Arrêt nº 5A.16/2005 de IIe Cour de Droit Civil, 15 décembre 2005

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Date de Résolution15 décembre 2005
SourceIIe Cour de Droit Civil

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132 III 212

25. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile dans la cause époux B. contre Commission foncière agricole ainsi que Tribunal administratif du canton de Genève (recours de droit administratif)

5A.16/2005 du 15 décembre 2005

Faits à partir de page 213

BGE 132 III 212 S. 213

Le 29 juillet 1996, la Commission foncière agricole du canton de Genève a approuvé la division de la parcelle n° x du registre foncier de Jussy, propriété de la succession répudiée de feue X., en deux sous-parcelles nos xa et xb. La parcelle n° xa, d'une surface de 1'086 m2, comprend une habitation de 195 m2; bien que sise en zone agricole, elle n'est pas assujettie à la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur le droit foncier rural (LDFR; RS 211.412.11). La parcelle n° xb, d'une surface de 7'802 m2, est constituée d'un champ de 4'490 m2 et d'une place-jardin de 3'312 m2; elle est sise en zone agricole et assujettie à la LDFR.

La parcelle n° x était grevée en premier rang d'une cédule hypothécaire d'une valeur nominale de 800'000 fr. en faveur d'UBS SA, à concurrence de 1'040'000 fr., et en deuxième rang d'une cédule hypothécaire d'une valeur nominale de 1'150'000 fr. en faveur de la Banque cantonale de Genève (ci-après: la BCGe), à concurrence de 1'507'006 fr. 60.

Par publication du 17 septembre 2003, l'Office des faillites du canton de Genève (ci-après: l'Office) a annoncé la vente aux enchères prévue le 23 octobre 2003 de la parcelle n° xa, estimée à 890'000 fr., et de la parcelle n° xb, estimée à 62'416 fr. La publication indiquait que les deux parcelles devaient être vendues séparément, mais que les mutations parcellaires-à savoir l'inscription de la division de la parcelle n° x en deux parcelles nos xa et xb (cf. art. 85 ss ORF)-n'avaient pas encore eu lieu et seraient effectuées en même temps que l'inscription du transfert de propriété. Les enchérisseurs étaient rendus attentifs aux dispositions légales concernant l'acquisition d'immeubles en zone agricole.

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Le 14 octobre 2003, les époux B. et la BCGe ont signé une convention de cession de créances par laquelle l'intégralité des créances de la banque à l'égard de la succession répudiée de feue X. était cédée aux époux B. avec gages et accessoires, en particulier la cédule hypothécaire d'une valeur nominale de 1'150'000 fr. grevant en deuxième rang la parcelle n° x. En contrepartie de la cession, les époux B. s'engageaient à payer à la BCGe un premier montant de base de 130'000 fr., versé à la signature de la convention de cession. Ils s'engageaient en outre à verser à la BCGe un complément du prix de base calculé en fonction de quatre hypothèses possibles à l'issue de la vente aux enchères.

Lors de la vente aux enchères du 23 octobre 2003, la parcelle n° xa a été adjugée aux époux B. pour le prix de 1'350'000 fr. La parcelle n° xb a également été adjugée aux époux B. pour le prix de 100'000 fr., après que l'"Association C., D. et E. Agriculteurs" avait offert 15'000 fr. et que F., professionnel du bâtiment, avait surenchéri jusqu'à 95'000 fr.

Le 27 octobre 2003, les époux B. ont requis de la Commission foncière agricole du canton de Genève l'autorisation d'acquérir la parcelle n° xb (cf. art. 61 al. 1 et 67 al. 1 LDFR). Ils exposaient que bien qu'ils ne fussent pas exploitants à titre personnel (cf. art. 63 al. 1 let. a LDFR), cette autorisation devait leur être accordée eu égard à leur qualité de créanciers gagistes au sens de l'art. 64 al. 1 let. g LDFR.

Le 20 janvier 2004, la Commission foncière agricole a rendu une décision négative. Elle a considéré que les époux B. n'étaient pas exploitants à titre personnel et que la cession de créances du 14 octobre 2003 avait été conclue dans le seul but de leur assurer la mainmise sur la parcelle n° xb en leur donnant la possibilité de l'acquérir au bénéfice de l'art. 64 al. 1 let. g LDFR, ce qui constituait une fraude à la loi.

Par arrêt du 8 mars 2005, le Tribunal administratif du canton de Genève a rejeté le recours formé par les époux B. contre cette décision.

Le Tribunal fédéral a rejeté le recours de droit administratif interjeté par les époux B. contre cet arrêt.

Extrait des considérants:

Extrait des considérants:

3.

3.1 La loi fédérale sur le droit foncier rural a pour but, selon son art. 1 al. 1, d'encourager la propriété foncière rurale et en particulier de maintenir des entreprises familiales comme fondement d'une BGE 132 III 212 S. 215

population paysanne forte et d'une agriculture productive, orientée vers une exploitation durable du sol, ainsi que d'améliorer les structures (let. a), de renforcer la position de l'exploitant à titre personnel, y compris celle du fermier, en cas d'acquisition d'entreprises et d'immeubles agricoles (let. b), et de lutter contre les prix surfaits des terrains agricoles (let. c). A cet effet, elle contient notamment des dispositions sur l'acquisition des entreprises et des immeubles agricoles (art. 1 al. 2 let. a et art. 61 ss LDFR), acquisition qui est soumise à autorisation (art. 61 al. 1 LDFR).

3.1.1 Le but de l'assujettissement à autorisation est de garantir que le transfert de propriété corresponde aux objectifs du droit foncier rural, au premier rang desquels figure la concrétisation du principe de l'exploitation à titre personnel fondé sur la politique de la propriété (STALDER, Le droit foncier rural, Commentaire de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991, Brugg 1998 [ci-après: Commentaire LDFR], remarques préalables aux art. 61-69 LDFR, n. 8 s.). C'est ainsi que l'autorisation doit en principe être refusée lorsque l'acquéreur n'est pas exploitant à titre personnel (art. 63 al. 1 let. a LDFR). L'autorisation est néanmoins accordée si l'acquéreur qui n'est pas personnellement exploitant prouve qu'il y a pour le faire un juste motif au sens de l'art. 64 al. 1 LDFR. Tel est notamment le cas lorsqu'un créancier qui détient un droit de gage sur l'entreprise ou l'immeuble agricole acquiert celui-ci dans une procédure d'exécution forcée (art. 64 al. 1 let. g LDFR).

3.1.2 L'art. 64 al. 1 let. g LDFR a été introduit lors de la révision partielle du 26 juin 1998, qui a pris effet au 1er janvier 1999 (RO 1998 p. 3009). Toutefois, les modifications concernant les dispositions sur l'acquisition des entreprises et des immeubles agricoles-en particulier l'introduction d'un nouvel alinéa 2 à l'art. 63 LDFR, l'adjonction d'une nouvelle lettre g à l'art. 64 LDFR et l'abrogation de l'art. 68 LDFR-ne figuraient pas parmi les modifications proposées par le Conseil fédéral (cf. le Message du Conseil fédéral, FF 1996 IV 378 ss), mais ont été décidées par le Parlement.

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Ainsi, le Conseil des Etats a adopté en mars 1998 la proposition de sa Commission de l'économie et des redevances, en raison des grandes difficultés rencontrées dans la pratique en cas de réalisation forcée, d'introduire un nouvel alinéa 2 à l'art. 63 LDFR, disposant que le motif de refus tiré du prix surfait (art. 63 al. 1 let. b LDFR; cf. art. 66 LDFR) n'est pas pertinent si une entreprise ou un immeuble agricole est acquis dans une procédure d'exécution forcée (BO 1998 CE p. 368 s.). Simultanément, le Conseil des Etats a adopté, sur proposition non motivée de sa Commission, une nouvelle lettre g de l'art. 64 LDFR, en vertu de laquelle le motif de refus tiré du fait que l'acquéreur n'est pas exploitant à titre personnel (art. 63 al. 1 let. a LDFR) ne peut pas être opposé au créancier qui détient un droit de gage sur l'entreprise ou l'immeuble agricole et qui acquiert celui-ci dans une procédure d'exécution forcée (BO 1998 CE p. 369).

Cette décision faisait suite à la décision du Conseil national en décembre 1997, sur proposition de sa Commission de l'économie et des redevances, d'abroger l'art. 68 LDFR relatif à la fixation du prix licite lors de la réalisation forcée (BO 1997 CN p. 2778), décision à laquelle le Conseil des Etats a adhéré conformément à la proposition de sa Commission (BO 1998 CE p. 369). En effet, comme on le verra plus en détail ci-après (cf. consid. 3.1.3 et 3.1.4 infra), la suppression de l'art. 68 LDFR avait pour conséquence qu'il n'était plus possible d'invoquer l'exception de l'art. 64 al. 1 let. f LDFR lors de l'acquisition d'un immeuble agricole dans une vente aux enchères forcées. Il a donc été jugé nécessaire d'introduire à l'art. 64 al. 1 LDFR une nouvelle lettre g, dont l'adoption par le Conseil national a également eu lieu sans discussion lors de la séance d'élimination des divergences en juin 1998 (BO 1998 CN p. 1195).

3.1.3 D'après le droit en vigueur avant le 1er janvier 1999, les personnes qui n'étaient pas exploitantes à titre personnel, soit notamment les banques, avaient la possibilité d'acquérir une entreprise ou un immeuble agricole dans une réalisation forcée sur la base de l'art. 64 al. 1 let. f LDFR, pour autant qu'aucune offre équivalente n'ait été faite par un exploitant à titre personnel jusqu'à concurrence du prix maximum licite; en effet, la publication des enchères (art. 138 LP) avec l'indication du prix licite (cf. art. 68 al. 1 LDFR, entre-temps abrogé) satisfaisait aux exigences de l'"offre publique à un prix qui ne soit pas surfait", au sens de l'art. 64 al. 1 let. f LDFR (MÜLLER/SCHMID-TSCHIRREN, Complément du Commentaire LDFR suite à la révision partielle du 26 juin 1998, in Communications de droit agraire 1999 p. 135 ss, 144; STALDER, Commentaire LDFR, n. 7 ad art. 67-69 LDFR). L'acquéreur qui, bien que n'étant pas exploitant à titre personnel, emportait l'adjudicationBGE 132 III 212 S. 217

en raison de l'offre la plus élevée (dans les limites du prix licite), avait ainsi droit à l'octroi de l'autorisation d'acquérir sur la base de l'art. 64 al. 1 let. f LDFR (STALDER, Commentaire LDFR, n. 7 ad art. 67-69 LDFR), et ce d'ailleurs indépendamment du fait qu'il détînt ou non un gage sur l'entreprise ou l'immeuble agricole.

3.1.4 Ensuite de l'abandon de la condition du prix licite dans le...

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