Arrêt nº 7B.2/2007 de Chambre des Poursuites et Faillittes, 15 août 2007

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Date de Résolution15 août 2007
SourceChambre des Poursuites et Faillittes

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Chapeau

134 III 122

22. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause Moscow Center for Automated Air Traffic Control contre Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de Genève (recours LP)

7B.2/2007 du 15 août 2007

Faits à partir de page 123

BGE 134 III 122 S. 123

  1. A la requête de la Compagnie Noga d'Importation et d'Exportation SA (ci-après: Noga), l'Office des poursuites de Genève (ci-après: l'Office) a notifié, le 27 février 2003, à la Fédération de Russie un commandement de payer (poursuite n° 03 116062 A) en recouvrement de 1'185'600'000 fr. plus intérêts à 5 % dès le 31 juillet 2002, correspondant à la contre-valeur de 800'000'000 USD dus en vertu d'un Protocole d'accord conclu entre les parties le 31 juillet 2002. Cet acte de poursuite a été frappé d'opposition.

    Par jugement du 7 juillet 2003, le Tribunal de première instance du canton de Genève a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition.

    Le 30 juillet 2003, la Fédération de Russie a soumis le litige à la Cour internationale d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale, conformément au Protocole d'accord du 31 juillet 2002.

    Par courriers des 18 août 2003 et 2 octobre 2003, la Fédération de Russie a retiré l'appel qu'elle avait interjeté contre le jugement de mainlevée provisoire ainsi que l'action en libération de dette qu'elle avait introduite devant le Tribunal de première instance.

    B.

    B.a Le 12 septembre 2005, Noga a adressé à l'Office une réquisition de continuer la poursuite n° 03 116062 A et de procéder à une saisie définitive, ainsi qu'une réquisition de convertir en saisie définitive le séquestre n° 03 070378 G, ordonné le 22 décembre 2003 sur les avoirs de la Fédération de Russie auprès de CIM Banque et d'UBS SA, et validé par la poursuite n° 03 116062 A.

    BGE 134 III 122 S. 124

    Le 3 novembre 2005, l'Office a signifié à IATA International Air Transport Association à Genève (ci-après: IATA) qu'il saisissait en ses mains tous les biens, actifs, actions, titres au porteur, obligations, etc. qu'elle pourrait détenir pour le compte de la Fédération de Russie en son nom propre ou comme ayant droit économique par le truchement de personnes physiques et morales et toute créance dont la Fédération de Russie serait titulaire à son égard en son nom propre ou comme ayant droit économique par le truchement de personnes physiques ou morales, à quelque titre que ce soit, à concurrence de 1'378'594'263 fr.

    Le 28 novembre 2005, Moscow Center for Automated Air Traffic Control (ci-après: MAATC), qui revendique la propriété des avoirs saisis en mains de IATA, a porté plainte auprès de la Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de Genève (ci-après: la Commission de surveillance) contre l'avis de saisie du 3 novembre 2005, pour violation des art. 89 ss LP et de l'art. 92 al. 2 ch. 11 LP.

    B.b Parallèlement, le 24 novembre 2005, la Fédération de Russie a saisi la Commission de surveillance d'une dénonciation et, à titre subsidiaire, d'une plainte contre la décision de l'Office de donner suite aux réquisitions de continuer la poursuite. Par décision du 9 mars 2006, la Commission de surveillance a rejeté tant la dénonciation que la plainte.

    Contre cette décision, la Fédération de Russie a formé un recours de droit public au Tribunal fédéral et un recours auprès de la Chambre des poursuites et des faillites du Tribunal fédéral.

    Par ordonnance du 5 avril 2006, la Commission de surveillance a suspendu la procédure de plainte formée par MAATC jusqu'à droit jugé par le Tribunal fédéral sur les recours interjetés par la Fédération de Russie.

    Par arrêt du 21 septembre 2006, le Tribunal fédéral a rejeté le recours de droit public; le même jour, la Chambre des poursuites et des faillites a partiellement admis le recours et réformé la décision attaquée en ce sens que les réquisitions de continuer la poursuite n° 03 116062 A ont été rejetées et que la saisie opérée auprès de CIM Banque et d'UBS SA demeurait provisoire (arrêt 7B.55/2006).

  2. A la suite de ces arrêts, la Commission de surveillance a repris la procédure de plainte déposée par MAATC. Par décision du 14 BGE 134 III 122 S. 125

    décembre 2006, elle a rejeté la plainte et a précisé que, conformément à l'arrêt de la Chambre des poursuites et faillites du Tribunal fédéral du 21 septembre 2006, la saisie opérée en mains de IATA demeurait provisoire.

  3. Contre cette décision, MAATC forme un recours auprès de la Chambre des poursuites et faillites du Tribunal fédéral; elle conclut principalement à la constatation de la nullité de la décision du 14 décembre 2006, subsidiairement à son annulation et à la libération des avoirs saisis, plus subsidiairement à l'annulation de la décision et au renvoi de la cause à la Commission de surveillance.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

    Extrait des considérants:

    Extrait des considérants:

    4. La recourante se plaint tout d'abord d'une "application erronée des art. 89 ss LP"; elle soutient en substance qu'elle est une personne morale distincte de la Fédération de Russie et que seuls les biens appartenant juridiquement à cet Etat pourraient être saisis, à l'exclusion de ceux dont il ne serait au mieux que l'ayant droit économique.

    4.1 Il découle des art. 95 al. 3 et 106 al. 1 LP qu'il est possible de saisir les biens que le débiteur désigne comme appartenant à un tiers et ceux que des tiers revendiquent, à titre de propriété, de gage ou d'un autre droit qui s'oppose à la saisie ou qui doit être pris en considération dans la suite de la procédure d'exécution. En principe, la saisie de ces biens n'est possible qu'en dernier lieu, lorsque les autres biens saisissables sont insuffisants pour couvrir la créance; l'autorité cantonale a démontré que cette condition était réalisée et la recourante ne le conteste pas. Au surplus, l'ordre prévu à l'art. 95 LP n'est qu'une directive adressée à l'office (ATF 115 III 45 consid. 3a p. 50), lequel peut s'en écarter lorsque les circonstances le justifient (art. 95 al. 4bis LP).

    4.2 Les règles de la saisie n'obligent pas l'office à refuser la mise sous main de justice d'un bien tant que son appartenance au débiteur n'est pas rendue vraisemblable; au contraire, l'office doit saisir tous les biens que le créancier déclare propriété de son débiteur, à moins que les droits préférables d'un tiers ne puissent d'emblée être établis de manière indiscutable; des doutes ou des litiges sur la propriété des choses ou des droits à saisir n'entraînent pas la nullité de la mesure, mais obligent uniquement l'office à ouvrir une BGE 134 III 122 S. 126

    procédure en revendication au sens des art. 106 à 109 LP (ATF 107 III 33 consid. 5 p. 38 s. et les références; GILLIÉRON, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, tome II, n. 54 ad art. 95 LP). En pratique, l'office ne saisit de tels biens que s'il acquiert la conviction qu'ils appartiennent au poursuivi ou si leur condition juridique apparaît incertaine ou si le poursuivant le requiert expressément et rend vraisemblable que les présomptions de propriété peuvent être renversées (ATF 132 III 281 consid. 2.2 p. 284 et les références). L'office ne doit procéder qu'à un examen sommaire sans se prononcer sur l'existence des droits invoqués à l'appui des diverses revendications (GILLIÉRON, loc. cit.). Il doit toutefois saisir en premier lieu les biens dont la revendication paraît la moins fondée (ATF 120 III 49 consid. 2a p. 51).

    Dans ce domaine, le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral est limité à l'abus ou à l'excès du pouvoir d'appréciation (ATF 132 III 281 consid. 2.1 p. 283 s.; GILLIÉRON, op. cit., n. 61 ad art. 95 LP); il n'intervient donc que si l'autorité cantonale a retenu des critères inappropriés, n'a pas tenu compte ou n'a pas procédé à un examen complet des circonstances pertinentes, n'a pas usé de critères objectifs, a rendu une décision déraisonnable, contraire au bon sens ou heurtant le but de la procédure de poursuite, voire arbitraire (ATF 130 III 90 consid. 1 p. 92 et les références).

    4.3 En l'espèce, l'autorité cantonale s'est fondée sur un avis de droit, produit par Noga, selon lequel la recourante est une entité gouvernementale subordonnée à l'Etat russe, dont les actifs qui lui sont confiés sont considérés comme propriété de l'Etat en vertu du droit russe. La Commission de surveillance en a déduit que, malgré les trois avis de droit en sens contraire produits par la plaignante, les fonds saisis ne paraissaient pas appartenir manifestement à la plaignante; la saisie - provisoire - était donc possible en application de l'art. 95 al. 3 LP.

    BGE 134 III 122 S. 127

    Dans sa réponse, la Fédération de Russie fait observer que l'avis de droit produit par la recourante émane d'un avocat appartenant au cabinet habituellement mandaté par Noga en Russie, que celui-ci, contrairement aux auteurs des avis de droit en sens contraire, n'est pas spécialiste en droit aérien et que son avis est lacunaire. Ces allégations, qui reposent sur des faits ne ressortant pas des constatations de l'autorité cantonale, ne sauraient être prises en considération (art. 63 al. 2 OJ applicable par analogie en vertu de l'art. 81 OJ). Au demeurant, de la simple lecture des statuts de la recourante, selon la traduction qu'elle en a elle-même fournie, il ressort qu'elle est une "personne morale ayant la forme juridique d'une entreprise d'Etat qui fait partie de la propriété fédérale de la Fédération de Russie" (art. 1.3) et que son patrimoine constitue "une propriété fédérale mise à la disposition de l'entreprise" qui a certes le droit d'en jouir sans restriction dans le cadre de son activité économique (art. 3.2), mais ne peut en disposer que dans certaines limites légales ou conventionnelles (art. 3.4).

    La recourante peut ainsi revêtir l'apparence d'une émanation de l'Etat russe. L'obligation d'instruire des autorités de poursuite ne saurait aller au-delà. En l'état, la...

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