Arrêt nº 5C.36/2007 de IIe Cour de Droit Civil, 10 mai 2007

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Date de Résolution10 mai 2007
SourceIIe Cour de Droit Civil

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133 III 593

79. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause Association Rhino contre SI Boulevard de la Tour 14 SA et Vergell Casa SA (recours en réforme)

5C.36/2007 du 10 mai 2007

Faits à partir de page 593

BGE 133 III 593 S. 593

La recourante Association RHINO est une association au sens des art. 60 ss CC, non inscrite au registre du commerce et dont les buts statutaires sont les suivants:

"L'Association a pour vocation de loger ses membres de façon économique et communautaire selon les modalités du bail associatif défini par le projet RHINO (cf. annexe). Elle favorise notamment une gestion fondée sur des solutions économiques et écologiques.

L'Association s'efforce de soustraire les immeubles qu'elle occupe du marché immobilier et de la spéculation.

L'Association a également pour but la promotion du logement associatif; elle établit les contacts nécessaires afin d'informer et d'encourager d'autres projets de type associatif.

L'Association favorise l'ouverture et le maintien dans ces locaux de lieux ouverts à caractère social ou culturel".

BGE 133 III 593 S. 594

L'annexe aux statuts énonce en substance que l'association a pour but de développer et de pérenniser l'habitat associatif bon marché dans des immeubles situés à Genève. Selon les statuts, la qualité de membre de l'association est réservée aux personnes qui habitent dans les immeubles en question et se perd avec leur déménagement.

Après avoir vainement tenté de nombreuses négociations et engagé des procédures d'évacuation, les propriétaires des immeubles concernés ont, par demande du 4 avril 2005, sollicité la dissolution de l'association au motif que son but était illicite (art. 78 CC). Par jugement du 9 février 2006, le Tribunal de première instance du canton de Genève a prononcé la dissolution de l'association ex nunc, soit dès l'entrée en force du jugement. Saisie d'un appel de l'association et d'un appel incident des propriétaires, la Cour de justice du canton de Genève a, par arrêt du 15 décembre 2006, rejeté l'appel de l'association et admis l'appel incident des propriétaires, prononcé la dissolution de l'association ex tunc, c'est-à-dire à partir du jour de sa création, et renvoyé la cause au premier juge pour désignation du liquidateur et de la corporation publique bénéficiaire de la fortune de l'association.

Le recours en réforme interjeté par l'association auprès du Tribunal fédéral a été rejeté dans la mesure de sa recevabilité.

Extrait des considérants:

Extrait des considérants:

4. Sur le fond, la recourante invoque la violation de l'art. 78 CC, d'une part quant à la licéité de ses buts statutaires et réellement poursuivis, d'autre part quant au principe de la dissolution de l'association.

4.1 En particulier, la recourante fait grief à la cour cantonale d'avoir retenu qu'une partie du deuxième but statutaire ("l'association s'efforce de soustraire les immeubles qu'elle occupe du marché immobilier et de la spéculation") est illicite. Pour sa part, elle distingue dans ce but entre, d'une part, "soustraire les immeubles du marché immobilier et de la spéculation" et, d'autre part, "les immeubles qu'elle occupe", estimant parfaitement licite le premier élément de la distinction, en raison notamment de son droit de lutter pour obtenir des changements législatifs. A cet égard, il est exact qu'il n'est pas interdit en soi de sortir des immeubles du marché afin de combattre la spéculation - c'est souvent le motif qui pousse une collectivité publique, une fondation ou une coopérative d'habitation à acquérir BGE 133 III 593 S. 595

ou à ne pas aliéner des immeubles -, pas plus qu'il n'est interdit d'aspirer à un changement de loi sur ce point. Ce qui est cependant décisif dans les deux cas, c'est le moyen utilisé; c'est aussi pourquoi le but partiel en question ne peut être subdivisé, mais doit être considéré dans son ensemble: il est interdit de procéder à un retrait du marché par une occupation ou de vouloir obtenir de force ou de quelqu'autre manière une modification de loi "légalisant" cette occupation (cf. Hans Michael Riemer, Vereine mit widerrechtlichem Zweck, in RDS 97/1978 I p. 88 s.; idem, Commentaire bernois, n. 43/44 ad art. 76-79 CC). S'agissant de l'occupation en tant que telle, la recourante se prévaut de la durée de la présence des habitants et des travaux d'entretien réalisés par ceux-ci, travaux auxquels les propriétaires ne se seraient jamais opposés, de sorte qu'on serait en présence d'un contrat - de bail ou de prêt - tacite; par ailleurs, aucun jugement entré en force n'aurait condamné les occupants à quitter les lieux. Tout cela ne change cependant rien au fait qu'un but statutaire impliquant l'occupation d'immeubles est illicite.

4.2 En ce qui concerne les buts réellement poursuivis, la recourante se réfère au commentaire de RIEMER (Commentaire bernois, n. 41 ad art. 76-79 CC), qui prévoit qu'en cas d'actes contraires au droit commis par les organes de l'association dans la poursuite du but conforme au droit de celle-ci, c'est selon l'art. 55 al. 2 et 3 CC (action en responsabilité) et non pas selon l'art. 78 CC (dissolution de l'association) qu'il y a lieu en général de procéder. Il échappe cependant à la recourante qu'en l'espèce l'on ne se trouve précisément pas dans un tel cas, mais plutôt dans celui d'une adéquation entre les actes des organes de l'association et le but de celle-ci (cf. le commentaire précité, p. 921).

Pour le surplus, la recourante fait valoir que les habitants occupent les immeubles en cause depuis longtemps grâce à la tolérance des autorités et des propriétaires et qu'ils seraient donc au bénéfice d'un contrat tacite. Cet argument est toutefois contredit par les constatations de la cour cantonale qui retient, de façon à lier le Tribunal fédéral (art. 55 al. 1 let. c et 63 al. 2 OJ), que les membres de la recourante occupent les immeubles sans autorisation et refusent de les libérer, s'opposant à toute évacuation.

4.3 De même, le point de vue de la recourante selon lequel les propriétaires auraient dû tenter d'atteindre leur but par une autre voie (garantie de la propriété privée, actions réelles) est dénué de pertinence, dès lors que la dissolution de la recourante, c'est-à-dire de BGE 133 III 593 S. 596

l'occupante primaire des immeubles selon la décision attaquée, est en tout cas une possibilité légalement admissible de mettre fin à l'occupation. Le point de savoir s'il existerait encore d'autres possibilités à côté de celle-ci est sans importance en l'occurrence.

4.4 La recourante se prévaut également de ce que, en l'espèce, il n'y aurait violation d'aucun droit objectif, mais éventuellement d'un simple droit subjectif. Elle méconnaît cependant que la propriété est aussi protégée contre une occupation comme celle ici en cause par des règles du droit objectif (Cst., CC, CP, etc.). Au demeurant, le cas d'espèce ne se laisse pas comparer avec celui cité par la recourante - local d'un club érigé en violation d'une servitude d'interdiction de construire - dès lors qu'il ne s'agissait pas là du but de l'association.

4.5 Se référant à ANTON HEINI (Das Schweizerische Vereinsrecht...

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