Arrêt nº 4C.223/2003 de Ire Cour de Droit Civil, 21 octobre 2003

Conférencierpublié
Date de Résolution21 octobre 2003
SourceIre Cour de Droit Civil

Text Publié

Chapeau

130 III 28

  1. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile dans la cause A. contre X. SA (recours en réforme)

    4C.223/2003 du 21 octobre 2003

    Faits à partir de page 29

    BGE 130 III 28 S. 29

    1. est entré au service de X. SA en 1995 en qualité de collaborateur de vente. Il était sous les ordres de B., directeur des bureaux de la société à W. A. s'est investi sans compter pour X. SA et il formait avec B. une bonne équipe, qui a contribué à améliorer les résultats de l'entreprise.

    Dans le courant de l'année 1998, une messagerie électronique a été installée dans les bureaux de W. Deux adresses ont été créées, une adresse professionnelle, ouverte à tous les employés du site, et une adresse privée destinée à B. Ces deux adresses étaient protégées par un nom d'utilisateur et un mot de passe. L'idée de configurer une adresse distincte pour le directeur émanait de A., qui a procédé à son installation.

    Gravement atteint dans sa santé, B. a été incapable de travailler d'octobre à décembre 1999. Durant son absence, il a chargé A. du suivi des affaires de la société et l'a autorisé à consulter et à utiliser l'adresse professionnelle de l'entreprise, ce qui allait de soit, dans la mesure où cette adresse était ouverte à tous. Malgré sa maladie, le directeur a continué de superviser la gestion de la société.

    L'adresse personnelle de B. était utilisée à des fins professionnelles et privées. Elle servait à l'échange d'informations sensibles de B. avec la direction centrale de X. SA et avec des tiers. Les différents messages traitaient notamment des budgets annuels, des salaires des collaborateurs de l'entreprise, y compris celui de A., et de l'exécution de leur travail. B. utilisait également cette messagerie pour informer la direction centrale de l'évolution de son état de santé et pour adresser des courriers de nature privée à d'autres correspondants. A. ne pouvait ignorer le caractère privé de ce compte, dont l'utilisation a été particulièrement intense durant la maladie du directeur.

    BGE 130 III 28 S. 30

    En juin 2000, le disque dur de l'ordinateur de B. a subi une panne. En examinant l'ordinateur, le réparateur a découvert que l'adresse personnelle du directeur avait été dupliquée sur l'adresse privée de A., ce qui signifiait que celui-ci recevait une copie de tous les messages envoyés au directeur sur son compte personnel, ce que ce dernier ne pouvait remarquer en accédant à sa propre messagerie. B. a été surpris de cette découverte.

    Grâce à cette déviation, A. s'était aménagé un accès à toute la messagerie électronique du directeur. Aussi bien au bureau qu'à la maison, il pouvait consulter, depuis son ordinateur, sous son propre nom d'utilisateur et mot de passe, les e-mails parvenant à cette adresse. Il n'avait pas besoin de taper le nom d'utilisateur du directeur ni son mot de passe. En principe, les messages envoyés ne peuvent être lus que sur l'installation qui les a créés et envoyés, mais, dans l'hypothèse où le destinataire d'un message envoyé par B. lui répondait sans supprimer le message initial, A. avait également accès aux messages envoyés par le directeur.

    Il n'a pas été établi que A. ait pris connaissance d'e-mails privés ni qu'il ait divulgué une quelconque information sur l'état de santé de B.

    Le 15 juin 2000, X. SA, se référant à un entretien du 13 courant, a confirmé à A. qu'il était licencié avec effet immédiat, en mentionnant le détournement des messages électroniques. Considérant un tel licenciement comme injustifié, A. a offert ses services, ce que X. SA a refusé.

    En automne 2000, A. a introduit une action en justice, réclamant notamment une indemnité pour licenciement injustifié. La Cour civile cantonale l'a débouté, considérant que X. SA était en droit de résilier avec effet immédiat son contrat de travail.

    Contre le jugement cantonal, A. a interjeté un recours en réforme au Tribunal fédéral, qui a été rejeté dans la mesure de sa recevabilité.

    Extrait des considérants:

    Extrait des considérants:

  2. La cour cantonale a considéré en substance que le seul fait, pour le demandeur, d'avoir dévié sur son adresse privée l'adresse du directeur constituait une atteinte grave aux droits de la personnalité de son supérieur hiérarchique, alors que ni le consentement de la victime, ni la mission confiée ou l'intérêt prépondérant de la défenderesse ne permettait de la justifier. Un tel comportement BGE 130 III 28 S. 31

    constituait à lui seul un juste motif de licenciement immédiat, car il était de nature à rompre irrémédiablement la confiance de la défenderesse à l'égard de son employé. Dans cette appréciation, il importait peu de savoir si le demandeur s'était abstenu de prendre connaissance des messages privés figurant sur ce compte, s'il avait divulgué des informations confidentielles ou si la défenderesse avait subi un dommage matériel.

  3. Invoquant une violation de l'art. 337 CO, le demandeur reproche en substance à la cour cantonale d'avoir admis l'existence d'un juste motif de résiliation immédiate, sans avertissement préalable, alors qu'il n'était pas établi qu'il ait pris connaissance de messages de nature privée reçus sur la messagerie du directeur ni a fortiori qu'il les ait divulgués. En outre, le délai entre la découverte du détournement de la messagerie et son licenciement serait trop long.

    4.1 Selon l'art. 337 al. 1 1rephrase CO, l'employeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs. Doivent notamment être considérées comme tels toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail (cf. art. 337 al. 2 CO).

    Mesure exceptionnelle, la résiliation immédiate pour justes motifs doit être admise de manière restrictive (ATF 127 III 351 consid. 4a et les références cités). D'après la jurisprudence, les faits invoqués à l'appui d'un renvoi immédiat doivent avoir entraîné la perte du rapport de confiance qui constitue le fondement du contrat de travail. Seul un manquement particulièrement grave du travailleur justifie son licenciement immédiat; si le manquement est moins grave, il ne peut entraîner une résiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement (ATF 129 III 380 consid. 2.1). Par manquement du travailleur, on entend en règle générale la violation d'une obligation découlant du contrat de travail (ATF 127 III 351 consid. 4a p. 354 et les arrêts cités), mais d'autres incidents peuvent aussi justifier une résiliation immédiate (cf. ATF 129 III 380 consid. 2.2). Une infraction pénale commise au détriment de l'employeur constitue, en principe, un motif justifiant le licenciement immédiat du travailleur (ATF 117 II 560 consid. 3b p. 562). Le comportement des cadres doit être apprécié avec une rigueur accrue en raison du crédit particulier et de la responsabilité que leur confère leur fonction dans l'entreprise (ATF 127 III 86 consid. 2c p. 89).

    LeBGE 130 III 28 S. 32

    juge apprécie librement s'il existe de justes motifs (art. 337 al. 3 CO). Il applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC). A cet effet, il prendra en considération tous les éléments du cas particulier, notamment la position et la responsabilité du travailleur, le type et la durée des rapports contractuels, ainsi que la nature et l'importance des manquements (ATF 127 III 351 consid. 4a p. 354; ATF 116 II 145 consid. 6a p. 150). Le Tribunal fédéral revoit avec réserve la décision d'équité prise en dernière instance cantonale. Il intervient lorsque celle-ci s'écarte sans raison des règles établies par la doctrine et la jurisprudence en matière de libre appréciation, ou lorsqu'elle s'appuie sur des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle, ou à l'inverse, lorsqu'elle n'a pas tenu compte d'éléments qui auraient absolument dû être pris en considération; il sanctionnera en outre les décisions rendues en vertu d'un pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante (ATF 129 III 380 consid. 2 p. 382; ATF 127 III 153 consid. 1a p. 155, ATF 127 III 351 consid. 4a p. 354).

    4.2 Selon l'art. 13 Cst., toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile, de sa correspondance et des relations qu'elle établit par la poste et les télécommunications. Le Tribunal fédéral a considéré que le courrier électronique par le biais d'Internet était couvert par le secret des communications (ATF 126 I 50 consid. 6a p. 65 s.). Le simple fait de connaître les adresses...

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