Arrêt nº 4C.330/2003 de Ire Cour de Droit Civil, 15 avril 2004

Date de Résolution15 avril 2004
SourceIre Cour de Droit Civil

Tribunale federale

Tribunal federal

{T 0/2}

4C.330/2003 /ech

Arrêt du 15 avril 2004

Ire Cour civile

Composition

MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Klett et Nyffeler.

Greffier: M. Carruzzo.

Parties

A.________ SA,

demanderesse et recourante, représentée par Me Enrico Scherrer,

contre

B.________ B.V. (anc. C.________ BV, anc. D.________ BV),

E.________ GmbH (anc. F.________ GmbH, anc. G.________ AG, ayant repris les actifs de P.________ SA),

défenderesses et intimées, toutes deux représentées par Me Edmond Tavernier,

I.________ Inc., (anc. J.________ Inc.),

K.________ SA, (anc. L.________ SA ou M.________ SA),

défenderesses et intimées, toutes deux représentées par Me Patrick Blaser.

Objet

concurrence déloyale; droit d'auteur; responsabilité contractuelle,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 10 octobre 2003.

Faits:

A.

A.a A.________ SA (ci-après: A.________) est une société spécialisée dans la fabrication et la diffusion de logiciels bancaires. Elle est administrée et animée par les époux AA.________.

D.________ BV (ci-après: D.________) était une société de droit néerlandais faisant partie du groupe informatique O.________. La société de droit suisse P.________ SA (ci-après: P.________) était une filiale de D.________.

Par contrats des 26 décembre 1991 et 17 juin 1993, D.________ avait acquis de la société N.________ B.V. l'intégralité des droits de propriété intellectuelle sur un logiciel dénommé Y.________ (anciennement: Z.________) et destiné aux établissements financiers de gestion de patrimoine et de fortune (private banking).

De son côté, A.________, qui s'était vu concéder le droit d'utiliser le code source de Z.________, avait développé, dès 1991, un nouveau logiciel dénommé X.________ VO et destiné aux banques privées. Sur la base de ce logiciel, elle en avait créé, à grands frais, un nouveau, appelé X.________ VA.

Contrairement à X.________ VO, X.________ VA a pour caractéristique de ne pouvoir fonctionner qu'avec le logiciel Y.________, sur lequel il vient se greffer. Y.________, en revanche, peut fonctionner de manière autonome. Les deux logiciels sont complémentaires. Y.________ couvre les fonctions de "back office", alors que X.________ VA couvre celles de gestion avancée. Ces deux logiciels contiennent un module de performance. Le module de performance de Y.________ est toutefois moins évolué que celui de X.________ VA, dans la mesure où il fonctionne sur un mode statique, en stockant des données à certaines dates, alors que celui de X.________ VA fonctionne sur un mode dynamique, qui lui permet de remonter dans le temps, à d'autres dates que celles des stockages, pour analyser la performance.

A.b A.________ et D.________ sont entrées en négociations en vue de compléter le logiciel Y.________ par un autre logiciel coordonné qui comprendrait certaines fonctionnalités que le logiciel de D.________ ne possédait pas. Les deux sociétés sont convenues de l'intégration de X.________ VA dans Y.________ et de la distribution par D.________ du premier logiciel intégré dans le second. D.________ était ainsi en mesure de proposer un logiciel plus performant à ses clients.

Au terme de ces négociations, A.________ et D.________ ont signé, le 3 août 1993, un contrat intitulé "Accord de distribution". Par ce contrat, D.________ se voyait accorder le droit exclusif de distribuer X.________ VA dans plusieurs pays, dont la Suisse, contre paiement de redevances. A cet effet, A.________ lui octroyait un certain nombre de licences, pour son usage interne et pour la distribution, et s'engageait à lui transmettre, pour chacune d'elles, une clé d'accès permanente. Ces licences portaient sur le "Produit", terme désignant les logiciels concédés sous licence, la documentation et les mises à jour. Aucun titre ni droit de propriété sur le "Produit" n'était transféré à D.________ par ce contrat. L'accord de distribution réglait encore la procédure à suivre pour la révision et la mise à jour du "Produit". Y figuraient aussi des clauses de protection, de confidentialité et de non-concurrence. La cession de l'accord ou des droits et obligations en découlant n'était possible, pour D.________, qu'en faveur de P.________ ou de l'une de ses filiales. L'accord pouvait être résilié, entre autres hypothèses, si l'une des parties estimait que le "Produit" ne convenait plus pour une distribution par D.________, ceci moyennant un préavis écrit de neuf mois. Enfin, le contrat prévoyait l'application du droit suisse et instituait la compétence locale des tribunaux du canton de Genève.

A.c D.________, qui s'était réservé cette faculté, a confié à P.________ le soin d'exécuter l'accord du 3 août 1993. Elle a désigné BB.________ et CC.________ comme "interlocuteur privilégié", respectivement "product manager". Ces deux personnes étaient chargées d'assurer, la première, la liaison entre les cocontractants, la seconde la promotion du "Produit". Dans un premier temps, six licences ont été accordées, moyennant un prix forfaitaire de 100'000 fr., pour la distribution de X.________ VA par P.________ aux clients de D.________, au nombre desquels figurait la Q.________ (ci-après: la banque Q.________). D'autres licences ont été accordées par la suite, notamment pour la Banque S.________ SA (ci-après: la banque S.________). Des redevances ont été payées par D.________ à A.________ pour tous les clients chez lesquels Y.________ et X.________ VA ont été installés. L'installation de X.________ VA chez les clients se faisait par A.________. Cette société s'est engagée à mettre à disposition de P.________, dans les locaux de cette dernière, une personne chargée de la correction des anomalies et de la gestion du code source de X.________ VA. Nommé à ce poste, DD.________ procédait également aux révisions de X.________ en cas de modifications de Y.________.

Les parties ont en outre conclu une convention de séquestre, le 3 décembre 1993, avec l'Agence pour la protection des programmes. Le code source de X.________ VA, qui contient le savoir-faire et les secrets de A.________, devait être déposé auprès de ladite agence et ne pourrait être remis à D.________ qu'à certaines conditions.

D.________ n'a jamais eu d'accès direct au code source de X.________ VA.

A l'usage, des dysfonctionnements sont apparus dans X.________ VA, qui ont empêché l'utilisation correcte du logiciel, ce qui a poussé P.________ à limiter la prospection de nouveaux clients. De surcroît, un problème de blocage de X.________ VA et de ses fonctions est survenu à la fin de l'année 1994, notamment dans les banques S.________ et Q.________. Selon A.________, ce blocage provenait de l'incompatibilité entre X.________ VA et la nouvelle version 1.8-2 de Y.________, tandis que, pour D.________, le problème était dû uniquement au fait que A.________ avait installé une clé d'accès qui n'était pas permanente, contrairement à l'engagement pris par elle dans l'accord du 3 août 1993.

Aucune amélioration, sur le plan technique en particulier, n'étant intervenue, D.________ a informé A.________, le 16 janvier 1995, qu'elle résiliait l'accord du 3 août 1993 avec un préavis de neuf mois. A.________ n'a pas contesté la validité de cette résiliation.

Le 14 mars 1995, D.________ a déposé une requête de mesures provisionnelles afin d'être autorisée à accéder au code source de X.________ VA. Par ordonnance du 21 mars 1995, le Tribunal de première instance du canton de Genève a rejeté cette requête, compte tenu des risques liés à la remise du code source à la requérante et du fait que, selon lui, les problèmes rencontrés provenaient de la nouvelle version 1.8-2 de Y.________ et du non-respect de la procédure. de révision.

En raison de la persistance des difficultés et de l'absence de toute réaction de A.________ depuis le début du mois de février 1995, P.________ a indiqué à cette dernière, le 2 mai 1995, qu'elle avait dû trouver des solutions de remplacement pour ses clients. Elle précisait, par ailleurs, qu'elle estimait ne plus être liée par les dispositions de l'accord du 3 août 1993.

A.d En juillet 1994, le groupe O.________ a créé la société L.________ SA (ci-après: L.________), ayant pour but le développement, l'achat, la vente, l'installation et l'entretien de logiciels d'application pour le secteur bancaire. Cette société a repris les activités et le personnel du Département "Private Banking" de P.________, soit la division chargée de la mise en oeuvre de l'accord de distribution du 3 août 1993. BB.________, désigné comme "interlocuteur privilégié" dans la gestion dudit accord, était administrateur et président de L.________.

Le 7 octobre 1994, en exécution d'un contrat cadre et d'accords particuliers, D.________ a cédé le capital-actions de L.________, ainsi que le personnel de cette société, à la société américaine J.________ Inc. (ci-après: J.________). Elle a, d'autre part, vendu la totalité des droits de propriété intellectuelle sur le logiciel Y.________ à une filiale de J.________. Il était précisé que le terme Y.________ ne comprenait pas X.________, propriété de A.________.

L.________ a mis au point les nouvelles versions de Y.________ (1.8-2 et 1.8-3).

En raison des difficultés rencontrées avec X.________ VA, les parties au contrat cadre précité sont convenues, le 15 mai 1995, de remplacer ce logiciel par un autre. Dans ce but, un logiciel U.________ a été acquis en août 1995 d'une société belge. Son code source a été acheté pour être intégré à Y.________. Le produit a ensuite été renommé V.________. Le logiciel U.________/V.________ ne contenait pas de module de performance. Destiné à remplacer d'autres fonctionnalités de X.________, il a été installé à partir du début de l'été 1996 auprès des clients qui auraient dû utiliser X.________ VA, telle la banque Q.________.

B.

Le 23 février 1995, A.________ a ouvert action contre D.________, P.________, J.________ et L.________. Dans ses dernières conclusions, elle a...

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