits. Le service fribourgeois de la pêche a mis à l'eau: en 1960, 75 kg. de truites pour 750 fr. ainsi que des truitelles et des ombrettes pour 24 113 fr.; à partir de mars 1961, des estivaux pour 3683 fr. 50. De son côté, l'administration vaudoise a fait jeter dans la Broye: en 1960, 500 kg. de truites pour 5160 fr. et des truitelles pour 7125 fr. 76; depuis septembre 1961, des truitelles pour 13 453 fr. 41.

Le 17 juin 1960, les deux cantons ont chargé l'inspecteur fédéral de la pêche de déterminer le montant des dommagesintérêts auxquels ils avaient droit. Dans son rapport, cet expert est arrivé à la conclusion que les Etats de Fribourg et de Vaud pouvaient prétendre une indemnité de 142 000 fr., savoir 40 000 fr. pour la perte de rendement, 88 000 fr. pour les frais de réempoissonnement extraordinaire et 14 000 fr. à titre de dépenses diverses.

B.- Tous les pourparlers transactionnels ayant échoué, les cantons et les sociétés ont décidé par convention du 25 août 1961 de faire fixer par le Tribunal fédéral, en instance unique, les dommages-intérêts dus par les secondes aux premiers. Ce document précise que les cantons agissent comme créanciers solidaires, la répartition entre eux deBGE 90 II 417 S. 419

l'indemnité litigieuse n'étant pas controversée, et que, de leur côté, les sociétés se reconnaissent solidairement responsables de la pollution de la Broye, mais réservent le règlement ultérieur de leurs rapports internes.

Par demande déposée le 15 novembre 1961, les cantons ont réclamé aux sociétés principalement 208 200 fr., soit la contre-valeur de tous les poissons détruits, y compris les poissons blancs, et les frais occasionnés par l'empoisonnement de la rivière; subsidiairement, ils ont conclu à l'allocation de 142 000 fr., c'est-à-dire le montant arrêté par l'inspecteur fédéral de la pêche.

Dans leur réponse, les défenderesses ont accepté de verser 38 067 fr. 45, représentant la contre-valeur des salmonidés, des brochets, des carpes, des perches et des tanches ainsi que différents frais. En cours d'instance, elles ont payé cette somme, majorée des intérêts. Elles ont contesté devoir en revanche quelque indemnité pour les poissons blancs.

C.- Les deux parties ayant sollicité une expertise, le juge délégué l'a confiée à un collège de trois experts dont le rapport contient notamment les appréciations suivantes:

Après avoir constaté que la Broye a été polluée sur une distance de 24 km. 410 et une surface de 36 ha. 60, les experts fondent leurs calculs sur la quantité des poissons recueillis. Tout en admettant que certains poissons ont échappé au ramassage, ils sont d'avis qu'il s'agit pour la majeure partie de la première classe d'âge. Ils estiment que la faune détruite comprend 3,3% de truites et d'ombres, 0,9% d'autres poissons de qualité et 95,8% de poissons blancs.

Faute d'être propriétaires des poissons vivant dans les eaux publiques, les cantons ne sauraient prétendre la contrevaleur de tous ceux qui ont péri. En revanche, ils peuvent faire valoir trois éléments de dommage: 1o les frais extraordinaires exigés par le repeuplement de la rivière; 2o la diminution du rendement de la pêche; 3o les autres frais résultant de la pollution. Ils n'ont cependant droit à des dommages-intérêts pour perte de rendement que dans la mesure où ils appliquent le système des permis de pêche;BGE 90 II 417 S. 420

s'ils...

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