Arrêt nº 1P.679/2003 de Ire Cour de Droit Civil, 2 avril 2004

Date de Résolution 2 avril 2004
SourceIre Cour de Droit Civil

Tribunale federale

Tribunal federal

{T 0/2}

1P.679/2003/col

Arrêt du 2 avril 2004

Ire Cour de droit public

Composition

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal fédéral, Reeb et Fonjallaz.

Greffier: M. Parmelin.

Parties

X.________,

recourant, représenté par Me Henri Carron, avocat,

contre

Y.________,

intimée, représentée par Me Catherine Seppey, avocate,

Ministère public du canton du Valais,

Palais de Justice, case postale 2050, 1950 Sion 2,

Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton

du Valais, Palais de Justice, 1950 Sion 2,

Cour pénale II du Tribunal cantonal du canton

du Valais, Palais de Justice, 1950 Sion 2.

Objet

procédure pénale; appréciation arbitraire des preuves,

recours de droit public contre la décision de la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais du

11 juin 2002 et contre le jugement de la Cour pénale II

du Tribunal cantonal du canton du Valais du 10 octobre 2003.

Faits:

A.

Le 18 mars 1997, A.________ a déposé une plainte pénale contre X.________ pour des attouchements d'ordre sexuel commis sur sa fille Y.________, née le 14 juillet 1981.

Le 14 juillet 1996, Y.________ a commencé son apprentissage de boulangère-pâtissière au tea-room "Z.________", à Martigny, exploité par X.________. Dans le courant du mois d'août, ce dernier l'a raccompagnée après le travail devant le studio qu'elle partageait avec sa soeur dans cette localité. Il a accepté l'invitation de son apprentie de venir boire un verre chez elle. Selon la jeune femme, il l'a enlacée par derrière, alors qu'ils se trouvaient dans le couloir, et a essayé de la dévêtir, en se montrant assez violent. Elle s'est défendue, mais il était tellement grand qu'elle ne pouvait rien faire. X.________ l'a portée dans sa chambre à coucher, l'a couchée sur le lit, a fini de la dévêtir puis il s'est couché sur elle, l'a embrassée et lui a touché les seins. Il l'a ensuite pénétrée à une reprise avec son sexe, puis avec ses doigts. Il s'est finalement levé, s'est rhabillé et l'a embrassée sur la bouche avant de partir. X.________ aurait agi de la même manière deux semaines plus tard. Il l'aurait également contrainte à deux reprises à entretenir des relations sexuelles dans un petit local du laboratoire de la boulangerie qui faisait office de vestiaire sans qu'elle puisse se défendre. Il l'aurait enfin pénétrée une dernière fois dans le laboratoire un dimanche qu'elle se trouvait seule avec lui.

Dans la nuit du 13 au 14 mars 1997, Y.________ a quitté son poste à la suite de divers reproches adressés par X.________ sur la qualité de son travail, pour se rendre chez ses parents. La mère de Y.________, B.________, a confirmé que sa fille était rentrée vers 02h30 en pleurant et en tremblant, parce que son patron l'avait reprise pour avoir mal exécuté un travail. Elle a téléphoné dans la journée à X.________ qui a confirmé ces faits. Elle a ensuite entrepris des démarches pour trouver une nouvelle place d'apprentissage pour sa fille. Elle s'est rendue à cette fin avec elle au Centre d'information professionnelle, à Martigny. Durant le trajet, Y.________ a confié à sa mère s'être présentée dans la première semaine de janvier à la police municipale de Martigny pour signaler que X.________ avait procédé à des attouchements sur les seins et les fesses au laboratoire de la boulangerie. Elle a obtenu un rendez-vous pour le 27 janvier 1997, auprès du Centre médico-social subrégional de Martigny, auquel elle ne s'est finalement pas rendue. Les parents de Y.________ ont alors décidé de déposer plainte à l'insu de leur fille.

Y.________ a poursuivi son apprentissage auprès de la pâtisserie "C.________" exploitée par D.________, à Savièse; elle a été licenciée pour avoir soustrait plusieurs dizaines de francs dans la caisse. Elle a achevé avec succès sa formation de boulangère-pâtissière chez E.________, à Saint-Maurice, avant de changer d'orientation professionnelle. Du 22 novembre 2000 au 31 juillet 2003, elle a travaillé comme agent de sécurité au service de Securitas, à Sion. Actuellement, elle suit un apprentissage d'opératrice en chimie. Le 4 novembre 1997, date à laquelle elle a reconnu avoir volé dans la caisse de son employeur, à Savièse, Y.________ a fait une tentative de suicide par veinosection des poignets; elle a chuté peu après avec son scooter, alors qu'elle rentrait chez ses parents. Elle a été conduite dans un grand état de trouble auprès de son médecin-traitant, le Docteur Jacques Meizoz, à Vernayaz, qui l'a faite hospitaliser en urgence à Martigny. Le 11 décembre 1997, elle a entrepris une thérapie auprès du Docteur Roberto Henking, psychiatre à Monthey, qu'elle a arrêtée le 17 mars 1998, faute de motivation.

Interrogé à deux reprises le 24 mars 1997, X.________ a contesté avoir entretenu des relations sexuelles complètes avec son apprentie; il a admis avoir touché à l'une ou l'autre occasion les seins de Y.________ par-dessus les vêtements, en présence des autres employés, et l'avoir embrassée une fois sur la bouche, par jeu. Il a reconnu s'être rendu plusieurs fois au domicile de son apprentie, mais uniquement pour prendre un café et contrôler le classeur de cours et les travaux pratiques. Le lendemain, il a avoué à la police avoir entretenu des rapports sexuels librement consentis, sans pénétration, avec Y.________ une première fois dans le studio de la jeune femme, puis à deux reprises sur son lieu de travail, une fois dans le vestiaire du laboratoire de la boulangerie, puis dans le laboratoire, alors qu'il se trouvait seul avec elle. Il a confirmé le même jour ses déclarations devant le Juge d'instruction pénale du Bas-Valais et a été remis en liberté provisoire. Il s'est rétracté par la suite en précisant que ses déclarations avaient été faites sous la pression, afin de recouvrer la liberté.

Les autres employés et collègues de travail de Y.________ ont déclaré ne pas avoir remarqué de gestes déplacés de la part de leur patron vis-à-vis de la jeune femme et que cette dernière n'avait pas une attitude provocante, que ce soit par son comportement ou par sa tenue vestimentaire. Il leur arrivait de discuter de sexe, de feuilleter des revues érotiques que X.________ mettait à leur disposition, de donner une tape sur les fesses de la jeune femme, de lui toucher les seins ou de faire des remarques sur son anatomie, voire même de s'enfermer par jeu dans le local servant de vestiaire et de mimer des comportements à connotation sexuelle. En pareil cas, elle ne prenait pas de plaisir, mais les traitait de "cons".

Le chef de la police municipale de Martigny, M.________, a confirmé que Y.________ s'était présentée au poste dans le courant de la première quinzaine de janvier 1997; elle était nerveuse, elle pleurait et avait de la peine à s'exprimer. Les propos de la jeune femme n'étaient pas clairs, mais il a néanmoins cru comprendre qu'elle devait subir certains harcèlements d'ordre sexuel de la part de son employeur et a dénoncé le cas au Centre médico-social de Martigny. Y.________ a expliqué ne pas s'être rendue à la consultation fixée par cet office parce qu'elle ne voulait pas que ses parents soient informés de ces faits et qu'ils la retirent de sa place d'apprentissage. Elle a expliqué tenir à ce poste parce qu'il lui plaisait et qu'il s'agissait de son premier emploi, cherchant un prétexte personnel, qu'elle a trouvé le 14 mars 1997, pour quitter sa place sans avoir à se prévaloir des agissements de son employeur.

B.

Par ordonnance du 30 septembre 1997, le Juge d'instruction pénale a inculpé X.________ d'actes d'ordre sexuel avec des enfants pour avoir entretenu à cinq reprises des relations sexuelles avec Y.________. Il a imparti aux parties un délai de vingt jours pour requérir un complément d'instruction.

Y.________ a produit dans le délai deux rapports d'évaluation psychologique la concernant, établis les 30 juin 1997 et 4 juillet 1997 par l'Association Jeunesse et Parents Conseils, à Sion, qu'elle a consultée à l'initiative de son avocate. Elle a requis l'extension de l'inculpation aux infractions de viol, respectivement de contrainte sexuelle, en concours avec l'art. 187 ch. 1 CP. Elle a également par la suite versé au dossier un rapport établi le 14 novembre 1997 par le Docteur Jacques Meizoz, qui a vu Y.________ à quelques reprises entre octobre et novembre 1997.

A la requête de X.________, le Juge d'instruction pénale a entendu F.________, sommelière au tea-room exploité par le prévenu, et l'épouse de ce dernier, G.________; il a également procédé à une inspection des lieux et à l'audition de trois employés déjà entendus par la police. Il a enfin ordonné la mise en oeuvre d'une expertise de crédibilité de la plaignante qu'il a confiée à la Doctoresse Evelyne d'Aumeries, psychiatre et psychothérapeute à Martigny. Celle-ci a rendu son rapport le 5 août 1998, accompagné d'un rapport d'expertise de X.________ établi le 4 août 1998 par le Docteur Christian Monney, psychiatre à Martigny. Elle parvient à la conclusion que les déclarations de la jeune femme sont tout à fait crédibles et qu'il paraît très vraisemblable qu'elle ait été la victime des faits qu'elle dénonce. Elle relevait cependant l'existence d'un très léger doute concernant un éventuel consentement ou une apparence de consentement et n'a pu totalement exclure que l'absence de défense énergique de la part de la jeune femme ait pu être comprise comme tel.

X.________ a vainement requis l'élimination du dossier des expertises qu'il tenait pour partiales et la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise, voire d'une contre-expertise confiée à un expert extérieur au canton. La Doctoresse Evelyne d'Aumeries a répondu aux questions complémentaires du prévenu dans un rapport rendu le 11 janvier 1999. Le Juge d'instruction pénale a transmis ce document aux parties et clos l'instruction le 22 janvier 1999. La Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais (ci-après: la Chambre pénale) a admis la plainte formée par le prévenu...

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