Arrêt nº 5C.252/2003 de IIe Cour de Droit Civil, 18 mars 2004

Date de Résolution18 mars 2004
SourceIIe Cour de Droit Civil

Tribunale federale

Tribunal federal

{T 0/2}

5C.252/2003 /frs

Arrêt du 18 mars 2004

IIe Cour civile

Composition

MM. et Mme les Juges Raselli, Président,

Nordmann et Marazzi.

Greffier: M. Abrecht.

Parties

Dame X.________,

défenderesse et recourante, représentée par Me Jean-Charles Bornet, avocat,

contre

  1. Communauté des propriétaires d'étages de l'immeuble Le Belvédère,

  2. dame A.________,

  3. dame B.________,

  4. C.________,

  5. dame H.________,

  6. D.________,

  7. E.________,

  8. I.________,

  9. F.________,

  10. Les hoirs de G.________, à savoir J.________, K.________, L.________, M.________, P.________, demandeurs et intimés, tous représentés par Me Marie Carruzzo Fumeaux, avocate,

    Objet

    action en cessation du trouble,

    recours en réforme contre le jugement du Tribunal cantonal du canton du Valais du 12 novembre 2003.

    Faits:

    A.

    Par mémoire-demande du 15 décembre 1997, la communauté des propriétaires d'étages de l'immeuble Le Belvédère à Y.________, (demanderesse 1), ainsi que dame A.________ (demanderesse 2), dame B.________ (demanderesse 3), C.________ (demandeur 4), D.________ (demandeur 6), E.________ (demandeur 7), F.________ (demandeur 9) et G.________, ont ouvert action en cessation de trouble, ainsi qu'en dommages-intérêts "au sens des articles 684 et 679 CC", contre dame X.________ (défenderesse). A cette cause a ensuite été jointe celle ouverte le 3 février 1998 par dame H.________ et I.________, qui avaient pris des conclusions identiques contre dame X.________. Puis, ensuite du décès en cours de procédure du demandeur J.________, ses hoirs - à savoir K.________, L.________, M.________ et P.________ (demandeurs 10) - ont pris sa place dans le procès.

    En bref, les conclusions prises avec suite de frais et dépens par les demandeurs, telles que modifiées en cours de procédure, tendaient d'abord à ce que soient ordonnées, sous les sanctions de l'art. 292 CP, une série de mesures visant à faire cesser les immissions excessives - sous forme de bruit, d'une part, et d'odeurs, d'autre part - provenant de l'exploitation dans l'immeuble Le Belvédère d'un établissement public sous la forme d'un pub. Un deuxième groupe de conclusions tendait à ce que dame X.________ soit condamnée à payer des dommages-intérêts à la communauté des propriétaires d'étage (par 500 fr.), au demandeur 6 (par 13'900 fr.) et aux demandeurs 10 (par 9'675 fr.). dame X.________ a conclu avec suite de frais et dépens au rejet de l'ensemble de ces conclusions.

    B.

    Par jugement du 12 novembre 2003, la IIe Cour civile du Tribunal cantonal valaisan a :

    (1) fait interdiction à la défenderesse de garder son établissement public ouvert plus tard que minuit et de porter le volume des installations sonores de cet établissement à un niveau supérieur à la valeur moyenne (LAeq 1 h) de 81 db et, entre 22 h et minuit, à un niveau sonore supérieur à la valeur moyenne (LAeq 1 h) de 75 db;

    (2) donné ordre à la défenderesse d'installer un équipement de limitation et de contrôle du niveau sonore à l'émission dûment plombé;

    (3) donné ordre à la défenderesse d'interdire aux clients de son établissement de danser ou de taper des pieds dans son établissement public;

    (4) donné ordre à la défenderesse de mettre en place un service d'ordre privé, une demi-heure avant la fermeture et pendant celle-ci, avec pour mission de veiller à ce que la clientèle de son établissement quitte les lieux sans bruits excessifs;

    (5) assorti les injonctions des chiffres 1 à 4 ci-dessus de la menace des sanctions pénales de l'art. 292 CP;

    (6 et 7) rejeté toutes autres ou plus amples conclusions et fixé les frais et dépens.

    C.

    Les faits sur lesquels la cour cantonale a fondé son jugement peuvent être résumés comme il suit :

    C.a Au début des années 1970 a été érigé à Y.________, sur la commune de Z.________, l'immeuble résidentiel Le Belvédère. Soumis au régime de la propriété par étages, cet immeuble comporte deux entrées séparées, l'une permettant d'accéder à la partie septentrionale de la construction (Belvédère A) et l'autre à la partie méridionale de celle-ci (Belvédère B). La façade orientale donne sur la vallée alors que la façade occidentale est orientée côté amont où passe une route.

    Tout au bas de l'immeuble a été construite une piscine. Au-dessus de l'étage de la piscine, il y a un sous-sol où se trouvent six appartements (côté vallée) et les caves de l'immeuble (côté route). Au-dessus de ce sous-sol se trouve un entresol composé de six appartements (côté vallée) et d'un parking collectif (côté route). Sur l'entresol ont été construits le rez-de-chaussée inférieur, le rez-de-chaussée, puis quatre étages comportant tous des appartements, et enfin, dans le seul Belvédère B, des combles avec deux appartements.

    C.b Le règlement d'utilisation et d'administration de l'immeuble, adopté le 10 mai 1971 et obligatoire pour tous les propriétaires d'étage en vertu de son art. 1, dispose à son art. 5 que dans tout l'immeuble, "il est interdit d'exercer une activité susceptible d'importuner les autres copropriétaires et de leur causer du dommage, comme par exemple, de provoquer du bruit ou des trépidations ou de répandre des odeurs incommodant les locaux voisins". Adopté au plus tard lors de l'assemblée générale du 15 décembre 1972, le règlement de maison prescrit à son art. 12 qu'il est "interdit de faire du bruit, sous quelque forme que se soit (musique, danse, etc.) dès 22 heures à 8 heures" et précise que les "propriétaires d'établissements publics devront également s'en tenir à cet article". Malgré ce qu'a soutenu la défenderesse lors du débat final, rien ne permet de retenir que ledit règlement n'aurait pas été adopté valablement.

    C.c En janvier 1972, N.________ a acquis dans l'immeuble Le Belvédère l'unité d'étage n° 90, située au rez-de-chaussée inférieur. Il a aménagé ce local, qui servait initialement de dépôt, en tea-room puis en café-restaurant. En juin 1972, deux propriétaires d'étages se sont opposés à l'octroi d'une concession d'établissement public dans l'immeuble. Le 7 juillet 1972, l'un des opposants a retiré son opposition au motif que N.________ avait pris des dispositions pour que son établissement public ne gêne pas les autres copropriétaires et qu'il s'était notamment engagé à respecter l'art. 12 du règlement de maison (calme de 22 h à 8 h).

    En juillet 1975, il y a eu des disputes entre la communauté des propriétaires d'étage et N.________ au sujet de l'aération de la cuisine de son établissement public et des odeurs incommodant les autres copropriétaires. Une requête de mesures provisionnelles a ainsi été rejetée le 9 juillet 1975 par le juge des districts d'Hérens et de Conthey. Diverses autorités administratives ont en outre été sollicitées sur la base de normes de droit public entre 1978 et 1981.

    C.d Dès 1981, c'est dame X.________, épouse de N.________ dont elle a divorcé quelques années plus tard, qui a exploité seule le café-restaurant. En 1986, l'administrateur de la PPE a invité le service de l'environnement à prendre les mesures adéquates afin que les nuisances olfactives occasionnées par l'aération de la cuisine du restaurant soient supprimées. Il s'en est suivi diverses décisions administratives, jusqu'à une décision d'assainissement prise le 23 novembre 1999 par le chef du Département des transports, de l'équipement et de l'environnement du canton du Valais. Cette décision a imposé à dame X.________ de procéder dans un délai de douze mois à l'assainissement de la ventilation de la cuisine et du restaurant, en épurant l'air en circuit fermé ou en le rejetant sur le toit de l'immeuble; elle lui a également imposé d'obturer la grille du saut-de-loup par des briques transparentes ou par tout autre moyen adéquat.

    Après diverses péripéties, trois responsables du service de protection de l'environnement ont organisé en présence des conseils des parties, de dame X.________ et de l'administrateur de la PPE une inspection des lieux pour examiner notamment les travaux réalisés dans l'établissement public ainsi que le système de ventilation nouvellement installé. Ils ont constaté la fermeture hermétique du saut-de-loup au moyen d'une dalle en ciment comportant des hublots en verre translucide ainsi que la présence et le fonctionnement de deux unités de ventilation interne (épuration) fixées au plafond, qui "rempliss[ai]ent les normes du point de vue de la législation sur la protection de l'environnement".

    C.e L'établissement public de dame X.________ se trouve au rez-de-chaussée inférieur de l'immeuble, au centre de celui-ci et donnant du côté ouest sur la route. Au dessus de cet établissement public se trouve un appartement propriété de dame X.________. Voisin au nord de cette unité d'étages, donc au rez-de-chaussée, se trouve l'appartement anciennement propriété du demandeur 6, qui a été vendu aux enchères publiques le 18 juin 1998; en face de cet appartement, du côté vallée (est), il y a l'unité d'étage propriété du demandeur 7. L'appartement des demandeurs 10 est accolé à la paroi est de l'établissement public, deux étages au dessus de celui du demandeur 4 (qui se trouve au sous-sol). L'appartement de la demanderesse 2 se trouve à la verticale de l'établissement public, deux étages au dessus de celui-ci (au premier étage du Belvédère B, côté route); contiguë au sud, il y a l'unité d'étage de la demanderesse 3, épouse de B.________, l'administrateur de la PPE. Quant aux appartements de la demanderesse 5 et du demandeur 9, ils sont tous deux situés à la verticale de l'établissement public, respectivement quatre et cinq étages au dessus de celui-ci (soit aux troisième et quatrième étage du Belvédère B, côté route). Dans l'immeuble, les propriétaires d'étage sont au nombre de 57.

    C.f A partir de 1990, l'administrateur de la PPE et les propriétaires d'étage se sont régulièrement plaints à la commune de Z.________ des nuisances sonores provoquées par la fermeture régulière de l'établissement de dame X.________ à 1 h ou 2 h du matin, voire plus tard encore. Le 23 octobre...

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