Arrêt nº 4P.277/2004 de Ire Cour de Droit Civil, 2 mai 2005

Date de Résolution 2 mai 2005
SourceIre Cour de Droit Civil

Tribunale federale

Tribunal federal

{T 0/2}

4P.277/2004 /ech

Arrêt du 2 mai 2005

Ire Cour civile

Composition

MM. et Mmes les Juges Corboz, président, Klett,

Nyffeler, Favre et Kiss.

Greffière: Mme Cornaz.

Parties

A.________,

recourante, représentée par Me Mohamed Mardam Bey,

contre

la banque X.________ SA,

intimée, représentée par Me Bernard Haissly,

Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108, 1211 Genève 3.

Objet

art. 9 et 29 al. 2 Cst. (procédure civile),

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre

civile de la Cour de justice du canton de Genève

du 8 octobre 2004.

Faits:

A.

Le 16 février 1993, A.________ a ouvert un compte "... Jet" auprès de la banque V.________ SA, absorbée ultérieurement par Banque W.________ SA, qui a été reprise par la banque X.________ SA en avril 2003 (ci-après: la banque). Elle a donné un pouvoir de représentation général à son conjoint, B.________, homme fortuné et ancien négociant en matières premières, qui dispose d'un bureau à Londres, auquel la correspondance relative au compte "... Jet" était acheminée, étant précisé qu'il ne se trouvait pas constamment dans cette ville.

Selon les conditions générales de la banque, engageant les parties, la relation bancaire était soumise au droit suisse et au for genevois.

C.________, gestionnaire de fortune et membre de la direction de la banque, était lié de longue date par une relation d'estime et de confiance réciproque à B.________, qui conduisait personnellement, sur son compte auprès de la banque, de nombreux investissements, dont des opérations "spot" ou à terme sur les marchés des changes, à risque élevé, qui lui ont causé d'importantes pertes à la fin des années 1980. Dès l'ouverture du compte "... Jet", de A.________, son conjoint s'en est occupé seul, étudiant la correspondance bancaire, donnant des instructions d'investissement en devises, actions, placements fiduciaires et obligations. Parallèlement, B.________ discutait avec C.________ de ces placements et des investissements en "financial futures" (ci-après désignés par l'anglicisme (transactions) futures), soit des produits bancaires dérivés décidés et exécutés par C.________, pour A.________. Les époux A.B.________ admettent l'existence d'un mandat tacite autorisant C.________ à investir en produits bancaires dérivés, en leur nom et pour leur compte, malgré l'absence d'un mandat de gestion général ou spécifique sous forme écrite.

Comme les futures pouvaient être prolongées à leur échéance, le résultat final réalisé n'apparaissait que lors du dénouement de l'opération concernée, que l'investisseur pouvait provoquer à n'importe quel moment par une opération inverse à celle en cours.

Dans le cadre de la relation "... Jet", C.________ avait ouvert un compte ".../86 Résultats futures", qui n'enregistrait que l'issue comptable effective de ces investissements à leur liquidation. Les transactions étaient documentées par les avis ponctuels d'achat et de vente à terme, regroupés par envois hebdomadaires au bureau de B.________ à Londres, alors que les évaluations de portefeuille et les relevés de compte étaient trimestriels.

B.________ et C.________ étaient en contact téléphonique très fréquent, parfois plusieurs fois par jour, le premier obtenant à certaines occasions les pièces bancaires requises par télécopie, le jour même. Comme la correspondance bancaire concernant les futures était difficile à comprendre, B.________ a souvent sollicité l'aide de C.________.

Par contre, le compte "... Income", ouvert en février 1994 pour recueillir les revenus de A.________, faisait l'objet d'une clause de banque restante.

En novembre 1994, B.________ a souhaité vérifier avec C.________ l'origine de chaque perte et de chaque gain affichés par le compte ".../86 Résultats futures", pendant le premier trimestre 1994. Il a aussi affirmé avoir ordonné à ce moment (novembre 1994) à C.________ d'arrêter les futures, ce que ce dernier a contesté ultérieurement lors de son audition comme témoin, tout en admettant que ses souvenirs avaient faibli avec le temps.

Le 22 décembre 1994, B.________ a reçu, à sa demande, un extrait du compte ".../86 Résultats futures", faisant état de nombreux achats et ventes sur le marché des futures, jusqu'en décembre 1994, et affichant un solde de bouclement égal à zéro. B.________ en a déduit que toutes les opérations avaient été dénouées entre-temps, alors que le solde à zéro résultait du transfert du solde positif du compte ".../86 Résultats futures" sur le compte "... Income" et que l'évaluation de la relation "... Jet", au 31 décembre 1994, faisait apparaître l'existence de futures à ce moment encore (22 décembre 1994).

C.________ a continué de faire des opérations sur futures pendant le 1er trimestre de 1995, dans l'espoir d'éponger les pertes virtuelles par un renversement du marché.

Le 22 mars 1995, B.________ a reçu une évaluation intermédiaire du portefeuille, faisant apparaître l'existence de futures et un solde positif sur le compte ".../86 Résultats futures". A la suite d'un mouvement enregistré le 24 mars 1995, ce compte a présenté un solde négatif, consistant en une perte de 462'425 US$, ainsi que l'existence de futures à l'échéance de juin 1995. Dans son ensemble, et y compris ce découvert, la relation "... Jet" présentait un solde positif global de 2'661'747 US$ 48 au 31 mars 1995, selon un extrait du compte "Résultats futures" que B.________ affirme ne jamais avoir vu. Selon B.________, C.________ lui aurait dit au téléphone que cette perte serait ultérieurement "ajustée".

C.________ n'a opéré de nouveaux achats et ventes de futures qu'à partir du 17 mai 1995, ce qui résulte de l'extrait du compte "Résultats futures" au 30 juin 1995, présentant un solde négatif de 1'098'808 US$ 50 alors que, dans son ensemble, la relation "... Jet" affichait un solde positif de 3'123'102 US$ 72. A plusieurs reprises, en juin 1995, B.________ a sollicité la correction d'avis de débit et de crédit sur le compte "Résultats futures", dont il a demandé la fermeture le 27 juin 1995.

Le 4 juillet 1995, C.________ a rencontré B.________ à Londres, auquel il n'a pas eu le courage d'admettre la réalité des pertes sur futures. Il l'a tranquillisé en évoquant une possible erreur comptable de la banque. En été 1995, C.________ a poursuivi ses opérations, dans l'espoir vain de résorber les pertes qu'il a finalement avouées à B.________ par courrier du 30 septembre 1995. Regrettant tant son manque de courage que le résultat de sa gestion "lamentable", il s'est déclaré coupable d'un "délit", pour avoir "négocié de très importantes sommes sur des contrats futures ayant entraîné des pertes subies à votre insu".

Au 30 septembre 1995, le découvert du compte "Résultat futures" ascendait à 1'041'120 US$ 50; la relation "... Jet" présentait encore un solde actif de 1'436'676 US$ 08.

Le 7 novembre 1995, B.________ a formellement défendu à C.________ d'exécuter aucune nouvelle transaction sans ses instructions écrites. Le même jour, par courrier adressé au réviseur de la banque, il a refusé de reconnaître l'exactitude de l'évaluation de la relation "... Jet" au 30 septembre 1995. Le 30 novembre 1995, il a demandé la clôture de la dernière position ouverte sur futures, dont le dénouement est intervenu le 11 décembre 1995, portant le solde négatif du compte "Résultats futures" à 1'130'900 US$ 50.

Enfin, par courrier du 7 décembre 1995 au directeur général de la banque, les époux A.B.________ ont reproché à celle-ci d'avoir causé d'importantes pertes à A.________, au moyen d'opérations non autorisées sur futures, dont ils demandaient l'extourne pure et simple.

Par convention confidentielle du 19 janvier 1996, dont A.________ a eu connaissance suite à un jugement sur incident du Tribunal de première instance du canton de Genève, il a été mis fin au contrat de travail passé entre C.________ et la banque avec effet immédiat, C.________ devenant gérant à titre indépendant, lié à la banque par le contrat usuel conclu "avec les gestionnaires extérieurs", assorti d'une clause d'exclusivité de dix-huit mois à partir du 1er mai 1996. Cette convention prévoyait aussi le paiement par C.________, à concurrence de 30'000 fr., des frais d'éventuelles procédures contre A.________ (et un autre client) ainsi qu'une obligation de rembourser à la banque, à concurrence de 300'000 US$ au maximum, toute éventuelle indemnisation des deux clients mécontents. Cette somme de 300'000 US$ avait été arrêtée de manière arbitraire, sans lien avec les pertes subies par A.________, et correspondait au montant de l'avoir LPP de C.________, soit le montant maximum que ce dernier pouvait bloquer auprès de la banque.

Le 19 février 1996, A.________ a fait notifier à la banque un commandement de payer la somme de 1'379'698 fr. 60, qui a été frappé d'opposition. A titre transactionnel et sans reconnaissance de dette, la banque a proposé le paiement de 482'750 US$, ce que A.________ a refusé.

B.

Le 26 mars 1996, A.________ a assigné la banque en paiement de 1'130'900 US$ 50 avec intérêt, devant le Tribunal de...

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