Arrêt nº 4P.205/2003 de Ire Cour de Droit Civil, 22 décembre 2003

Date de Résolution22 décembre 2003
SourceIre Cour de Droit Civil

Tribunale federale

Tribunal federal

{T 0/2}

4P.205/2003 /ech

Arrêt du 22 décembre 2003

Ire Cour civile

Composition

MM. et Mmes les Juges Corboz, Président, Walter, Klett, Rottenberg Liatowitsch et Nyffeler.

Greffier: M. Ramelet.

Parties

X.________ SA,

recourante, représentée par Me Jean-Christophe Diserens,

contre

A.________,

intimée, représentée par Me Odile Cavin,

Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du Signal 8, 1014 Lausanne.

Objet

art. 9 Cst. (appréciation arbitraire des preuves, procédure civile),

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois du 20 août 2003.

Faits:

A.

A.a A.________ (la demanderesse), née le 1er octobre 1950 (art. 64 al. 2 OJ), licenciée en sciences politiques et en droit, est titulaire du brevet d'avocat genevois depuis 1982. Après avoir pratiqué le barreau dans deux études d'affaires internationales réputées sur la place de Genève, elle a travaillé, du 1er août 1989 au 28 février 1993, comme avocat-conseil au sein d'un groupe spécialisé dans le négoce de produits agroalimentaires, dénommé "Y.________ SA". Ayant perdu son emploi en raison d'une restructuration du groupe, elle s'est retrouvée quelques mois au chômage avant d'être engagée dès le 23 août 1993 par X.________ SA (ci-après: X.________ ou la défenderesse) en qualité de juriste/secrétaire générale. X.________ est une société multinationale comportant de nombreuses filiales à l'étranger, qui a pour but la prise de participations dans des affaires financières, commerciales, industrielles, mobilières et immobilières; à cette époque, l'actionnaire majoritaire de X.________ était la Banque Z.________, dont l'actionnaire unique était la société française W.________ SA.

Jusqu'en 1994, B.________ était le président de X.________. C'est ensuite C.________ qui a pris les rênes de la société; C.________ était en même temps directeur général adjoint du groupe Banque Z.________/W.________, à Paris. En 1995, pour des raisons qui seront explicitées ci-dessous, C.________ a été contraint de démissionner de la présidence de X.________.

A.________ a succédé au sein de la défenderesse à D.________, né le 9 novembre 1941. B.________ avait précisé à l'intéressée qu'elle serait d'une aide précieuse pour les opérations de "Trade Finance" (ingénierie financière d'échanges commerciaux et internationaux), nouveau domaine d'activité de X.________.

A son entrée en fonction, A.________ a perçu un salaire mensuel brut de 9'320 fr., qui a été porté à 10'770 fr. brut dès le 1er janvier 1994 versé treize fois, d'où une rémunération annuelle brute de 140'000 fr. pour l'année 1994. Selon son contrat de travail, elle avait droit, "en dérogation à l'article 24 du Règlement général du personnel", à cinq semaines de vacances par année et bénéficiait d'un délai de résiliation de trois mois après le temps d'essai.

Lors de la séance du conseil d'administration de X.________ du 23 septembre 1993, A.________ a été nommée secrétaire dudit conseil et sous-directrice. Il est précisé dans le procès-verbal de la séance que, "dans un proche avenir", la prénommée pourra être proposée au rang de directrice-adjointe. Il a été constaté que D.________ avait été désigné directeur-adjoint de X.________ à son entrée en fonction, en août 1986.

A partir d'octobre 1994, A.________ a été membre du conseil d'administration de sept sociétés, filiales du groupe X.________. Elle a résilié l'ensemble de ses mandats en décembre 1995 en raison des risques qu'ils comportaient, sans aucun préjudice pour son salaire.

A.b A.________ occupait un poste à responsabilité au sein de la défenderesse. Elle conseillait la direction générale et contribuait à l'élaboration de décisions concernant la politique générale de X.________ en émettant des suggestions. Son poste était comparable à celui occupé par son prédécesseur D.________, même si, selon B.________, elle n'était pas aussi proche de la direction générale et n'avait pas autant d'influence que D.________. Le président B.________ a toutefois admis qu'il ignorait la nature des responsabilités que C.________, devenu président de la société, avait confiées à A.________. Cette dernière coordonnait encore les opérations juridiques du groupe, singulièrement celles traitées par le bureau de Lausanne, engageait et suivait les procédures judiciaires et arbitrales avec l'aide des mandataires extérieurs, assistait les responsables de X.________ en matière de "Trade Finance", rédigeait des contrats, notamment ceux relatifs aux acquisitions de sociétés, et participait à la rédaction de certains textes publiés dans le rapport annuel de la société.

A la fin 1994, X.________ est entrée dans une zone de turbulences. C.________ a en effet incité X.________ à acquérir la société U.________, ex- filiale de la Banque Z.________. Dans le cadre de cette opération, C.________ a accordé des prêts par 15 millions de francs suisses à W.________ SA et des dépôts par 10 millions des mêmes francs à la Banque Z.________, alors que ces deux sociétés étaient en difficulté financière. Il en est résulté une grave crise structurelle au sein de la défenderesse, dont l'existence même a été mise en péril, car les deux sociétés dont elle était créancière étaient tombées en redressement judiciaire et ne pouvaient pas honorer leurs dettes. Cette situation a conduit C.________ à présenter sa démission en 1995.

A.________ a alors été chargée d'organiser et de suivre toutes les procédures destinées au recouvrement des avances consenties à W.________ SA et à la Banque Z.________. Elle a ainsi dirigé, tant en Suisse qu'en France, les procédures de séquestre, les actions en contestation de revendication y relatives, les procédures en reconnaissance de jugements étrangers, les recours au Tribunal fédéral et a participé à des procédures arbitrales, tout en suivant, avec l'appui de conseils français, les procédures françaises de redressement judiciaire et les questions de droit international privé qui se posaient.

Les qualités professionnelles de la demanderesse, en particulier sa diligence, son professionnalisme et son sens aigu du droit, ont été reconnues. L'un des avocats français mandatés par X.________ a relevé que A.________ avait joué un rôle essentiel dans le succès des procédures engagées.

A.c

A.c.a Ce contexte particulier a péjoré les relations déjà difficiles qu'entretenait A.________ avec C.________. Des différends sont apparus à propos de la prise de vacances et de rattrapage d'heures supplémentaires. Il a en outre été reproché à l'avocate, qui avait conservé son domicile à Genève et se déplaçait en train, d'être moins présente sur son lieu de travail que les autres membres de la direction.

De plus, dès l'automne 1994, A.________ s'est trouvée à maintes reprises en désaccord avec le président C.________, parce qu'elle s'efforçait de sauvegarder les intérêts propres de X.________.

A partir de janvier 1995, elle a été privée de secrétaire personnelle.

A.c.b Le 3 octobre 1995, A.________ a écrit la lettre suivante à C.________:

"(...) lors d'un entretien que nous avons eu le 2 décembre 1994, je vous avais demandé d'adapter mes conditions salariales à celles pratiquées dans la Société à Lausanne pour des personnes portant des responsabilités équivalentes. En guise de réponse, vous avez accepté d'augmenter mon salaire de FS 10'000 par an dès janvier 1995, ce qui - après 16 mois de service - faisait passer mes revenus de FS 140'000 à FS 150'000 par an, tandis que mes frais de déplacement (FS 3'500 par an) n'étaient pas pris en charge:

(...)

A l'appui de ma requête, je vous avais indiqué que je venais d'apprendre que mon prédécesseur, M. D.________, percevait un salaire supérieur au mien de FS 52'000 par an ...

(...)

Je demande donc une augmentation de salaire avec effet rétroactif au 1er juillet, équivalant à un montant total de 208'000 francs par an. Cette somme correspond en effet tant aux salaires pratiqués à l'intérieur de la Société qu'à ceux pratiqués sur le marché des banques et sociétés financières pour un avocat ayant eu dix ans de pratique de barreau dans deux études internationales prestigieuses et maîtrisant parfaitement trois langues étrangères (...)".

X.________, sous la plume de C.________, a nié vertement les accusations de discrimination proférées à l'encontre de la société. A.________ n'a finalement obtenu pour l'année 1996 qu'une augmentation de salaire de 3% - ce qui lui donnait un traitement annuel brut de 154'500 fr. - et l'extension à six mois de son délai de congé.

Il a été retenu que le salaire de tous les cadres supérieurs masculins des services administratifs du groupe étaient supérieurs à celui de la demanderesse et que, hormis D.________, tous les cadres de la défenderesse avaient reçu entre 1993 et 1995 des bonus annuels qui s'ajoutaient au salaire nominal. En 1996, seuls certains d'entre eux ont bénéficié de cet avantage.

En ce qui la concerne, A.________ n'a reçu un bonus qu'en 1995, lequel se montait à 7'000 fr.

A.d En 1996, le groupe V.________, devenu détenteur majoritaire du capital de X.________, a décidé de modifier, dès le 1er janvier 1997, l'organigramme de la société et de mettre en place un certain nombre de personnes issues de son organisation. Des employés ont été congédiés.

Par lettre du 5 février 1997, A.________ a été licenciée pour le 31 août 1997; libérée immédiatement de son obligation de travailler, il lui a été toutefois demandé de rester disponible pour répondre à des demandes d'informations relatives aux dossiers dont elle avait la charge (art. 64 al. 2 OJ).

Pour remplacer la demanderesse, X.________ a engagé en 1997 E.________, né en 1960, en lui octroyant une rémunération égale à celle qu'avait atteinte l'intéressée en fin de contrat (cf. p. 64 in medio du jugement de la Cour civile).

A.e S'agissant de la formation et/ou de l'expérience professionnelle acquises, de la date de l'engagement, des responsabilités exercées et des différentes...

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