Arrêt nº 5A.35/2006 de IIe Cour de Droit Civil, 5 juin 2007

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Date de Résolution 5 juin 2007
SourceIIe Cour de Droit Civil

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Chapeau

133 III 562

73. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause A. SA et B. SA contre C. ainsi que Tribunal administratif du canton de Vaud (recours de droit administratif)

5A.35/2006 du 5 juin 2007

Faits à partir de page 563

BGE 133 III 562 S. 563

La société anonyme B., dont le capital-actions est entièrement détenu par la société anonyme D., est propriétaire des immeubles agricoles nos 581, 2357 et 2370 du Registre foncier de Y., formant un domaine de 50'000 m2 de terres, sans les forêts et les bâtiments.

Envisageant une modification au sein de ses actionnaires, B. a décidé de transférer les biens-fonds précités à la société anonyme A., dont le capital-actions est également entièrement détenu par D., ce afin de les conserver dans le patrimoine de ses actionnaires actuels.

Le 29 juillet 2005, elle a fait paraître un appel d'offres public dans la feuille officielle pour le prix de 1'500'000 fr.

  1. a fait une offre d'achat de 1'510'000 fr.; elle a indiqué avoir l'intention d'exploiter un élevage de chevaux de trait.

    Statuant sur requête de A. le 21 septembre 2005, la Commission foncière rurale du canton de Vaud a accordé l'autorisation d'acquérir les parcelles concernées pour le prix de 1'500'000 fr. et rejeté, sans motif, l'offre de C. Elle a ultérieurement précisé que l'opération constituait une vente à soi-même, en principe autorisée, B. et A. étant détenues par le même actionnaire; elle n'a donc pas appliqué l'art. 64 al. 1 let. f LDFR, ni ne s'est prononcée sur la qualification d'exploitante à titre personnel de C.

    Le 20 novembre 2006, le Tribunal administratif du canton de Vaud a admis le recours de C. et, réformant la décision attaquée, a refusé l'autorisation d'acquérir à A.

  2. et A. interjettent un recours de droit administratif au Tribunal fédéral, concluant principalement à l'octroi de l'autorisation d'acquérir et, subsidiairement, à l'annulation de l'arrêt attaqué pour nouvelle instruction et application de la clause générale de l'art. 64 al. 1 LDFR, subsidiairement de l'art. 64 al. 1 let. f LDFR.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours, annulé l'arrêt du Tribunal administratif ainsi que la décision de la Commission foncière rurale et renvoyé la cause à cette dernière autorité pour complément d'instruction et nouvelle décision.

    Extrait des considérants:

    Extrait des considérants:

    4.

    4.1 Le Tribunal administratif vaudois a considéré qu'il n'y avait, en l'espèce, pas à proprement parler de "vente avec soi-même", ainsi

    BGE 133 III 562 S. 564

    que l'avait jugé la commission foncière, les parties au contrat étant deux personnes morales distinctes; il y avait en revanche un transfert de propriété au sens de l'art. 61 al. 3 de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur le droit foncier rural (LDFR; RS 211.412.11), sujet à autorisation conformément à l'art. 61 al. 1 LDFR. Par ailleurs, le fait qu'il y ait, sur le plan économique, identité entre l'aliénatrice et l'acquéresse ne justifiait pas une exception au principe de l'exploitation à titre personnel (art. 64 al. 1 LDFR); le désir de l'actionnaire unique de conserver la propriété économique des biens-fonds dans la perspective d'une aliénation partielle ou totale du capital-actions de B. par le moyen d'un transfert des immeubles à A. ne constituait pas en soi un juste motif. Cela étant, l'autorité cantonale a réformé la décision attaquée en ce sens que l'autorisation d'acquérir les parcelles litigieuses a été refusée.

    4.2 Les recourantes prétendent que l'opération envisagée ne constitue pas une aliénation soumise à autorisation au sens de l'art. 61 LDFR. Elles soutiennent que celle-là ne peut être qualifiée de vente, dès lors que le "domaine agricole" est transféré à une société, propriété du même groupe, de façon à ce qu'il reste dans le giron de la même entité économique; sans ce transfert, la vente de B. entraînerait la prise de possession du "domaine" par un tiers. Dans le cas où cette thèse ne serait pas suivie, les recourantes se prévalent d'un juste motif au sens de l'art. 64 al. 1 LDFR; l'aliénation des immeubles litigieux n'engendrerait aucune modification des terrains appartenant à des exploitants à titre personnel, ne soustrairait rien à l'agriculture et serait ainsi neutre sur le plan agricole. Les recourantes exposent enfin qu'à défaut, l'autorité cantonale devait examiner la question de l'art. 64 al. 1 let. f LDFR; à cet égard, elles soulignent que l'intimée n'est pas une exploitante à titre personnel au sens de l'art. 9 LDFR, élève quelques chevaux, sans qu'il y ait un quelconque besoin relevant de l'agriculture, dans le cadre d'une activité qui s'apparente à un hobby et n'entend pas cultiver elle-même les terrains agricoles. Elles précisent encore que les 50'000 m2 de terres sont loués à un fermier.

    4.3 Sous réserve des exceptions prévues par l'art. 62 LDFR, celui qui entend acquérir une entreprise ou un immeuble agricole doit obtenir une autorisation (art. 61 al. 1 LDFR). Selon l'art. 61 al. 3 LDFR, sont des acquisitions le transfert de la propriété ainsi que tout autre acte juridique équivalant économiquement à un tel transfert (ATF 127 III 90 consid. 5 p. 97). Le but de l'assujettissement à BGE 133 III 562 S. 565

    autorisation est de garantir que le transfert de propriété corresponde aux objectifs du droit foncier rural, au premier rang desquels figure la concrétisation du principe de l'exploitation à titre personnel (ATF 132 III 658 consid. 3.3.1 p. 659).

    En l'espèce, B. veut transférer la propriété des immeubles agricoles à une personne morale différente, A. A cet effet, elle doit conclure un contrat de vente avec cette dernière société, puis requérir du conservateur du registre foncier l'inscription de la nouvelle propriétaire. Il y a donc bien un transfert de propriété ("Eigentumsübertragung") au sens des droits réels et, partant, une acquisition selon l'art. 61 al. 3 LDFR. Aucune des exceptions de l'art. 62 LDFR n'étant invoquée, ni réalisée, l'opération envisagée est donc soumise à autorisation.

    4.4 L'autorisation doit en principe être refusée lorsque l'acquéreur n'est pas exploitant à titre personnel (art. 63 al. 1 let. a LDFR). Elle est néanmoins accordée si ce dernier prouve l'existence d'un juste motif au sens de l'art. 64 al. 1 LDFR.

    4.4.1 Selon la jurisprudence, l'art. 64 al. 1 LDFR contient, d'une part, aux lettres a à g un catalogue non exhaustif d'exceptions au principe de l'exploitation à titre personnel et, d'autre part, une clause générale de "juste motif" fondant l'octroi d'une autorisation. Il s'agit là d'une notion juridique indéterminée, qui doit être concrétisée en tenant compte des circonstances du cas particulier et des objectifs de politique agricole du droit foncier rural. Le juste motif peut être réalisé dans la personne du (ou des) acquéreur(s) ou dans les circonstances objectives du cas d'espèce...

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