Arrêt de Ire Cour de Droit Civil, 14 février 1956

ConférencierPublié
Date de Résolution14 février 1956
SourceIre Cour de Droit Civil

Chapeau

82 II 238

35. Arrêt de la Ire Cour civile du 14 février 1956 dans la cause Weill contre Witz et Neuffer, société en nom collectif.

Faits à partir de page 239

BGE 82 II 238 S. 239

A.- La société en nom collectif Witz et Neuffer, à Genève, s'occupe d'importations et d'exportations. En 1947, elle entra en relation avec Eugène Weill, à Berne, qui importe également des marchandises diverses.

En avril 1947, Witz et Neuffer achetèrent à Weill des stylographes à bille importés des Etats-Unis d'Amérique. Ils confirmèrent ce contrat par une lettre du 29 avril 1947, qui fut contresignée par Weill et qui contenait le passage suivant:

"Il a été convenu que vous cédiez à la maison Witz et Neuffer l'exclusivité pour toute la Suisse des Goldballpen marque Erskine. Nous nous sommes engagés à prendre une première quantité de 100 grosses, divisée en deux tranches de 50 grosses, prix fixé à fr. 6,45 pièce, franco Genève, dédouanée".

BGE 82 II 238 S. 240

Pour payer la première tranche de 50 grosses, Witz et Neuffer ouvrirent en faveur de Weill un accréditif irrévocable de 46 440 fr., qui expirait le 30 juin 1947. Cette marchandise fut effectivement livrée et payée. La première facture reçue par les acheteurs porte la date du 7 juin 1947.

Entre temps, Witz et Neuffer s'étaient plaints à Weill, par une lettre du 30 mai, de ce que la maison America-Import, à Lausanne, livrait en Suisse des stylographes Erskine. "Nous sommes obligés de protester, écrivaientils, parce que vous nous avez accordé une exclusivité téméraire, exclusivité que vous n'avez sans doute pas reçue vous-même de votre fabricant; nous vous rendons attentif à cette situation qui est susceptible de nous causer de graves préjudices dont nous serons obligés de vous tenir responsable." Ils confirmèrent ces réclamations le 12 juin, mais, le même jour, ils envoyèrent à Weill une seconde lettre où ils disaient notamment:

"... Si nous vous expliquons notre surprise et notre mécontentement dans cette affaire de plumes, ce n'est pas pour vous en faire grief à vous personnellement ... Nous insistons encore pour vous dire que vous n'y êtes absolument pour rien ... Le fabricant américain se trouvant devant un accréditif utilisable jusqu'à fin juin a ni plus ni moins raisonné de la façon suivante: Puisque je suis sûr d'encaisser le montant des 50 grosses vendues à Monsieur Weill, autant que je fournisse d'abord tous les autres qui sont pressés, puis, avant le 30 juin, j'expédierai les plumes à Monsieur Weill. En se comportant de cette façon, votre fabricant est parfaitement dans ses droits, mais nous avons été lésés par excès de confiance..."

Le 1er juillet, Weill signala à Witz et Neuffer que le fabricant s'était engagé formellement à ne plus livrer de "Goldballpens Erskine" à d'autres clients en Suisse pendant une durée de six mois à compter du moment où les 50 grosses vendues avaient été payées. Jusqu'à fin septembre, Witz et Neuffer adressèrent encore différentes lettres à leur vendeur à propos des stylographes en question, mais ils ne se plaignirent plus de la présence en Suisse de plumes du même modèle.

En octobre 1947, les ingénieurs-conseils Dériaz et Kirker firent paraître dans la presse un avertissement selon lequelBGE 82 II 238 S. 241

ils poursuivraient judiciairement la vente en Suisse de stylographes constituant une contrefaçon de ceux d'Henry-George Martin, titulaire de quatre brevets suisses et de la marque Biro. Witz et Neuffer lui ayant soumis une plume Erskine, Kirker leur déclara qu'elle contrefaisait l'invention protégée par le brevet Martin No 246 017 déposé le 23 mai 1944 et enregistré le 15 décembre 1946. Ils en avertirent Weill par une lettre du 20 novembre et mirent à sa disposition les stylographes dont ils disposaient encore, tout en lui demandant d'en restituer le prix. Ils se heurtèrent à un refus, mais cessèrent cependant de vendre les plumes en cause.

B.- Le 11 novembre 1947, Witz et Neuffer avaient en outre acheté à Weill 2037,7 m. de doublure en soie artificielle, pour le prix de 4 fr. 90 le mètre. Par lettre du 19 novembre, ils s'étaient plaints à Weill de la qualité de la marchandise et lui avaient demandé une diminution du prix. Le vendeur refusa toute réduction et les somma de payer le prix convenu. Mais ils ne s'exécutèrent point.

C.- Par exploit du 4 février 1948, Weill fit assigner la société en nom collectif Witz et Neuffer devant les tribunaux genevois, en concluant à ce qu'elle fût condamnée à lui payer le prix des tissus vendus, savoir 9979 fr. 85, avec intérêt à 5% dès le 15 décembre 1947.

La défenderesse demanda que ce prix fût réduit de 30% et reconnut devoir 6985 fr. 90 pour les tissus qu'elle avait achetés. En outre, elle offrit de restituer à Weill 4338 stylographes et 500 cartouches de rechange qui lui restaient et conclut reconventionnellement à ce qu'il fût condamné à lui rembourser 29 137 fr. 60, prix qu'elle avait payé pour ces marchandises, et à lui verser 6873 fr. 90 pour sa perte de gain ainsi que 7500 fr. pour ses frais de prospection. A l'appui de son action reconventionnelle, la défenderesse soutenait qu'elle n'avait pas bénéficié de l'exclusivité que Weill lui avait garantie et que, d'autre part, elle avait été, en raison du brevet Martin, victime d'une éviction selon les art. 192 et suiv. CO.

BGE 82 II 238 S. 242

Weill conclut au rejet de la demande reconventionnelle.

Par jugement du 13 décembre 1951, le Tribunal de première instance du canton de Genève admit la demande principale à concurrence de 7983 fr. 88 avec intérêt à 5% dès le 15 décembre 1947 et débouta la défenderesse des fins de son action reconventionnelle.

La défenderesse appela de ce jugement. La Cour de justice le confirma en ce qui concerne l'action principale. Quant à la demande reconventionnelle, la juridiction d'appel ordonna, au sujet du brevet Martin, une expertise dont elle chargea MM. Briquet, Bugnion et Micheli, puis une surexpertise qu'elle confia à MM. Extermann, Dumas et Lauber. Les experts conclurent à la nullité du brevet, mais la juridiction cantonale ne partagea pas leur avis. Elle considéra que le brevet Martin était valable et que la plume Erskine constituait une contrefaçon du stylographe qu'il protégeait. Elle en conclut que la défenderesse avait...

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