Arrêt nº 4C.379/2006 de Ire Cour de Droit Civil, 22 mai 2007

Date de Résolution22 mai 2007
SourceIre Cour de Droit Civil

Tribunale federale

Tribunal federal

{T 0/2}

4C.379/2006 /ech

Séance du 22 mai 2007

Ire Cour de droit civil

Composition

MM. et Mmes les Juges Corboz, président, Klett, Favre, Kiss et Mathys.

Greffière: Mme Cornaz.

Parties

X.________,

demandeur et recourant, représenté par Me François Membrez,

contre

Y.________,

République de Tunisie,

défendeurs et intimés.

Objet

for de nécessité; immunité de juridiction,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre

civile de la Cour de justice du canton de Genève

du 15 septembre 2006.

Faits :

A.

X.________, né en Tunisie en juillet 1957, vit actuellement avec son épouse et leurs quatre enfants à Genève, où il a obtenu l'asile politique en novembre 1995.

Le 22 avril 1992, X.________ aurait été arrêté en Italie, où il résidait légalement, par la police italienne qui l'aurait conduit au consulat d'Italie à Gênes, où il se serait vu remettre un acte d'accusation selon lequel il constituait un danger pour la sécurité de l'État italien. Il aurait ensuite été ramené à Tunis par des agents tunisiens, où il aurait été arbitrairement détenu et séquestré dans les locaux du Ministère de l'intérieur de la République de Tunisie du 24 avril au 1er juin 1992, sur ordre de Y.________, alors Ministre de l'intérieur. Au cours de cette détention, X.________ aurait été psychologiquement et physiquement torturé, sur ordre de Y.________.

Selon un rapport médical du 12 juin 2002, X.________ présentait un ensemble de lésions somatiques et de troubles psychologiques composant un tableau clinique fréquemment retrouvé chez les personnes victimes de violence systématique. Le lien de causalité entre les sévices décrits ainsi que les lésions somatiques et troubles psychologiques a été estimé plausible.

D'après un rapport du 19 novembre 1998 du Comité contre la torture des Nations Unies, les victimes d'actes de torture et d'autres traitements cruels et dégradants commis en Tunisie se heurtaient à des pressions et mesures d'intimidation pour les empêcher de déposer plainte. Selon une attestation du 8 juillet 2003 d'un membre du Centre tunisien pour l'indépendance de la magistrature et des avocats, il était à cette époque dangereux, pour les victimes de violations des droits de l'homme, de tenter d'obtenir, de la part de la République de Tunisie, une réparation judiciaire pour les atteintes subies dans ce pays. Les actions n'aboutiraient jamais et exposeraient les familles des victimes, ainsi que leurs avocats, à des représailles de la part des agents de l'État tunisien.

Le 22 juillet 2003, X.________ a demandé à un avocat tunisien de le représenter dans le but d'introduire une action civile en dommages-intérêts contre Y.________ et la République de Tunisie. Le 28 juillet 2003, l'avocat a informé X.________ que ce type d'action n'avait jamais abouti et lui a conseillé de ne pas déposer une telle requête.

B.

Le 8 juillet 2004, X.________ a assigné civilement Y.________ et la République de Tunisie devant les juridictions genevoises, en paiement de 200'000 fr. à titre de réparation du tort moral subi lors de sa détention dans les locaux du Ministère de l'intérieur en 1992. Bien que régulièrement convoqués, Y.________ et la République de Tunisie ont fait défaut.

Par jugement du 15 septembre 2005, le Tribunal de première instance du canton de Genève a déclaré la demande de X.________ irrecevable, en raison de l'incompétence territoriale des juridictions suisses, les conditions d'application des art. 2, 3 et 129 LDIP n'étant pas remplies. En particulier, le for de nécessité devait être nié. En effet, la totalité des actes pour les suites desquels X.________, ressortissant tunisien, réclamait une indemnité pour tort moral, lui auraient été infligés, selon ses dires, en Tunisie, au sein des locaux du Ministère de l'intérieur tunisien, par l'État Tunisien et ses agents et le seul fait qu'à raison de ces actes, X.________ ait requis et obtenu l'asile politique en Suisse, pays dans lequel il était domicilié depuis lors, ne constituait pas un lien de rattachement suffisant avec la Suisse.

Statuant sur appel de X.________ par arrêt du 15 septembre 2006, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a confirmé le jugement du 15 septembre 2005, mais par substitution de motifs, puisqu'elle a fondé l'irrecevabilité de la demande sur l'immunité de juridiction des États étrangers et de leurs agents, que l'État étranger pouvait invoquer vis-à-vis de l'État du for, même lorsqu'était alléguée la commission d'actes de torture perpétrés sur le territoire de celui-là.

C.

X.________ (le demandeur) interjette le présent recours en réforme au Tribunal fédéral. Soutenant d'une part que Y.________ et la République de Tunisie ne doivent pas être mis au bénéfice...

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