Arrêt nº 6P.136/2005 de Cour de Droit Pénal, 27 février 2006

Date de Résolution27 février 2006
SourceCour de Droit Pénal

Tribunale federale

Tribunal federal

{T 0/2}

6P.136/2005

6S.425/2005 /svc

Arrêt du 27 février 2006

Cour de cassation pénale

Composition

MM. les Juges Schneider, Président,

Wiprächtiger et Kolly.

Greffière: Mme Kistler.

Parties

X.________,

recourant, représenté par Me Jean-Christophe Diserens, avocat,

contre

Ministère public du canton de Vaud,

case postale, 1014 Lausanne,

Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, rte du Signal 8, 1014 Lausanne.

Objet

Procédure pénale; arbitraire, présomption d'innocence, violation du droit d'être entendu (art. 9 Cst. et art. 6 CEDH); violation de l'obligation de tenir une comptabilité (art. 166 CP), fixation de la peine (art. 63 et 64 CP),

recours de droit public et pourvoi en nullité contre

l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud,

Cour de cassation pénale, du 12 juillet 2005.

Faits:

A.

Par jugement du 4 mars 2005, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois a condamné X.________ pour abus de confiance simple et qualifié, gestion fautive et violation de l'obligation de tenir une comptabilité à la peine de deux ans d'emprisonnement, sous déduction de cinquante-neuf jours de détention préventive, peine complémentaire à celle prononcée le 26 janvier 1998 par le Juge d'instruction de l'Est vaudois.

Statuant le 12 juillet 2005 sur les recours en nullité et en réforme déposés par X.________, la Cour de cassation pénale du canton de Vaud a confirmé le jugement du Tribunal correctionnel.

B.

La condamnation du recourant pour abus de confiance qualifié (let. B.b à B.d) et pour violation de l'obligation de tenir une comptabilité (let. B.e) repose notamment sur les fait suivants:

B.a Après avoir obtenu un CFC d'employé de banque, X.________ a travaillé dès 1965 pour le compte de la Banque A.________, au siège de B.________. En 1972, placé à la succursale de F.________, il a obtenu le titre de fondé de pouvoir. Il a dès lors exercé son activité principale comme gérant de fortune. Dès 1979, il a été rappelé au siège central où il a travaillé jusqu'à son départ en mai 1980. En 1982, il a été engagé par la Banque E.________ pour diriger l'agence de C.________. Parallèlement à cette activité, il a administré la société de gestion de fortune qu'il avait créée en 1980, D.________ SA, dont le siège correspondait à celui de l'agence de la Banque E.________. L'activité de représentation de la Banque E.________ était étroitement liée à l'administration de D.________ SA, dans la mesure où les avoirs des clients étaient déposés sur des comptes et des dossiers-titres ouverts auprès de la Banque E.________, à C.________.

Dès fin 1991, les services de contrôle de la Banque E.________ Vaud ont procédé à des vérifications d'opérations qui ont abouti à la fermeture de l'agence de C.________, en décembre 1993. Dans le cadre de cette enquête, il est apparu nombre d'irrégularités formelles, en ce sens que X.________ avait procédé à réitérées reprises à des retraits sur les comptes de la Banque E.________ en ne disposant que de procurations limitées n'autorisant pas ce genre d'opérations.

B.b Entre la fin 1990 et la fin 1991, dans le cadre de la vente de la société SI Z.________ SA, X.________ a détourné un montant total de 252'289 francs au préjudice de K.________, dont il gérait le patrimoine.

Selon le décompte de vente de la société SI Z.________ SA, K.________ devait recevoir en 1988, 432'289 francs à titre de participation au bénéfice de l'opération, dont à déduire 180'000 francs d'honoraires à D.________ SA, soit un solde net de 252'289 francs. Malgré les honoraires déjà reçus en 1987, par 50'000 francs et, en 1988, par 180'000 francs, D.________ SA a encore émis de nouvelles notes d'honoraires en 1990 et 1991, annulant ainsi la totalité de la dette qu'elle avait envers K.________. Ce dernier n'a ainsi jamais reçu le bénéfice sur la vente des actions de la Société SI Z.________ SA qui lui revenait.

B.c Le 1er mai 1991, X.________ a détourné 200'000 francs au préjudice de G.________, dont il gérait le patrimoine. Cet argent a été affecté à sa régie immobilière H.________ et a servi à payer, pour le compte de I.________ et J.________, des honoraires d'administration dans une promotion immobilière dite "L.________".

Le 3 juillet 1991, X.________ a encore prélevé 50'000 francs sur le compte de sa cliente pour ses besoins personnels.

B.d Le 1er mai 1991, X.________ a détourné 200'000 francs au préjudice de M.________, dont il gérait le patrimoine, celle-ci étant la soeur de G.________. Cet argent a été affecté à sa régie immobilière H.________ SA et a également servi à payer des honoraires d'administration facturés à des tiers dans le cadre de la promotion immobilière "L.________".

Le 3 juillet 1991, X.________ a également prélevé 50'000 francs sur le compte de sa cliente pour ses besoins personnels.

B.e Depuis 1995, X.________ était administrateur de la société SI N.________ SA. Il n'a pas tenu ou n'a pas fait tenir de comptabilité, cela jusqu'à la faillite de la société en mars 2000.

Il a été considéré qu'il ne pouvait échapper à X.________ que, par son comportement, il rendait impossible l'établissement de la situation financière exacte de la société.

C.

Contre l'arrêt cantonal, X.________ dépose un recours de droit public et un pourvoi en nullité devant le Tribunal fédéral. Il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué.

Dans le recours de droit public, il se plaint d'arbitraire dans l'établissement des faits. Il invoque son droit d'être entendu et la présomption d'innocence. Il dénonce également l'arbitraire et l'inconstitutionnalité de la situation qui résulte de ce que la loi portant sur la révision de la partie générale du Code pénal votée par le législateur en décembre 2002 et avalisée tacitement par le peuple n'a toujours pas été mise en vigueur par le Conseil fédéral.

Dans le pourvoi, il conteste sa condamnation pour violation de l'obligation de tenir une comptabilité (art. 166 CP). Il reproche à la Cour de cassation cantonale de ne pas avoir appliqué l'art. 64 CP relatif au repentir sincère. Enfin, il se plaint que sa peine fixée à deux ans d'emprisonnement est excessivement sévère. Il estime notamment que les juges cantonaux auraient dû lui infliger une peine compatible avec le sursis.

Le Ministère public vaudois a renoncé à déposer des déterminations.

Le Président de la Cour de cassation du Tribunal fédéral a accordé l'effet suspensif le 5 décembre 2005.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

  1. Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ). Il n'est en revanche pas ouvert pour se plaindre d'une violation du droit fédéral, qui peut donner lieu à un pourvoi en nullité (art. 269 al. 1 PPF); un tel grief ne peut donc pas être invoqué dans le cadre d'un recours de droit public, qui est subsidiaire (art. 84 al. 2 OJ; art. 269 al. 2 PPF).

  2. Se fondant sur l'art. 9 Cst., le recourant fait valoir que la Cour de cassation cantonale aurait établi, de manière arbitraire, les faits à la base de sa condamnation.

    2.1 Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; à cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si elle apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 131 I 57 consid. 2 p. 61; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9).

    Lorsque le recourant - comme c'est le cas en l'espèce - s'en prend à l'appréciation des preuves et à l'établissement des faits, la décision n'est entachée d'arbitraire que si le juge ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un moyen de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'il se trompe manifestement sur le sens et la portée d'un tel élément, ou encore lorsqu'il tire des déductions insoutenables à partir des éléments recueillis (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 I 208 consid. 4a p. 211).

    2.2 Sur les questions relatives à l'établissement des faits et à l'appréciation des preuves, la Cour de cassation vaudoise a une cognition semblable à celle du Tribunal fédéral, qui est appelé à les résoudre sous l'angle de l'art. 9 Cst. (cf. art. 411 let. h et i CPP/VD; Roland Bersier, Le recours à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal en procédure vaudoise, in JdT 1996 III 65 ss, p. 79-84). Il ne s'ensuit pourtant pas que le Tribunal fédéral doive se limiter à examiner sous l'angle de l'arbitraire si l'autorité cantonale de recours est elle-même tombée dans l'arbitraire. Ce mode de faire réduirait pratiquement à néant le rôle assigné dans ce domaine au juge constitutionnel de la Confédération. Il appartient au contraire à celui-ci d'examiner sans réserve l'usage que l'autorité cantonale de cassation a fait de sa cognition limitée (ATF 125 I 492 consid. 1a/cc p. 494; 111 Ia 353 consid. 1b p. 355). L'examen du Tribunal fédéral saisi d'un recours de droit public ayant pour objet la constatation des faits et l'appréciation des preuves, dirigé contre l'arrêt d'une autorité de cassation qui n'a pas une cognition inférieure à la sienne, portera concrètement sur l'arbitraire du jugement de l'autorité inférieure, question qu'il lui appartient d'élucider à la seule lumière des griefs soulevés dans l'acte de recours (ATF 125 I 492 consid. 1a/cc et 1b p. 495).

  3. En relation avec les deux prélèvements de 200'000 francs effectués le 1er mai 1991 dans les comptes de G.________ et de M.________, le recourant soutient que la Cour de cassation cantonale est tombée dans l'arbitraire en omettant de citer l'intégralité des...

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