Arrêt nº K 123/03 de IIe Cour de Droit Social, 26 février 2004

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Date de Résolution26 février 2004
SourceIIe Cour de Droit Social

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130 V 196

31. Arrêt dans la cause ACCORDA Assurance Maladie SA contre Département fédéral de l'intérieur

K 123/03 du 26 février 2004

Faits à partir de page 196

A. ACCORDA Assurance Maladie est une société anonyme à but non lucratif, dont le siège est à Givisiez. Son capital social est de 6'000'000 fr. Elle a été fondée en 1998 par des professionnels de la santé (médecins, pharmaciens, hôpitaux et autres prestataires de soins). Son but statutaire est la gestion d'une caisse-maladie BGE 130 V 196 S. 197

fournissant en Suisse toute prestation dans le domaine de l'assurance-maladie obligatoire; la société fournit également des prestations dans le domaine des assurances complémentaires. En 2002, elle comptait environ 22'000 assurés. Actuellement, ce nombre est de 12'000 environ.

Par lettre du 3 mai 2003, ACCORDA SA a informé l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) qu'elle n'avait pas été en mesure de lui adresser les comptes et le bilan de l'exercice 2002 dans les délais; un audit était en cours et informerait avec précision les organes de la société sur la situation. A la demande de l'OFAS, elle a adressé à ce dernier, le 6 mai 2003, les comptes provisoires et un projet de bilan provisoire de l'exercice 2002. Elle exposait qu'elle avait vu pratiquement tripler le nombre de ses assurés au cours de l'année 2002 et que cette croissance avait créé une surcharge de travail que la direction n'avait pas pu maîtriser dans les délais voulus. L'information au conseil d'administration était très déficiente et, de ce fait, ce dernier manquait d'une vision claire sur la gestion de la société. Enfin, un mandat d'audit avait été confié à la société W. Invitée par l'OFAS à fournir des précisions sur les faits qui laisseraient supposer une dégradation de la gestion de la société, ACCORDA SA a répondu, le 12 mai 2003, que l'audit en cours apporterait des éclaircissements sur la situation à la fin du mois de mai, et qu'elle était probablement victime de malversations et de détournements; elle s'est également référée à un courrier que son organe de révision, Z. SA, aurait entre-temps fait parvenir à l'office, selon lequel la société se trouvait confrontée à un possible surendettement.

Le 20 mai 2003, une réunion a eu lieu entre des représentants de l'OFAS, de l'Office fédéral des assurances privées (OFAP) et des représentants de la caisse, en présence d'un responsable de l'organe de révision. Les représentants de l'OFAP ont proposé d'accorder un délai de 10 jours à ACCORDA SA pour prendre des mesures, en particulier pour trouver un partenaire prêt à reprendre le portefeuille des assurés ou obtenir un apport important de fonds. L'OFAS s'est rallié à cette proposition. ACCORDA SA, par son conseil d'administration, s'est engagée à obtenir des apports financiers permettant de boucler les comptes 2002, à mettre en oeuvre des mesures administratives et de gestion qui garantissent le respect des droits des assurés et, enfin, à trouver un partenaire prêt à reprendre les actifs et passifs de la société.

ParBGE 130 V 196 S. 198

lettre du 21 mai 2003, adressée au conseil d'administration de la société, l'OFAS a confirmé les termes de cette entrevue, en faisant référence au dépôt de l'avis au juge de la situation de surendettement, qui devait être donné le même jour par Z. SA, conformément à l'art. 729b al. 2 CO. L'OFAS a fixé à l'administration un délai au 30 mai 2003 pour prendre les mesures convenues.

B. Le 21 mai 2003, Z. SA a effectivement informé le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de la Sarine que, bien que le conseil d'administration d'ACCORDA SA n'eût pas encore approuvé les comptes de l'exercice 2002, le surendettement de la société, à la fin de l'exercice 2002, s'élevait à 834'665 fr., établi comme suit:

- capital actions 6'000'000 fr.

- capital bons de participation 642'500 fr.

- pertes reportées au 01.01.02 -3'127'094 fr.82

- pertes de l'exercice 2002 -4'350'070 fr.54

- surendettement 834'665 fr.36

Z. SA indiquait que, malgré son surendettement, la société pouvait compter sur le versement régulier de primes de 27'000 assurés environ. Elle disposait donc actuellement de liquidités suffisantes (plusieurs millions) pour continuer son exploitation ordinaire. Compte tenu également des mesures d'assainissement exigées par l'OFAS, l'organe de contrôle estimait raisonnable d'ajourner la faillite de 10 jours. Dans l'hypothèse où un plan d'assainissement ne serait pas présenté, la nomination d'un curateur avec privation du conseil d'administration de son pouvoir de disposition paraîtrait une mesure judicieuse, dès lors qu'il n'était pas exclu qu'un repreneur du monde de l'assurance sociale s'intéressât à la reprise de la société.

Par courrier du 6 juin 2003, l'OFAS a écrit au Président du Tribunal de l'arrondissement de la Sarine pour l'informer qu'il soutenait toute proposition allant dans le sens d'une continuation, au moins provisoire, des activités d'ACCORDA SA, afin de permettre, le cas échéant, de mener à bien des pourparlers en vue d'une reprise du portefeuille des assurés ou de la société toute entière par un autre assureur.

BGE 130 V 196 S. 199

A l'audience du 11 juin 2003, après avoir entendu les représentants de toutes les parties intéressées, en particulier d'ACCORDA SA, de l'OFAP et de l'OFAS, ce même président a prononcé l'ajournement de la faillite. Un délai expirant au 30 juin 2003 a été imparti à ACCORDA SA pour se déterminer sur l'évolution de sa situation, notamment sur l'évolution des mesures d'assainissement prévues.

C. Auparavant, le 26 mai 2003, W. a rendu son rapport d'audit intitulé " Diagnostic organisationnel et financier ". Ce rapport constate que la société connaît d'importantes difficultés au niveau de l'organisation et sur le plan financier, et énumère les mesures à prendre pour y remédier. Il relève certains abus commis par le personnel et la direction de la société. Il met l'accent sur la faiblesse du contrôle interne et souligne l'incidence sur les comptes d'une convention passée le 21 novembre 2001 par ACCORDA SA avec l'Hospice général de Genève pour l'assurance de l'ensemble des requérants d'asile aidés financièrement par cet établissement.

Le rapport a été remis à l'OFAS le 16 juin 2003. Par lettre du 20 juin 2003, l'OFAS a invité ACCORDA SA à lui communiquer les mesures concrètes qu'elle entendait prendre immédiatement pour assainir sa situation et améliorer sa gestion administrative. L'office désirait également être informé sur l'avancement des négociations en vue d'une reprise éventuelle de la société par un autre assureur. Par fax du même jour, ACCORDA SA a informé l'OFAS que son conseil d'administration souhaitait, dans le cadre de mesures d'assainissement, augmenter les primes dans les cantons de Genève et de Neuchâtel à compter du 1erseptembre 2003. ACCORDA SA a par la suite renoncé à procéder à une augmentation de primes en cours d'année, faute d'avoir pu fournir à l'OFAS les documents requis en temps utile.

Le 26 juin 2003, ACCORDA SA a communiqué à l'OFAS diverses informations relatives à son déficit pour l'année 2002, sur l'état de sa trésorerie en 2003, ainsi que sur des mesures de réorganisation entreprises avec l'appui de W.

Le 17 juillet 2003 s'est tenue une nouvelle audience devant le Président du Tribunal de l'arrondissement de la Sarine. Un représentant de W. a produit les comptes définitifs pour l'année 2002. Il en résultait au 31 décembre 2002 un surendettement de 1'334'808 fr. et un capital au 30 avril 2003 de 346'905 fr. Un délai expirant le 30 août 2003 a été imparti à ACCORDA SA pour communiquer au juge et aux offices fédéraux les décisions qui seraient prises par l'assemblée générale quant aux mesures d'assainissement et toute information utile quant à la mise en oeuvre de ces mesures.

BGE 130 V 196 S. 200

Le 13 août 2003, l'OFAS a informé ACCORDA SA qu'il entendait proposer au Département fédéral de l'intérieur (DFI) de retirer à l'assureur l'autorisation de pratiquer l'assurance-maladie sociale et il l'a invitée à se déterminer sur cette éventualité.

Une assemblée générale des actionnaires a été convoquée le 19 août 2003. Il a été décidé de "splitter" les actions dorénavant toutes d'une valeur nominale de 1250 fr., d'augmenter le capital-actions d'un montant de 1'500'000 fr. par l'émission de 1200 actions nominatives de 1250 fr., de procéder à une augmentation de capital autorisée de 1'500'000 fr. et, enfin, de fixer dans les statuts de la société la possibilité pour le conseil d'administration de créer un capital-participation de 2'000'000 fr. au maximum.

Le 22 août 2003, l'OFAS a pris acte des mesures décidées par l'assemblée générale. Il relevait qu'au vu des prévisions chiffrées pour 2003 que la caisse-maladie lui avait fait parvenir dans le cadre de la nouvelle procédure d'augmentation des primes prévue par le conseil d'administration pour 2004, l'augmentation ordinaire du capital décidée par l'assemblée générale ne suffirait pas, selon toute vraisemblance, pour parvenir à un exercice comptable 2003 équilibré. L'office maintenait son intention de proposer au DFI de retirer l'autorisation de pratiquer l'assurance-maladie sociale à la société pour la fin de l'année.

D. Le 3 septembre 2003, le DFI a pris à l'encontre d'ACCORDA SA la décision suivante:

1. Retrait de l'autorisation

1.1 L'autorisation de pratiquer l'assurance-maladie sociale est retirée à la société anonyme ACCORDA SA, sise à Fribourg, conformément à l'art. 13, al. 3, LAMal avec effet au plus tard au 1er janvier 2004.

1.2 La reconnaissance au sens de l'art. 12, al. 5, OAMal est retirée simultanément à la société anonyme ACCORDA SA.

1.3 Les rapports d'assurance de l'assurance obligatoire des soins de tous les assurés affiliés auprès de ACCORDA SA sont résiliés au 31 décembre 2003. Il en va de même pour les contrats d'assurance de l'assurance facultative d'indemnités journalières au sens des art. 67 ss LAMal au 31 décembre 2003.

2. 2. Modalités

2.1...

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