Arrêt nº 4A 206/2007 de Ire Cour de Droit Civil, 29 octobre 2007

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Date de Résolution29 octobre 2007
SourceIre Cour de Droit Civil

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133 III 675

93. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause X. Assurances contre A. (recours en matière civile)

4A_206/2007 du 29 octobre 2007

Faits à partir de page 676

BGE 133 III 675 S. 676

  1. Le 4 septembre 1997, A. a conclu auprès de X. Assurances un contrat pour l'assurance de voitures automobiles comprenant notamment une assurance accidents des occupants.

    Le 7 décembre 1999, A. a été happée par le véhicule d'un conducteur ivre alors qu'elle se trouvait près de sa voiture. Malgré plusieurs interventions chirurgicales, elle demeure entravée dans ses activités quotidiennes.

  2. X. Assurances ayant décliné toute demande de prestations en arguant que l'accident n'avait pas eu lieu à la suite de l'utilisation du véhicule au sens des conditions générales d'assurance (CGA) applicables, A. a ouvert action en paiement le 22 août 2001 devant le Tribunal civil de l'arrondissement de la Gruyère. A côté de conclusions chiffrées tendant au paiement de diverses sommes au titre d'indemnités journalières et d'hospitalisation calculées jusqu'au 31 août 2001, elle a conclu à ce que X. Assurances fût condamnée à lui BGE 133 III 675 S. 677

    reconnaître devoir ses prétentions en indemnités journalières et d'hospitalisation dès le 1er septembre 2001, ses prétentions tendant au versement de la somme d'assurance pour le cas d'invalidité ainsi que toutes autres prétentions découlant du contrat d'assurance. La défenderesse a conclu au rejet intégral de la demande.

    En cours d'instance, une expertise médicale visant à déterminer le taux d'incapacité de travail de la demanderesse a été mise en oeuvre. L'expertise ayant été administrée et une requête de contre-expertise ayant été rejetée, la demanderesse a déposé le 14 septembre 2005 un mémoire complémentaire, dans lequel elle a pris des conclusions chiffrées. Lors des débats, la défenderesse a conclu au rejet de ces conclusions et a soulevé l'exception de prescription.

    Par jugement du 23 février 2006, le Tribunal a condamné la défenderesse à payer à la demanderesse les sommes de 1'350 fr. et 930 fr. à titre d'indemnités d'hospitalisation, de 22'800 fr. à titre d'indemnités journalières et de 195'000 fr. à titre d'indemnité d'invalidité, avec intérêts. Ce jugement a été confirmé par arrêt rendu le 22 mars 2007 par la Ire Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours en matière civile interjeté par X. Assurances contre l'arrêt du Tribunal cantonal.

    Extrait des considérants:

    Extrait des considérants:

    2.

    2.1 S'agissant de l'exception de prescription soulevée par la défenderesse, l'autorité précédente a retenu que, l'accident ayant eu lieu le 7 décembre 1999, la prescription de deux ans (art. 46 LCA [RS 221.229.1]) avait été interrompue à temps par le dépôt de la demande en justice du 22 août 2001 (art. 135 ch. 2 CO) pour la totalité des prétentions de la demanderesse, et qu'elle avait ensuite été régulièrement interrompue par des actes judiciaires des parties et des ordonnances ou décisions du juge (art. 138 al. 1 CO), les 7 mai 2002 (ordonnance de restriction des débats), 8 novembre 2002 (jugement incident), 29 avril 2004 (ordonnance d'expertise), 4 avril 2005 (décision sur requête de contre-expertise) et 23 février 2006 (jugement au fond).

    2.2 La défenderesse reproche à la cour cantonale d'avoir violé les dispositions en matière de prescription (art. 46 LCA) et d'interruption de la prescription (art. 135 CO). Rappelant que les diverses BGE 133 III 675 S. 678

    prétentions découlant d'un rapport de droit se prescrivent en principe séparément, elle expose qu'il convient d'examiner séparément le cas de l'indemnité d'invalidité d'une part et celui des indemnités journalières et d'hospitalisation d'autre part.

    2.2.1 En ce qui concerne le premier cas, la défenderesse soutient que lors du dépôt de la demande du 22 août 2001, la prescription relative à l'indemnité d'invalidité n'avait pas commencé à courir et n'a donc pas pu être interrompue. En effet, selon la jurisprudence, le délai de prescription de deux ans de l'art. 46 al. 1 LCA court, en matière d'invalidité, du jour où l'invalidité est objectivement acquise (ATF 118 II 447 consid. 3). Or en l'espèce, selon la défenderesse, l'invalidité de la demanderesse aurait été acquise au plus tôt durant l'année 2002 et au plus tard lorsque le conseil de la demanderesse avait requis par courrier du 3 mars 2003 la mise en oeuvre d'une expertise afin de déterminer le taux d'incapacité de travail de sa cliente et produit le 14 avril 2003 une série de pièces en indiquant que sa cliente endurerait vraisemblablement une incapacité permanente. Or ce n'est que par son mémoire complémentaire du 14 septembre 2005 que la demanderesse a chiffré sa prétention relative à l'indemnité d'invalidité en prenant des conclusions à hauteur de 195'000 fr.

    2.2.2 La défenderesse soutient que la prescription relative à l'indemnité d'hospitalisation aurait commencé à courir dès la fin de la période d'hospitalisation, soit dès le 17 octobre 2002. Quant à la prescription pour les indemnités journalières par 3'920 fr. (22'800 fr.-18'880 fr.) relative à la période du 1er septembre 2001 au 31 décembre 2001, elle aurait commencé à courir dès la fin du droit aux indemnités journalières, soit dès le 31 décembre 2001. Or ce n'est que par son mémoire complémentaire du 14 septembre 2005 que le mandataire de la demanderesse a d'une part chiffré sa prétention relative à l'indemnité d'hospitalisation pour la dernière période d'hospitalisation du 17 septembre au 17 octobre 2002 en prenant des conclusions à hauteur de 930 fr., et d'autre part augmenté sa conclusion relative à l'indemnité journalière pour tenir compte de la période du 1er septembre 2001 au 31 décembre 2001.

    2.3

    2.3.1 Aux termes de l'art. 46 al. 1 LCA, les créances qui dérivent du contrat d'assurance se prescrivent par deux ans à dater du fait d'où naît l'obligation. Comme toute prescription, celle de l'art. 46 LCA peut être interrompue lorsque le débiteur reconnaît la dette (art. 135 BGE 133 III 675 S. 679

    ch. 1 CO) ou lorsque le créancier fait valoir ses droits par l'une des voies énumérées par l'art. 135 ch. 2 CO (cf. ATF 118 II 447 consid. 4c p. 458). La prescription est notamment interrompue, avec pour effet qu'un nouveau délai commence à courir dès l'interruption (art. 137 al. 1 CO), lorsque le créancier fait valoir ses droits par une action devant un tribunal. Conformément à l'art. 138 al. 1 CO, elle est ensuite interrompue et recommence à courir, durant l'instance, à compter de chaque acte judiciaire des parties et de chaque ordonnance ou décision du juge (PASCAL PICHONNAZ, Commentaire romand, Code des obligations I, 2003, n. 8 ad art. 138 CO).

    Selon la jurisprudence, il faut considérer comme acte judiciaire d'une partie, au sens de l'art. 138 al. 1 CO, tout acte de procédure relatif au droit invoqué en justice et susceptible de faire progresser l'instance; l'acte devra être de nature formelle, de sorte que les deux parties puissent toujours le constater aisément et sans conteste (ATF 130 III 202 consid. 3.2 et les arrêts cités). La loi sanctionne ainsi l'inaction du créancier (ATF 130 III 202 consid. 3.2 et la jurisprudence citée). En revanche, aussi longtemps que le créancier fait connaître au débiteur son désir d'être satisfait, il ne se justifie pas de faire perdre au créancier son droit de créance (ROBERT K. DÄPPEN, Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 4e éd. 2007, n. 1 ad art. 135 CO; PICHONNAZ, op. cit., n. 1 ad art. 135 CO).

    2.3.2 Lorsque le créancier fait valoir ses droits par des poursuites ou par une action devant un tribunal (art. 135 ch. 2 CO), jurisprudence et doctrine s'accordent pour admettre que la prescription n'est interrompue que jusqu'à concurrence de la somme indiquée (ATF 119 II 339 consid. 1c et les références citées; PICHONNAZ, op. cit., n. 27 ad art. 135 CO). S'il entend sauvegarder ses droits, le créancier qui ne connaît pas encore le montant exact de sa créance doit donc soit interrompre la prescription pour le montant le plus élevé pouvant entrer en ligne de compte, soit accomplir un acte interruptif ne nécessitant pas l'indication d'un montant déterminé, tel que l'action en paiement non chiffrée (art. 42 al. 2 CO) ou l'action en constatation du fondement juridique de la prétention litigieuse (ATF 119 II 339 consid. 1c/aa et les références citées; PICHONNAZ, op. cit., n. 27 ad art. 135 CO; DÄPPEN, op. cit., n. 20 ad art. 135 CO).

    Il convient enfin de rappeler que les diverses prétentions découlant d'un rapport de droit, notamment d'un contrat d'assurance, se prescrivent en principe séparément, hormis lorsque les divers chefs de

    BGE 133 III 675 S. 680

    réclamation, bien que distincts, ont un rapport étroit entre eux (ATF 100 II 42 consid. 2a; ATF 89 II 256 consid. 3 in limine; cf. ATF 119 II 339 consid 1c/aa; PICHONNAZ, op. cit., n. 28 ad art. 135 CO et les références citées).

    2.4 En l'espèce, il est constant que par acte d'ouverture d'action du 22 août 2001, la demanderesse a fait valoir ses prétentions chiffrées relatives au paiement des indemnités journalières et d'hospitalisation jusqu'au 31 août 2001, ainsi que des prétentions, non encore chiffrées, relatives d'une part aux indemnités journalières et d'hospitalisation dès le 1er septembre 2001, et d'autre part au versement de la somme d'assurance pour le cas d'invalidité. Dans cette instance qui portait ainsi sur l'ensemble des prétentions élevées par la demanderesse ensuite de l'accident du 7 décembre 1999, la prescription a été interrompue, par des actes judiciaires des parties et des ordonnances ou décisions du juge, les 7 mai 2002, 8 novembre 2002, 29 avril 2004, 4 avril 2005 et 23 février 2006 (cf. consid. 2.1 supra). Force est dès lors de constater que la durée de deux ans (art. 46 al. 1 LCA) ne s'est jamais écoulée entre deux actes interruptifs de prescription. Les diverses prétentions de la demanderesse ne sont donc pas...

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