Arrêt nº 4P.115/2003 de Ire Cour de Droit Civil, 16 octobre 2003

Conférencierpublié
Date de Résolution16 octobre 2003
SourceIre Cour de Droit Civil

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Chapeau

129 III 727

111. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile dans la cause X. S.A.L, Y. S.A.L. et A. contre Z. Sàrl et Tribunal arbitral CCI (recours de droit public)

4P.115/2003 du 16 octobre 2003

Faits à partir de page 727

A.- A la suite d'un appel d'offres, Z. Sàrl (ci-après: Z.), société de droit libanais, a conclu, le 15 octobre 1997, avec les sociétés de droit libanais Y. S.A.L. (ci-après: Y.) et X. S.A.L (ci-après: X.), agissant respectivement en qualité de maître de l'ouvrage et de mandataire du maître de l'ouvrage, un contrat d'entreprise ayant pour objetBGE 129 III 727 S. 728

la réalisation de travaux de construction dans le cadre de l'édification d'un grand complexe immobilier à U., au Liban. Le droit libanais était applicable à ce contrat. Les différends auxquels l'exécution de celui-ci pourrait donner matière devaient être résolus par voie d'arbitrage, conformément à une clause compromissoire fixant le siège de l'arbitrage à Genève.

Par lettre du 27 octobre 2000, Z. a informé Y. et X. de son intention de résilier le contrat en raison du défaut de paiement d'une facture pour des travaux exécutés par elle. Il en est résulté un différend que les parties n'ont pas pu régler à l'amiable.

B.- Le 14 février 2001, Z. a adressé à la Chambre de Commerce Internationale (CCI) une requête d'arbitrage visant non seulement Y. et X., mais encore le dénommé A., au motif que cet homme d'affaires libanais était intervenu de façon constante dans l'exécution du contrat d'entreprise. Tirant argument du fait que A. n'avait pas signé le contrat d'entreprise, les parties défenderesses ont sollicité sa mise hors de cause.

La demanderesse a proposé comme arbitre Me D. Quant aux parties défenderesses, elles ont avancé le nom de M. E. Les coarbitres ont désigné Me S. comme président du Tribunal arbitral. La CCI a entériné ces choix.

Par sentence finale du 22 avril 2003, rendue à la majorité de ses membres, le Tribunal arbitral a dit que la résiliation du contrat d'entreprise par Z. était justifiée. En conséquence, il a condamné solidairement Y. et X. à payer à la demanderesse un total de quelque 1'746'000 US$ à différents titres, intérêts en sus. Considérant que A. avait été attrait à bon droit dans la procédure d'arbitrage, il l'a déclaré conjointement responsable des condamnations prononcées à l'encontre des deux sociétés défenderesses. Enfin, le Tribunal arbitral, admettant partiellement la demande reconventionnelle formée par celles-ci, a condamné Z. à leur verser la somme de 50'000 US$ et ses accessoires à titre de dommages-intérêts pour les malfaçons affectant l'ouvrage livré.

C.- Y., X. et A. ont formé un recours de droit public au Tribunal fédéral aux fins d'obtenir l'annulation de la sentence arbitrale. Se fondant sur les art. 190 al. 2 let. a, b et d LDIP, les recourants reprochent au Tribunal arbitral, plus précisément aux arbitres majoritaires, d'avoir clos la procédure probatoire alors que des éléments de fait primordiaux, mis en lumière par des expertises subséquentes, n'avaient pas été éclaircis, de n'avoir pas consulté l'arbitre minoritaire - M. E. - lors de l'élaboration du texte définitif de la sentenceBGE 129 III 727 S. 729

et d'avoir rendu celle-ci à l'encontre d'une personne - A. - qui n'était pas liée par la clause arbitrale insérée dans le contrat d'entreprise.

Par mémoire séparé, les recourants ont formé simultanément une demande de révision à titre subsidiaire.

Le Tribunal fédéral a rejeté le recours de droit public.

Extrait des considérants:

Extrait des considérants:

1. Les recourants ont déposé, parallèlement, un recours de droit public et une demande de révision visant tous deux la même décision, à savoir la sentence finale du 22 avril 2003, laquelle jouissait de la force de chose jugée dès sa communication (art. 190 al. 1 LDIP). Le Tribunal fédéral est compétent pour statuer sur l'un et l'autre de ces moyens de droit extraordinaires (art. 191 al. 1 LDIP;ATF 118 II 199 consid. 2). Il n'existe pas de disposition spécifique, tel l'art. 57 al. 1 OJ pour le recours en réforme ou l'art. 6 al. 1 PCF en liaison avec l'art. 40 OJ pour les autres recours, qui réglerait la priorité de traitement entre le recours de droit public et la demande de révision dirigés contre une sentence rendue dans le cadre d'un arbitrage international. Le but assigné à ces dispositions - éviter, pour des motifs d'économie procédurale, que le Tribunal fédéral ne s'occupe d'une affaire tant que la décision attaquée est susceptible d'être annulée par une autorité cantonale (ATF 83 II 422) - ne joue pas de rôle dans un tel contexte puisque c'est la même autorité qui est appelée à statuer sur les moyens de droit connexes. Cela étant, on observe, en particulier au niveau cantonal, que la révision est généralement conçue comme une voie de recours subsidiaire par rapport aux instruments prioritaires que constituent les autres voies de recours mises à la disposition du justiciable (cf., parmi d'autres, FABIENNE HOHL, Procédure civile, vol. II, n. 3079; PHILIPPE SCHWEIZER, Le recours en revision, thèse Neuchâtel 1985, p. 331). Dans le même esprit, la jurisprudence fédérale considère que les motifs mentionnés à l'art. 136 OJ ne sauraient fonder une demande de révision d'une sentence arbitrale internationale dès lors qu'ils peuvent être invoqués à l'appui d'un recours de droit public au sens de l'art. 190 al. 2 LDIP (arrêt 4P.104/1993 du 25 novembre 1993, consid. 2;ATF 118 II 199 consid. 4). La logique veut donc que l'on traite en priorité le recours de droit public. Il ne s'agit là cependant que d'une règle générale et il est tout à fait concevable que, dans certaines hypothèses comme celle prévue par l'art. 137 let. a OJ, il puisse se justifier de commencer par l'examen de la demande de révision.

BGE 129 III 727 S. 730

En l'espèce, il n'y a aucune raison de déroger à la règle. Le faire s'impose d'autant moins que, dans sa réponse à la demande de révision, l'intimée conclut à l'irrecevabilité de celle-ci du fait que ses auteurs y articuleraient les mêmes griefs que ceux qu'ils formulent dans leur recours de droit public parallèle et qui entreraient dans les prévisions de l'art. 190 al. 2 LDIP. Il convient donc d'examiner en premier lieu les moyens soulevés dans le recours de droit public.

(...)

5. Il reste à examiner si le Tribunal arbitral était compétent pour rendre sa sentence à l'égard de A., alors même que cette personne n'avait pas signé le contrat d'entreprise incluant la clause compromissoire et que son nom n'apparaît pas dans cette clause.

5.1

5.1.1 La majorité du Tribunal arbitral a tenu, en substance, le raisonnement suivant pour justifier l'extension de la clause d'arbitrage à A.:

Le présent arbitrage revêt un caractère international au regard tant du droit suisse que du droit libanais, contrairement à ce que soutiennent les parties défenderesses, ce qui rend inopérants les moyens que ces dernières entendent tirer des dispositions du Code de procédure civile libanais relatives à l'arbitrage interne ainsi que d'autres règles matérielles du droit libanais. Par conséquent, la jurisprudence touchant l'extension, en matière d'arbitrage international, de la clause compromissoire aux tiers non-signataires est applicable en l'espèce. A cet égard, la jurisprudence française illustre bien la tendance actuelle de la pratique arbitrale internationale. Selon cette jurisprudence, le fondement juridique de l'extension de la clause compromissoire à un tiers non-signataire réside dans les usages du commerce international, en vertu desquels la participation du non-signataire à la conclusion ou à l'exécution du contrat constitue l'élément déterminant. La possibilité d'une telle extension est d'ailleurs admise par le droit suisse sur le fondement de la volonté réelle des parties ou, à défaut, sur celui du principe de la bonne foi. C'est à la lumière de ce droit qu'il convient de rechercher si A. pouvait être mis en cause dans la procédure arbitrale pendante. Cependant, conformément à l'art. 17 du Règlement d'arbitrage de la CCI, le Tribunal arbitral doit aussi tenir compte de la lex mercatoria, le recours aux usages du commerce étant de surcroît justifié par le principe de l'autonomie de la clause d'arbitrage, selon lequel celle-ci n'est pas nécessairement soumise au droit applicable au contrat.

BGE 129 III 727 S. 731

Il est constant que les terrains sur lesquels ont été construits les immeubles objet du contrat d'entreprise du 15 octobre 1997 appartenaient à A. qui les a transférés à une société - Y. - contrôlée par ses proches et qui est demeuré titulaire du permis de construire jusqu'à une date bien postérieure à celle de la conclusion dudit contrat. Il est également possible, voire vraisemblable, que A. ait donné ou prêté à son épouse et à ses fils les fonds nécessaires à la constitution du capital des sociétés Y. et X. L'intéressé a en outre personnalisé à l'extrême la présentation du projet immobilier à la presse et au public. Ces éléments de fait sont toutefois insuffisants, à eux seuls, pour permettre à la demanderesse de l'attraire dans la procédure d'arbitrage. En revanche, il ressort des pièces du dossier que A. s'est manifestement et volontairement immiscé, non seulement dans la direction des sociétés défenderesses en ce qui concerne la gestion du projet immobilier, mais encore dans l'exécution du contrat d'entreprise litigieux, dont il n'a pu, de ce fait, ignorer les termes et conditions, en particulier la clause compromissoire qui y figure. Aussi bien, il est clairement établi que les sociétés Y. et X. n'ont été, à l'évidence, que les instruments de l'activité personnelle de A., ce dernier ayant ainsi manifesté son intention d'être personnellement partie à la convention d'arbitrage. Il serait du reste contraire aux règles de la bonne foi, qui gouvernent les relations commerciales internationales, qu'une personne physique qui est intervenue, de façon constante et répétée, dans l'exécution d'un...

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