Arrêt nº 4A 126/2007 de Ire Cour de Droit Civil, 28 août 2007

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Date de Résolution28 août 2007
SourceIre Cour de Droit Civil

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133 III 598

80. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause X. SA contre Banque Y. SA et Association Z. (recours en matière civile)

4A_126/2007 du 28 août 2007

Faits à partir de page 599

BGE 133 III 598 S. 599

A.

A.a L'Association Z. (ci-après: l'Association) est propriétaire d'un home pour personnes âgées, à Genève.

En 1998, un différend est né entre l'entreprise de construction X. SA et l'Association en relation avec le paiement de travaux de rénovation et d'agrandissement du home effectués par la première.

Le 26 octobre 1998, X. SA a saisi le Tribunal de première instance de Genève d'une demande qui concluait à la condamnation de l'Association à lui payer 1'184'995 fr. plus intérêts à 6,5 % l'an dès le 30 septembre 1998 et à l'inscription définitive d'une hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs sur le bien-fonds de la défenderesse. Celle-ci a conclu à libération.

Une expertise judiciaire a été ordonnée pour déterminer le coût des travaux accomplis par la demanderesse dans le home.

Par jugement du 19 septembre 2002, le Tribunal de première instance de Genève a admis la demande à concurrence de 443'160 fr. 60, plus intérêts à 6,5 % l'an dès le 30 septembre 1998, et ordonné l'inscription définitive du gage à concurrence de ce montant.

Statuant sur l'appel principal de l'Association et l'appel incident de X. SA, la Cour de justice, par arrêt du 14 novembre 2003, a notamment condamné l'Association à verser à X. SA la somme de 591'372 fr. 15, plus intérêts à 6,5 % l'an dès le 30 septembre 1998, sous déduction des acomptes versés en cours de procédure par la

BGE 133 III 598 S. 600

première à la seconde, soit 149'700 fr. le 11 novembre 1998, 86'131 fr. le 19 juillet 2000 et 247'206 fr. 30 le 12 décembre 2002.

Par arrêt du 12 janvier 2005 (affaire 4C.21/2004), le Tribunal fédéral a rejeté le recours en réforme de l'Association et partiellement admis le recours en réforme de X. SA, condamnant l'Association à verser à la demanderesse la somme de 763'446 fr. 05 avec intérêts à 6,5 % l'an dès le 30 septembre 1998, sous déduction des acomptes versés en cours de procédure, à savoir 149'700 fr. le 11 novembre 1998, 86'131 fr. le 19 juillet 2000 et 247'206 fr. 30 le 12 décembre 2002.

A.b Il a été retenu que X. SA et l'Association se sont entendues pour substituer à l'hypothèque légale inscrite sur l'immeuble de celle- ci une garantie bancaire émise par la Banque Y. SA (ci-après: Y.) pour un montant maximum de 680'000 fr., capital, intérêts, frais accessoires et dépens inclus.

A.c Les 18 et 27 janvier 2005, X. SA a adressé à l'Association, respectivement à Y., un bordereau de règlement pour le montant total qui, à son sens, lui restait dû à considérer l'arrêt précité de la juridiction fédérale, lequel représentait en capital, intérêts et dépens la somme de 660'181 fr. 20.

L'Association, par l'entremise de son conseil, a transmis le 1er février 2005 à X. SA et à Y. son propre calcul du montant dû, lequel laissait apparaître un reliquat de 615'308 fr. 42. Le désaccord, par rapport au montant requis par X. SA, portait sur le calcul des intérêts dus à celle-ci en vertu de l'arrêt du Tribunal fédéral du 12 janvier 2005.

Le 4 février 2005, l'Association a fait créditer 615'308 fr. 42 sur le compte de X. SA.

Il s'en est suivi un abondant échange de courriers, au terme duquel chacun a maintenu sa position.

A.d Après lui avoir fait notifier une poursuite, X. SA a assigné Y., par demande du 12 mai 2005 déposée devant le Tribunal de première instance, en paiement d'un montant de 35'187 fr. 10 plus intérêts à 6,5 % dès le 10 février 2005, l'opposition de la poursuivie étant définitivement levée. X. SA a fait valoir qu'au 31 janvier 2005, d'après la méthode de calcul qu'elle a décrite, elle restait créancière, en capital et intérêts, de 509'392 fr. 50 et que seul un montant de 474'205 fr. 40 avait été reconnu et acquitté, de sorte qu'un solde de 35'187 fr. 10 devait encore lui être payé.

BGE 133 III 598 S. 601

Y. a requis et obtenu l'appel en cause de l'Association.

Y. a conclu au déboutement de X. SA; sur appel en cause, elle a sollicité que l'Association soit tenue de la relever de tout montant qu'elle pourrait être condamnée à verser à X. SA.

Par jugement du 14 septembre 2006, le Tribunal de première instance a condamné Y. à payer à X. SA la somme de 526 fr. 68 avec intérêts à 6,5 % dès le 28 février 2005 et prononcé, à hauteur de ce montant en capital et intérêts, la mainlevée définitive de l'opposition formée par ladite banque à la poursuite que lui avait fait notifier la demanderesse; sur appel en cause, il a débouté Y. de toutes ses conclusions à l'égard de l'Association. Le Tribunal s'est fondé sur l'opinion de divers auteurs pour admettre que si les frais et intérêts d'une dette sont contestés, l'imputation du paiement partiel doit se faire sur le capital de la dette. Appliquant cette doctrine au cas concret, il a considéré que le décompte de la somme encore due à X. SA au 31 janvier 2005, en capital et intérêts, était le suivant:

"Capital

Capital Frs 763'466.05

Acompte du 11.11.98- Frs 149'700.00

Solde capital au 12.11.98 Frs 613'766.05

Acompte du 19.07.00- Frs 86'131.00

Solde Capital au 20.07.00 Frs 527'635.05

Acompte du 12.12.02- Frs 247'206.30

Solde capital au 13.12.02 Frs 280'428.75

Solde capital au 31.01.05 Frs 280'428.75

Intérêts

Intérêts à 6,5 % du 30.09.98 au 11.11.98,

soit 42 jours, sur Frs 763.466.05 Frs 5'710.30

Intérêts à 6,5 % du 12.11.98 au 19.07.00,

soit 616 jours, sur Frs 613'766.05 Frs 67'329.29

Intérêts à 6,5 % du 20.07.00 au 12.12.02,

soit 876 jours, sur Frs 527'635.05 Frs 82'311.06

Intérêts à 6,5 % du 13.12.02 au 31.01.05,

soit 780 jours, sur Frs 280'428.75Frs 38'952.70

Total intérêts au 31.01.05 Frs 194'303.35

Total en capital et intérêts au 31.01.05 Frs 474'732.10".

Comme Y. s'était acquittée d'une somme de 474'205 fr. 42, la demanderesse, selon le Tribunal, restait créditrice de 526 fr. 68 (474'732 fr. 10 - 474'205 fr. 42).

BGE 133 III 598 S. 602

Dans le cadre de l'appel en cause, le Tribunal a déclaré que Y. n'avait pas prouvé sur quel fondement juridique l'Association devrait être condamnée à relever ladite banque du montant de 526 fr. 68 dont celle-ci a été reconnue débitrice envers la demanderesse.

B. Saisie d'un appel de X. SA, la Cour de justice du canton de Genève, par arrêt du 16 mars 2007, a confirmé le jugement précité.

C. X. SA interjette un recours en matière civile contre l'arrêt précité. Elle reprend ses conclusions de première instance.

Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Extrait des considérants:

Extrait des considérants:

4. Dans son arrêt 4C.21/2004 du 12 janvier 2005, le Tribunal fédéral a condamné l'Association à verser à X. SA le montant de 763'446 fr. 05 plus intérêts à 6,5 % l'an dès le 30 septembre 1998. Le présent litige porte sur la manière dont il y a lieu d'imputer sur cette somme les trois acomptes versés par l'Association à la demanderesse les 11 novembre 1998, 19 juillet 2000 et 12 décembre 2002, qui se montent respectivement à 149'700 fr., 86'131 fr. et 247'206 fr. 30.

4.1

4.1.1 Il convient tout d'abord de faire porter l'analyse sur le mécanisme du paiement partiel instauré par l'art. 69 CO, qui est plus complexe qu'il n'y paraît à première vue.

L'art. 69 al. 1 CO dispose que le créancier peut refuser un paiement partiel, lorsque la dette est liquide et exigible pour le tout. En d'autres termes, le créancier a le droit de ne pas accepter une prestation partielle si la dette est certaine quant à son existence et déterminée quant à sa quotité et si, cumulativement, elle peut être réclamée immédiatement au débiteur, sans terme ni condition (FABIENNE HOHL, Commentaire romand, n. 4 ad art. 69 CO et n. 3 ad art. 75 CO).

Cette disposition, en limitant les droits du débiteur, avantage le créancier, dont l'intérêt économique évident est de recevoir en une fois la totalité des prestations qui lui sont dues, singulièrement pour les dettes d'argent, sans devoir souffrir des paiements partiels(MARIUS SCHRANER, Commentaire zurichois, n. 6 et 30 ad art. 69 CO; ROLF H. WEBER, Commentaire bernois, n. 5 ad art. 69 CO; URS LEU, Commentaire bâlois, 4e éd., n. 2 ad art. 69 CO; HUGO OSER/WILHELM SCHÖNENBERGER, Commentaire zurichois, 1929, n. 4 ad art. 69 CO).

4.1.2 BGE 133 III 598 S. 603

Le principe de l'art. 69 al. 1 CO, qui permet au créancier de refuser une prestation partielle, peut être écarté par la convention des parties (cf. SCHRANER, op. cit., n. 22 ad art. 69 CO; HOHL, op. cit., n. 5 ad art. 69 CO; WEBER, op. cit., n. 11 ad art. 69 CO).

Le principe de la bonne foi (art. 2 CC) peut également commander au créancier de consentir à une prestation partielle, si par exemple celle-ci ne diffère que fort peu de l'exécution totale de l'obligation (ATF 75 II 137 consid. 4d p. 143; SCHRANER, op. cit., n. 29 ad art. 69 CO; WEBER, op. cit., n. 45 et 46 ad art. 69 CO).

En outre, certaines règles légales imposent au créancier d'accepter un paiement partiel: c'est le cas notamment en droit des papiers-valeurs (art. 1029 al. 2 et 1143 al. 1 ch. 8 CO), en matière de cautionnement (cf. art. 504 al. 1, 2e phrase, CO), en droit de l'exécution forcée (art. 123, 143a et 156 LP) ainsi qu'en droit des successions (art. 639 al. 2 CC; cf. sur tous ces points, SCHRANER, op. cit., n. 24 à 27 ad art. 69 CO; WEBER, op. cit., n. 41 à 44 ad art. 69 CO; HOHL, op. cit., n. 5 ad art. 69 CO).

La doctrine professe enfin que l'art. 69 al. 1 CO impose au créancier de recevoir une prestation partielle si le débiteur admet une partie de la créance et conteste le solde qui lui...

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