Arrêt nº 2A.279/2004 de IIe Cour de Droit Public, 14 mars 2005

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Date de Résolution14 mars 2005
SourceIIe Cour de Droit Public

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131 II 361

28. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause Balmelli contre Commission de recours de l'Université de Fribourg ainsi que Tribunal administratif du canton de Fribourg (recours de droit administratif)

2A.279/2004 du 14 mars 2005

Faits à partir de page 362

BGE 131 II 361 S. 362

En octobre 2001, l'Université de Fribourg (ci-après: l'Université) a fait paraître dans diverses publications l'annonce suivante:

"Dans le cadre des mesures fédérales en faveur de l'encouragement de la relève universitaire, la Faculté de droit de l'Université met au concours un poste de professeure associée ou de maître-assistante en droit public (droit européen et droit international public).

(...) En raison des critères fixés par le programme de relève universitaire, seules les candidatures féminines peuvent entrer en ligne de compte pour l'occupation de ce poste."

Le 1er novembre 2001, Tiziano Balmelli s'est porté candidat pour le poste mis au concours. Son dossier n'a pas été pris en considération par la commission chargée d'évaluer les candidatures, car le poste était réservé à une femme. Sur les trois autres candidatures, toutes féminines, reçues par l'Université, deux n'étaient pas conformes aux exigences requises pour le poste (les postulantes n'étaient pas titulaires d'un doctorat en droit), si bien que la commission d'évaluation n'a finalement présenté qu'un seul dossier de candidature au Conseil de Faculté. A 15 voix pour, 11 voix contre et une BGE 131 II 361 S. 363

abstention, cette autorité a "élu" la candidate qui lui était proposée par la commission; cette candidate a ensuite été nommée comme professeure associée en droit public par la Conseillère d'Etat en charge de l'instruction publique.

Entre-temps, Tiziano Balmelli s'est inquiété du sort de sa candidature dont il était "officiellement sans nouvelles". Le Doyen de la Faculté lui a fait savoir (lettre du 4 janvier 2002) que son dossier n'avait pas été retenu, car le poste mis au concours était réservé aux candidatures féminines du fait des critères fixés par le programme fédéral d'encouragement de la relève universitaire (ci-après également cité: le programme ou le programme de relève).

Tiziano Balmelli a porté l'affaire devant la Commission de recours de l'Université de Fribourg (ci-après: la Commission). Il a demandé à cette autorité de constater que les motifs donnés par le Décanat pour écarter sa candidature consacraient une discrimination illicite à raison du sexe et de lui octroyer une indemnité d'un franc symbolique à titre de réparation.

Par décision du 20 mars 2002, le Président de la Commission a déclaré irrecevable le recours dont il était saisi, au motif, notamment, que la lettre précitée du Doyen du 4 janvier 2002 n'avait pas le caractère d'une décision attaquable.

Tiziano Balmelli a recouru contre cette décision au Tribunal administratif du canton de Fribourg (ci-après: le Tribunal administratif). Pour l'essentiel, il s'est plaint de déni de justice et a soutenu que la procédure suivie par l'Université pour l'engagement des nouveaux professeurs équivalait à l'instauration d'un système de quotas féminins fixes contraire aux principes constitutionnels de la légalité, de l'égalité et de la proportionnalité, ainsi qu'à la loi fédérale du 24 mars 1995 sur l'égalité entre femmes et hommes (Loi sur l'égalité, LEg; RS 151.1).

Le Conseil d'Etat a conclu au rejet du recours, après avoir expliqué que l'engagement d'une femme au poste litigieux s'imposait pour maintenir la part des femmes dans les postes de relève attribués à l'Université au-dessus du seuil de 40 % prévu dans le programme; à défaut, la Confédération n'accorderait pas les aides financières correspondantes.

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Par arrêt du 31 mars 2004, le Tribunal administratif a rejeté le recours dans la mesure où il était recevable. En bref, les juges ont estimé que la loi sur l'égalité ne permettait pas à la victime d'une discrimination à l'embauche de demander le versement d'une indemnité d'un franc symbolique, vu la nature constatatoire d'une telle conclusion. Au surplus, ils ont considéré que les quotas féminins constituaient une mesure de discrimination positive fondée sur une base légale suffisante et conforme au principe de la proportionnalité.

Tiziano Balmelli interjette recours de droit administratif contre l'arrêt précité du Tribunal administratif dont il requiert implicitement l'annulation, en concluant derechef au versement d'une indemnité d'un franc symbolique pour la discrimination subie.

Le Tribunal administratif et la Commission renoncent à formuler des observations sur le recours, tandis que le Bureau fédéral de l'égalité entre femmes et hommes (ci-après: le Bureau de l'égalité) conclut à son rejet au terme d'une détermination circonstanciée.

A la demande du juge délégué, l'Université de Fribourg a fait parvenir au Tribunal fédéral les documents que la Conférence universitaire suisse (ci-après également citée: CUS) lui avait remis dans le cadre du programme de relève universitaire dont, en particulier, une lettre du 20 septembre 2000.

Extrait des considérants:

Extrait des considérants:

1. Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis.

1.1 Selon l'art. 97 OJ en relation avec l'art. 5 PA, la voie du recours de droit administratif est ouverte contre les décisions fondées sur le droit public fédéral - ou qui auraient dû l'être -, à condition qu'elles émanent des autorités énumérées à l'art. 98 OJ et pour autant qu'aucune des exceptions prévues aux art. 99 à 102 OJ ou dans la législation spéciale ne soit réalisée (cf. ATF 128 I 46 consid. 1b/aa p. 49).

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La loi sur l'égalité n'est pas seulement une loi-cadre ou une loi limitée aux principes que le législateur cantonal devrait encore concrétiser; elle pose au contraire des règles et des principes directement déductibles en justice. Aussi bien, même lorsqu'elles concernent des rapports de travail soumis au droit public cantonal, les décisions de dernière instance cantonale (cf. art. 13 al. 1 LEg en relation avec l'art. 98 let. g OJ) prises en application de la loi sur l'égalité peuvent - comme en l'espèce - faire l'objet d'un recours de droit administratif au Tribunal fédéral (cf. ATF 124 II 409 consid. 1 p. 411 ss).

1.2 Aux termes de l'art. 103 let. a OJ, a qualité pour recourir quiconque est atteint par la décision attaquée et a un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée. Cet intérêt consiste en l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait au recourant en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale ou matérielle occasionné par la décision attaquée. L'intérêt doit être direct et concret, ce qui implique notamment que la personne concernée doit se trouver dans un rapport étroit avec la décision (cf. ATF 130 V 196 consid. 3 p. 202/203 et les arrêts cités). Par ailleurs, le droit de recours suppose l'existence d'un intérêt actuel à obtenir l'annulation ou la modification de la décision attaquée (cf. ATF 128 II 34 consid. 1b p. 36, ATF 128 II 156 consid. 1c p. 159 et les arrêts cités).

Par la présente procédure, le recourant cherche essentiellement à faire constater que la décision par laquelle l'Université a écarté sans même l'examiner sa candidature constitue une discrimination à raison du sexe prohibée par la loi sur l'égalité (sur l'admissibilité d'une telle action constatatoire, cf. infra consid. 4). Comme l'Université a justifié sa décision par le système de quotas féminins prévu dans le programme fédéral de relève universitaire, le recours revient, en fin de compte, à remettre en cause, sinon le système de quotas lui-même, du moins la manière dont il a été appliqué au cas particulier. Se disant encore intéressé par la perspective d'entamer une carrière académique, le recourant souligne que, le concernant, l'utilité du recours tient surtout dans la possibilité de pouvoir mettre fin au système qu'il dénonce afin, le cas échéant, d'augmenter ses chances d'être engagé lors d'une éventuelle future postulation pour une place dans l'enseignement universitaire.

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Dans la mesure où le programme de relève a été abandonné quelques mois après le prononcé de l'arrêt attaqué, à fin septembre 2004 (cf. infra consid. 6.2 in fine), on peut certes se demander si le recours n'est pas devenu sans objet, faute d'intérêt pratique actuel pour le recourant à faire constater l'invalidité d'un système qui n'a plus cours. La forte sous-représentation des femmes dans l'enseignement universitaire est toutefois toujours d'actualité, tout comme les moyens d'y remédier qui font l'objet de constantes discussions, ainsi que l'attestent les diverses mesures positives prises à différents échelons en vue de promouvoir l'égalité entre femmes et hommes en matière de formation et d'accès à l'enseignement supérieur (cf. PATRICIA SCHULZ, Droit de l'égalité en Suisse, Point de la situation et perspectives, in L'égalité entre femmes et hommes en Suisse et dans l'UE, Zurich 2004, p. 117 ss, 125/126). Au-delà de la question ici litigieuse, le recourant a donc un intérêt (actuel) à voir tracer un cadre à la constitutionnalité de telles mesures positives qui sont susceptibles de le toucher à nouveau à l'avenir. Au demeurant, on peut admettre qu'un intérêt à faire constater une discrimination à raison du sexe subsiste même si l'atteinte à la personnalité qui en découle a cessé et si le risque qu'une nouvelle atteinte se produise est quasi inexistant (cf. KATHRIN ARIOLI/FELICITAS FURRER ISELI, L'application de la loi sur l'égalité aux rapports de droit public, Bâle 2000, n. 119).

Par conséquent, Tiziano Balmelli, qui est directement touché par la décision attaquée, a la qualité pour recourir au sens de l'art. 103 let. a OJ.

1.3 Pour le surplus, déposé en temps utile et dans les formes requises, le recours de droit administratif est recevable à l'encontre de l'arrêt...

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